Délais de livraison, procédure de validation, une source américaine dévoile à « L'Opinion » les dessous de la vente des lance-roquettes HIMARS au Maroc. L'annonce de la vente des lance-roquettes « HIMARS » au Maroc a suscité plusieurs débats passionnés chez les commentateurs aussi bien dans les médias spécialisés que dans les réseaux sociaux où on parle d'ores et déjà sur l'effet de ces armements sur l'équilibre stratégique dans la région. Un débat qui semble prématuré puisque la procédure de vente n'est pas encore définitive.
Le communiqué de la « Defense Security Cooperation Agency » (DSCA), chargée des exportations d'équipements militaires américains, s'est contentée de mentionner le montant du contrat (524,2 millions de dollars) et la nature des missiles et des munition commandés. Le calendrier de livraison n'a pas fait l'objet d'une communication officielle. Actuellement, les Etats-Unis sont soumis à une forte demande dans un contexte de regain de tensions géopolitiques. L'Armée américaine a dû même puiser dans ses réserves pour fournir à l'Ukraine les vingt précieuses unités qui ont permis de changer le cours de la guerre contre la Russie en faveur de Kiev. Washington compte livrer des unités supplémentaires à l'Armée de Kiev, mais la livraison prendra du temps. Les commentateurs ukrainiens ont été étonnés d'apprendre la vente des HIMARS au Maroc, et l'ont fait savoir sur les forums militaires et les pages spécialisées sur Twitter. « Le Département d'Etat ne voit aucun problème à vendre les missiles ATACMS au moment où il n'y a pas assez de stock pour en livrer à l'Ukraine », fulmine « Walter Report », un groupe d'observateurs de la guerre russo-ukrainienne.
Le Congrès se prononce en 30 jours
En effet, les délais de livraison posent plusieurs questions puisqu'il demeure incertain que les Etats-Unis puissent livrer les lance-roquettes au Royaume dans le court terme pour plusieurs raisons. Compte tenu du stock limité, les Américains pourraient donner la priorité à l'Ukraine qui est engagée dans un conflit de haute intensité. En sus, la fabrication de nouvelles unités prend du temps. Nous avons contacté l'agence de coopération sécuritaire, relevant du Pentagone, dont une source autorisée a accepté de répondre à nos questions.
La même source fait savoir que le contrat de vente sera transféré au Congrès après avoir été approuvé par le Département d'Etat. « Le Congrès aura trente jours pour examiner le contrat et dire son dernier mot », explique notre interlocuteur, ajoutant que le Capitole devrait proposer une résolution conjointe en cas d'opposition. « Ce scénario demeure peu probable », continue la même source.
Si le Congrès approuve le contrat, celui-ci sera validé d'ici quelques semaines. Ensuite, le Département de la Défense des Etats-Unis aura le feu vert pour passer un ordre de commande auprès des industriels américains concernés, en l'occurrence Lookheed Martin et les autres constructeurs susmentionnés.
Les Etats-Unis accélèrent la chaîne de production
Les HIMARS commandés par le Maroc ne sont pas disponibles en stock mais devront être fabriqués. Raison pour laquelle les délais de livraison seront relativement longs. Selon la source américaine, la commande devrait prendre quelques années. Bien qu'il n'ait pas fourni un délai précis, par incertitude, notre interlocuteur a bien choisi ses mots en disant « quelques » et non pas « plusieurs » années. Ce qui est certain pour le moment c'est que les Etats-Unis ont accéléré la chaîne de production de HIMARS après leur succès en Ukraine. L'usine de Lookheed Martin à Camden, dans l'Arkansas, a augmenté le taux de production à 48 unités en 2022 et compte aller au-delà de 60 les années suivantes. C'est ce qu'a fait savoir le PDG du constructeur américain lors d'une conférence téléphonique sur les résultats avec les investisseurs.
Après l'annonce de l'approbation de leur vente au Maroc, les lance-missiles M142 HIMARS (M142 High Mobility Artillery Rocket System) sont sur toutes les lèvres et passionnent les forums militaires. Si cette acquisition suscite autant de débat, c'est parce que le Royaume se voit entrer au sein du club restreint des pays dotés du fameux système américain dont la puissance redoutable s'est illustrée sur le front russo-ukrainien. Seuls six pays possèdent ce modèle, dont deux seulement dans le monde arabe (Emirats Arabes Unis et Jordanie). En Europe, les Américains ont cédé le fleuron de leur artillerie, jusqu'à présent, à la Roumanie (54 unités) et à l'Ukraine pour des raisons stratégiques liées à la protection des frontières de l'OTAN et au bras de fer avec la Russie. Le reste des pays européens, rappelons-le, est équipé d'un modèle plus ancien (M270).
Actuellement, le Maroc est le premier pays africain à acquérir les lance-roquettes américains. Le Royaume a commandé 18 exemplaires, en plus des munitions. Il s'agit des missiles balistiques tactiques de type « ATACMS », d'une portée qui varie entre 80 et 130 kilomètres, dont 40 ont été commandés. A cela s'ajoutent 36 M31A2 Guided Multiple Launch Rocket Systems (GMLRS), 36 ogives alternatives M30A2 Systèmes de missiles à lancement multiple guidé (GMLRS), 9 véhicules à roues polyvalents à haute mobilité M1152A1 (HMMWV), et 18 systèmes internationaux de données tactiques d'artillerie de campagne (IFATDS).
En effet, les HIMARS sont équipés de six missiles Sol/Sol guidés ayant une portée de 80 km en plus d'un missile balistique tactique. Ils sont fabriqués par neuf constructeurs, dont le géant de l'industrie militaire américaine Lookheed Martin qui a livré au Maroc les F-16, L3Harris Communications, Rochester, Raytheon, Waltham...etc.