Les revenus des banques marocaines bénéficieront d'une croissance positive des prêts en 2023. Cette évolution sera principalement motivée par la demande de crédit des entreprises qui devrait rester élevée dans un contexte de pressions inflationnistes, selon S&P Global Ratings. A l'image des banques d'Egypte et de Jordanie, les banques marocaines sont confrontées à une année 2023 incertaine, marquée par l'instabilité économique mondiale et le resserrement accéléré de la politique monétaire dans les plus grandes économies développées, ressort-il d'une nouvelle analyse de S&P Global Ratings.
Dans une étude intitulée «North Africa and Jordan Bank Outlook 2023 : Uncertainty Will Test Resilience», l'agence de notation américaine estime que ces facteurs pourraient peser sur le secteur bancaire du Maroc, bien que la récente baisse des prix de l'énergie et la résilience du tourisme puissent atténuer l'impact financier et opérationnel.
Elle note aussi que le système bancaire marocain reste, à l'instar de celui d'Egypte et de Jordanie, vulnérable à l'environnement macroéconomique mondial en raison de son impact sur les coûts de financement, les flux touristiques, les prix des matières premières et l'inflation (en particulier l'inflation alimentaire). Ces facteurs restent, poursuit la même source, un problème malgré l'augmentation du soutien, de la demande et des flux d'envois de fonds en provenance des pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), en particulier pour l'Egypte et la Jordanie. S&P Global Ratings prévoit, à cet égard, que le coût du risque restera élevé, tandis que la qualité des actifs se détériorera lentement dans les trois secteurs bancaires couverts dans ce rapport en raison d'une croissance économique modérée, d'une inflation plus élevée et de la fin du soutien lié à la pandémie.
En somme, l'agence de notation américaine considère que les risques les plus importants pour ses prévisions sont : -Détérioration de la solvabilité souveraine; -Une escalade du conflit russo-ukrainien, conduisant à un deuxième cycle d'inflation mondiale en raison d'une flambée des prix de l'énergie et des denrées alimentaires; -Des niveaux plus élevés de détérioration de la qualité des actifs en raison d'un impact plus important que prévu de taux d'intérêt plus élevés et d'une croissance économique plus lente.
La volatilité économique demeure un défi
Dans cette étude, S&P Global Ratings souligne, par ailleurs, que les prix élevés des matières premières et des denrées alimentaires et le resserrement de la politique monétaire qui en a résulté ont nui aux économies de la région, même si la réouverture de la Chine et la récente baisse des prix des matières premières pourraient apporter un certain soutien via une amélioration de la demande mondiale. D'après l'agence, l'Afrique du Nord et la Jordanie sont exposées à des secteurs cycliques tels que le tourisme, l'immobilier, le transport maritime et, dans une moindre mesure, les exportations de matières premières. Elle s'attend ainsi à ce que des coûts d'emprunt élevés et des taux d'inflation toujours élevés, bien qu'en baisse, pèsent sur la croissance économique en 2023 au Maroc, en Egypte et en Jordanie.
Le Maroc devrait bénéficier d'effets de base flatteurs dans le secteur agricole
Pour le Maroc, les analystes de S&P Global Ratings indiquent que le pays devrait bénéficier d'effets de base flatteurs dans le secteur agricole, après que la sécheresse de 2022 a pesé de manière significative sur la production agricole. «La dépendance encore importante de l'économie marocaine vis-à-vis de l'agriculture la rend sensible aux conditions météorologiques», affirme la même source.
Ils s'attendent aussi à ce que les engrais, en particulier les phosphates, continuent à soutenir les exportations du Maroc, après une forte augmentation de la demande extérieure en 2022. Ils prévoient, en outre, que l'inflation régionale, après avoir culminé en 2022, diminuera progressivement et se stabilisera en 2024, bien qu'elle soit toujours supérieure au niveau d'avant la pandémie de 2019.
A la suite des mesures prises par la Banque centrale européenne et la Réserve fédérale américaine, les banques centrales de la région ont relevé leurs taux en 2022, mettant fin à des années de baisse des taux, indique S&P Global Rating, rappelant que le taux directeur du Maroc a augmenté de 100 bps.
Les revenus des banques bénéficieront d'une croissance positive des prêts
Les analystes de l'agence de notation US prévoient également que les revenus des banques marocaines bénéficieront d'une croissance positive, bien que modérée, des prêts. Cette évolution sera principalement motivée par la demande de crédit des entreprises pour financer les besoins en fonds de roulement, qui devraient rester élevés dans un contexte de pressions inflationnistes. Cela devrait s'avérer suffisant pour compenser une réduction probable de la demande de crédit des emprunteurs qui ont bénéficié de l'accès aux programmes de soutien gouvernementaux pendant la pandémie.
S&P Global Ratings souligne aussi que les hausses de taux d'intérêt au Maroc ont été moindres que dans d'autres régions et auront un impact limité sur les revenus des banques. Et de poursuivre que la rentabilité devrait toutefois continuer à bénéficier de la part importante des dépôts non rémunérés des banques marocaines (67,2% des dépôts en décembre 2021), qui réduisent le rythme de hausse des taux de financement par rapport aux autres marchés de la région.
L'agence de notation américaine souligne, cependant, que «les augmentations de revenus resteront anémiques, laissant moins de place pour absorber la détérioration de la qualité des actifs, en particulier si un scénario économique plus négatif se matérialise».
La détérioration de la qualité des actifs devrait être modérée
Autre élément soulevé dans cette analyse : la détérioration de la qualité des actifs devrait être modérée au Maroc en 2023. Les attentes de croissance économique et un secteur agricole plus fort devraient se combiner pour limiter les créances douteuses qui proviendront principalement des PME et des expositions immobilières, prévoit S&P Global Ratings.
Elle estime aussi que le ratio de PNP (Prêts non performants) du Maroc est nettement supérieur à celui de ses pairs en raison du rebond économique post-pandémique, et que l'amélioration de l'activité économique devrait aider les banques à gérer les anciens prêts problématiques.
Aussi, l'agence de notation internationale fait remarquer que la base de financement des banques marocaines continue de bénéficier de l'augmentation des dépôts. «Cette augmentation a aidé le secteur à réduire progressivement son ratio prêts/dépôts, même s'il reste supérieur à celui de ses pairs. Nous nous attendons à ce que le ratio reste stable, à environ 100% en 2023», fait savoir la même source.
Elle prévoit aussi qu'une forte proportion de dépôts ne portant pas intérêt ainsi que des dépôts des MRE dans l'UE (principalement sous la forme d'envois de fonds de travailleurs et d'autres transferts) continueront de soutenir la structure de financement du pays. «Les MRE représentaient environ 17,6% du total des dépôts en décembre 2021, et leur contribution est restée robuste pendant la pandémie, et devrait continuer à être une source de financement stable en 2023», prévoit S&P Global Ratings.
A.CHANNAJE BMCI cède sa filiale de gestion d'actifs à CIH Bank Les deux banques commerciales marocaines, BMCI et CIH Bank, ont annoncé avoir établi, le 17 février 2023, un accord de partenariat stratégique portant sur l'activité de gestion d'OPCVM (Organismes de placement collectif en valeurs mobilières). Selon les termes de l'accord, la BMCI cède sa filiale de gestion d'actifs BMCI Asset Management à CIH Bank. La transaction devrait être finalisée au premier semestre 2023 et sera soumise à l'approbation des autorités réglementaires compétentes. Le montant de l'opération est estimé à un prix consensuel de 70 millions de dirhams. Les deux parties ont également élargi l'accord à un partenariat de long terme portant sur la distribution des OPCVM.
Moody's : perspectives stables pour les banques marocaines La rentabilité des banques africaines devrait rester stable en 2023 malgré un environnement opérationnel difficile, souligne Moody's. Dans un communiqué publié mardi 21 février, l'agence de notation financière a estimé une détérioration de la qualité des actifs de la plupart des banques africaines en 2023 dans un contexte de baisse des revenus des ménages et des bénéfices des entreprises. Moody's a également souligné que la plupart des systèmes bancaires africains sont confrontés à un environnement opérationnel difficile, caractérisé par une forte inflation, des taux d'intérêt élevés et des pressions sur les liquidités en devises. L'agence de notation a fait savoir par ailleurs que les perspectives des secteurs bancaires de l'Afrique du Sud et du Maroc sont passées de «négatives» à «stables», alors que celles des banques opérant au Nigeria, en Egypte, au Kenya et dans les pays membres de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) restent stables.