C'est un vrai paradoxe, quand l'on sait que l'agriculture en Afrique concentre plus de 60% de la population active. Le continent recèle 65% des terres arables non cultivées dans le monde, ainsi que des sources d'eau douce en abondante quantité. Au même moment, les jeunes agri-entrepreneurs africains manquent de soutien des gouvernants. Explications. Les jeunes de l'Afrique subsaharienne sont-ils condamnés à la perpétuelle immigration clandestine alors que le continent est immensément riche ? La question mérite d'être posée tant il est vrai qu'il ne se passe pas de jour, de semaine et de mois sans qu'un bateau rempli de candidats à l'immigration irrégulière ne soit intercepté avec souvent son lot de drames. Le dernier en date sur les côtes tunisiennes en est la parfaite illustration.
En effet, plus de 1000 migrants, dont une grande majorité de Subsahariens au nombre d'environ 954, ont été interceptés dans la nuit de jeudi 9 à vendredi 10 mars alors qu'ils tentaient de partir de façon clandestine à partir des côtes de Sfax et de Sousse à l'Est du pays. Pourtant, il ne s'agit pas d'une situation de fatalité au regard des richesses dont regorgent le sol et le sous-sol des pays africains avec terres arables à l'infinie.
C'est dans ce cadre que le rapport de l'Organisation panafricaine des agriculteurs (PAFO), édité en octobre dernier et rendu public vendredi, signe son importance en mettant en exergue le manque criard, pour ne pas dire le manque de volonté des gouvernants, d'accompagner les jeunes agri-entrepreneurs. C'est-à-dire cette frange de la jeunesse qui refuse de prendre le large au risque et péril de leur vie. Ainsi, près de 64% des jeunes agri-entrepreneurs africains disent n'avoir reçu aucun soutien de la part de leur gouvernement.
Pour les rédacteurs dudit document, ce soutien concerne notamment le renforcement des capacités, l'accès aux financements et l'aide à l'accès aux marchés. Selon le rapport, qui se base sur une enquête réalisée auprès d'un échantillon de 108 jeunes agri-entrepreneurs membres des réseaux régionaux et nationaux de la PAFO, le principal soutien fourni par les gouvernements aux entrepreneurs du secteur agricole est le renforcement des capacités (47%). Recommandations
Les autres types de soutien gouvernemental cités par les personnes sondées sont l'accès aux financements (44%), l'aide à l'accès aux marchés (16,7%) et la fourniture d'intrants agricoles (14,7%). Le soutien le moins important fourni par les gouvernements aux jeunes agri-entrepreneurs est l'accès aux installations d'irrigation (5,9%) et l'accès à la technologie et aux innovations (8,8%).
Alors que le débat sur la sécurité alimentaire en Afrique est au centre de toutes les rencontres, les initiatives ne manquent pas mais malheureusement l'applicabilité des recommandations et autres résolutions laisse à désirer. Résultat : l'Afrique connaît des crises alimentaires et une insécurité alimentaire récurrentes, ce qui entraîne de graves difficultés sociales et économiques pour de nombreux pays et communautés. Même si les données actuelles indiquent toutefois que la sécurité alimentaire du continent s'est améliorée depuis 1990, peut-on lire dans document de la Banque africaine de développement.
Néanmoins, l'Afrique est toujours en moins bonne situation que le reste du monde, enregistrant un score élevé sur l'indice de la faim dans le monde ainsi qu'un faible niveau de production. Ce qui faire dire à la BAD qu'il incombe aux pays d'Afrique de s'attaquer entièrement aux causes profondes et aux répercussions de l'insécurité alimentaire.
Il s'agit d'agriculture anémiée, de politiques défavorables et piètres infrastructures, de conditions climatiques défavorables marquées par des catastrophes naturelles, de conflits civils, poussées démographiques, d'effets associés à l'urbanisation, d'insuffisances infrastructurelles, de prix alimentaires élevés, de pauvreté chronique et problèmes liés à l'occupation de la terre. Certains pays africains ont recouru à des interventions et à des méthodes qui les ont aidés à atteindre la sécurité alimentaire.
Dernièrement, les partenaires au développement se sont engagés, lors du Sommet de Dakar 2, collectivement à hauteur de 30 milliards de dollars US en faveur de la mise en œuvre des pactes d'exécution agricoles et alimentaires pour les cinq prochaines années. C'est que la question agricole a toujours été une préoccupation des Etats africains. Mais comment comprendre, dans ces conditions, que les jeunes qui s'investissent dans ce secteur soient laissés pour compte ? Peut-on s'interroger.
Opportunités offertes
D'autant plus que ces jeunes, cités par le rapport, ont pour principale motivation la passion de l'agriculture. A ce sujet, le document du PAFO souligne que l'écrasante majorité (91%) des jeunes agri-entrepreneurs interrogés ont un diplôme ou une qualification d'éducation post-secondaire. La volonté de protéger l'environnement et la biodiversité (40,2%) constitue également un autre facteur expliquant l'engagement de ces jeunes dans l'entrepreneuriat agricole.
En outre, environ 33% des jeunes agri-entrepreneurs ont aussi indiqué que l'entrepreneuriat agricole est un secteur lucratif, ce qui les a motivés à se lancer dans l'entrepreneuriat. Car il y a de l'opportunité mais aussi de la valeur ajoutée. Il ne pouvait en être autrement quand on sait que le secteur agricole demeure le principal contributeur au produit intérieur brut (PIB) et constitue un grand pourvoyeur d'emplois en Afrique. Les plus fortes contributions de l'agriculture au PIB sur le continent ont été observées en Sierra Leone (60%), au Tchad (54%) et en Ethiopie (38%).
Toujours est-il que les gouvernants africains doivent encadrer et soutenir les jeunes qui s'investissent dans l'agriculture pour que le slogan « l'Afrique doit nourrir l'Afrique » devienne une réalité. Cela passe nécessairement par le soutien financier des projets agricoles des jeunes. En la matière, les chiffres de la BAD parlent d'eux-mêmes : en 2016, la facture s'est élevée à quelque 35 milliards de dollars américains et, si on ne la contrôle pas, elle pourrait bondir et atteindre 110 milliards de dollars d'ici à 2025.