Dans une note déclassifiée, la CIA a reconnu que la France a privilégié l'Algérie au détriment du Maroc dans le départage des frontières coloniales. Le document rend justice aux revendications du Royaume. Détails. Cela fait plusieurs jours que la fuite des documents classifiés du Pentagone et des agences américaines de renseignement défraye la chronique, ressuscitant le feuilleton des fameux « leaks » qui secoue fréquemment les Etats-Unis. Guerre en Ukraine, coopération avec les alliés, espionnage, la fuite est jugée importante et l'authenticité des documents dévoilés n'a pas encore été remise en cause par les services secrets américains ni par le Pentagone. Alors que la polémique bat son plein, un document a fait irruption sur le site web de la Central Intelligence Agency (CIA) qui concerne, cette fois-ci, le Maroc et son intégrité territoriale. Le document donne des renseignements précieux sur l'historique des frontières entre le Maroc et l'Algérie au lendemain de l'indépendance du Royaume. Intitulé « Background of Moroccan-Algerian border skirmishes », le document déclassifié rend justice aux revendications territoriales du Royaume et à ses affirmations historiques sur l'iniquité de la décolonisation et des frontières héritées de l'ère coloniale. L'iniquité française ! Selon la note, quand l'Algérie fut un département français, la France privilégia « l'Algérie française » au détriment du Maroc dans le traçage des frontières. Les rédacteurs de la note reconnaissent cet état de fait, soulignant que la démarcation a été faite par l'ex-colonisateur de sorte à accorder le maximum possible de superficie à l'Algérie au Sud-Est du Sahara. La France agissant alors comme si elle allait rester éternellement en Algérie, dont le territoire lui appartenait constitutionnellement, contrairement au Maroc où il ne s'agissait que d'un simple protectorat, avec un Etat enraciné dans l'Histoire. Le document met la lumière sur l'époque de la guerre d'Algérie qui a éclaté en 1954, une période décisive où les Français ont empiété sur la zone saharienne du Maroc qu'ils ont pourtant reconnue à la veille des hostilités en vertu d'un accord tacite. « En 1958, alors que les combattants algériens opéraient dans cette zone saharienne, les Français et les Marocains sont convenus de façon informelle de séparer leurs zones respectives afin d'éviter tout choc ou friction entre leurs forces », stipule le document de la CIA, ajoutant que la France, malgré cet accord, a étendu sa zone occupée au-delà de la ligne de démarcation au Nord et à l'Ouest de la zone marocaine. Bien que cette ligne de démarcation, dont le traçage initial n'a pas été respecté par la France, n'ait pas fait l'objet d'un statut juridique, l'Algérie s'est empressée de considérer cette frontière « légitime », lui revenant de droit, refusant ainsi de prendre en compte la ligne initiale. Pour cette raison, le Maroc a continué à revendiquer les régions de Hassi Beida, Colomb Bechar et Tindouf comme faisant partie de son territoire en vertu de l'accord initial convenu avec les autorités françaises. « Ces postes furent d'une importance cruciale pour le Maroc étant donné qu'ils se trouvaient sur des routes caravanières reliant Colomb Bechar et Tindouf », indique la note d'information. Historie d'une trahison savamment orchestrée Dès que l'Algérie acquit son indépendance en 1962, les désaccords s'acculturèrent sur le départage des frontières héritées de la colonisation au Sud du Maroc. À l'époque, les zones revendiquées par le Royaume à l'Est étaient peu occupées, la majorité était désertée. « Beaucoup d'établissements n'étaient habités qu'occasionnellement », lit-on sur le document déclassifié. Au milieu de cette confusion due à la forfaiture et à la ruse du colonisateur, les revendications légitimes du Maroc ont buté sur l'obstination des nouveaux maîtres d'Alger qui ont vu dans le legs colonial un précieux héritage bien qu'il ne soit pas légitime. L'illégitimité de cet héritage a été d'autant plus patente que le Maroc s'était convenu, en 1961, avec le gouvernement provisoire de Ferhat Abbas de renégocier la ligne des frontières après l'indépendance algérienne. Le gouvernement provisoire se rendit au Maroc la même année où il fut accueilli chaleureusement par feu Mohammed V qui ne ménagea aucun effort pour soutenir la cause algérienne par tous les moyens au point qu'on disait que le Maroc fut la base arrière de la lutte algérienne. Un prétexte spécieux ! Aussitôt devenu nouveau président, Ahmad Ben Bella a tourné le dos aux promesses faites par Ferhat Abbas. Le document de la CIA reconnaît cette trahison historique, en rappelant que feu Hassan II a tenté par le dialogue de le persuader et de le ramener à la raison. « Ben Bella a refusé de négocier et sa position fut soutenue par l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) qui adhéra au principe de l'intangibilité des frontières coloniales lors de son Sommet inaugural », précise la note. Ceci dit, le président algérien refusa de négocier avec le Maroc qui ne revendiquait que le respect de l'accord initialement trouvé avec la France et que le gouvernement provisoire d'Abbas n'avait pas omis d'examiner. Alger a refusé toute négociation sous prétexte de l'intangibilité des frontières. La suite, on la connaît.