La commande publique constitue un levier stratégique de développement économique et social au Maroc. D'où l'intérêt porté à son développement, notamment à travers le programme de dématérialisation des procédures de passation des marchés publics. Ce dispositif a gagné en opérabilité, bien plus, il a fait les preuves de son efficacité. Nous avons fait le point sur cette démarche qui parie sur l'innovation avec Mohamed El Amine Seghrouchni, Chef de la Division de développement informatique à la Trésorerie Générale. Interview. - Quel est l'apport de ce programme au développement de la commande publique ? - Au cours des dernières années, le Maroc a renforcé son système de marchés publics grâce à une réforme du cadre légal et réglementaire afin d'assurer l'efficacité et l'efficience des dépenses publiques, renforcer les principes de gouvernance, et créer un environnement propice aux opportunités pour les PME/PMI, en l'occurrence nationales, dans le processus de passation des marchés publics. La démarche de développement de la commande publique a permis ainsi de moderniser et de simplifier le processus de l'achat public tout en assurant une amélioration continue de la performance, de l'efficacité et de l'efficience dans la préparation et l'exécution de la commande publique, la promotion de la concurrence ainsi que la transparence et l'intégrité des procédures de la commande publique. - Est-ce que les objectifs fixés par la démarche de dématérialisation des procédures des marchés publics ont été atteints ? - Le digital a introduit des évolutions majeures dans tous les domaines, notamment celui de la commande publique, où il a permis de réinventer la fonction achat. L'approche stratégique de la Trésorerie Générale du Royaume en matière de « e-procurement » repose sur un certain nombre de principes directeurs qui ont placé le client (fournisseurs, acheteurs publics) au centre de nos préoccupations dans le cadre d'une approche « client-centric » qui soustend une nouvelle conception du service public. Cette approche a ainsi permis au système de dématérialisation de la commande publique de contribuer fortement au développement des achats publics au Maroc, à travers la modernisation et la simplification des procédures de passation et d'exécution des commandes publiques, ainsi que la réduction des délais de traitement des processus fonctionnels. En outre, cela a contribué à la réduction des coûts de traitement des dossiers en abandonnant la conservation et l'archivage au format papier des documents et des pièces justificatives, et en assurant le renforcement de la transparence par la traçabilité des actes et la facilitation de l'accès à tous les intervenants afin de consulter et de suivre en temps réel l'avancement des dossiers. Enfin, la procédure apporte le soutien au développement durable en réduisant la consommation de papier et en protégeant l'environnement. - Quelles sont les difficultés qui ont entravé votre démarche ? - La mise en œuvre du système de dématérialisation de la commande publique s'effectue de manière globale, intégrée et inclusive. Elle intègre trois dimensions principales, à savoir la dimension juridique, la dimension technique et sécuritaire ainsi que la dimension managériale. À cet effet, il est important de signaler que les réformes tant juridiques que techniques dans le domaine de la commande publique ne pouvaient produire les résultats escomptés, sans une politique de gestion appropriée des ressources humaines et d'accompagnement de l'ensemble des acteurs impliqués dans la conduite du changement pour mieux intégrer les évolutions et les innovations induites par la réforme. - Quelles perspectives envisagez-vous pour l'avenir ? - Le processus de digitalisation et de modernisation de la commande publique s'apprête à franchir une étape importante. Il s'agit du lancement imminent, par la Trésorerie Générale du Royaume, de l'Observatoire marocain de la commande publique. À ce niveau, il y a lieu de rappeler que la concrétisation des recommandations formulées tant par certaines institutions constitutionnelles (CESE : Conseil Economique, Social et Environnemental) que celles préconisées par la Commission spéciale sur le modèle de développement, appelle, entre autres, le renforcement de la transparence de la commande publique grâce à la publication régulière des indicateurs et des données qui s'y rapportent. L'Observatoire aura ainsi pour mission première de collecter, de traiter et d'analyser les données relatives aux aspects économiques, sociaux et techniques de la commande publique, ainsi que la valorisation et l'exploitation de l'information financière et comptable y afférente. In fine, des indicateurs de la performance de la commande publique seront disponibles et accessibles aux décideurs et au public. La finalité ultime de cet Observatoire étant d'en faire une entité d'incitation à la performance et à l'efficacité dans la préparation et l'exécution de la commande publique, à la promotion de la concurrence, de la transparence, de l'intégrité et de la réduction des pratiques illicites. La dématérialisation de la commande publique Le processus de dématérialisation de la commande publique, initié depuis quelques années par la Trésorerie Générale du Royaume, s'inscrit dans le cadre du programme e-Government pour la simplification des procédures et la modernisation des processus d'exécution de la dépense publique. Ledit programme s'articule autour de trois paliers : le premier est le Portail des Marchés de l'Etat conçu et mis en œuvre depuis 2007, le deuxième palier tourne autour de la soumission électronique et de la base de données fournisseurs. Pour ce qui est du troisième palier, il se rapporte aux achats groupés électroniques et aux enchères électroniques inversées. Ainsi, le Portail Marocain des Marchés Publics a enregistré, depuis sa création en 2007 jusqu'à ce jour, plus de 30.000 acheteurs publics, plus de 28.000 entreprises inscrites, dont 26.923 domiciliées au Maroc, outre 1826 entreprises étrangères, cumulant plus de 50.000 comptes créés. En ce qui concerne les appels d'offres publiés, le nombre d'appels à la concurrence publiés a atteint les 39.840 en 2022, contre les 36.840 offres enregistrées en 2021, alors quelque 7058 ont été enregistrés durant ces premiers mois de 2023. Il convient de noter que l'arrêté du ministère de l'Economie et des Finances n° 1982-21 (14 décembre 2021) relatif à la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics et des garanties pécuniaires, notamment dans son article 41, stipule l'obligation de dépôt et de retrait des plis et des offres des concurrents par voie électronique et la dématérialisation des cautionnements provisoires exigés des soumissionnaires dans le cadre des marchés publics. Ces dispositions, rappelons-le, entrent en vigueur pour les consultations publiées au niveau du portail à partir du 1er novembre 2022 dont le montant est estimé à 5 millions de DHS TTC, pour les consultations dont le montant est estimé à 2 millions de DHS TTC, au 1er février 2023, et pour l'ensemble des consultations publiées quel qu'en soit le montant à partir du 1er août 2023. M. E.