Droit, affaires, management, arbitrage et médiation n'ont plus de secret pour Abdelhakim El Kadiri Boutchich. Radioscopie de ces domaines avec le nouveau président de la haute unité judiciaire spéciale des relations arabo-africaine et européenne. - Vous avez été nommé, le 29 décembre 2022, président de la haute unité judiciaire spéciale des relations arabo-africaine et européenne. Vous devenez ainsi le premier Marocain à occuper ce poste. Quelle est la plus-value de la nomination d'un Marocain à un poste aussi important ? - C'est une question pertinente, vu que le Maroc est en train de s'imposer à l'échelle mondiale, dans les domaines économique, juridique et financier, grâce à la création d'unités multinationales mixtes. Celles-ci favorisent les apports d'investissement étrangers considérables générateurs d'emploi. Le Maroc est considéré comme étant une porte ouverte sur l'Afrique et l'Europe. La nomination d'un Marocain à un poste important permet d'instaurer la paix et la sécurité d'investissement dans toutes les relations réunissant le Maroc avec ses partenaires africains, arabes et européens, par tous les moyens de résolution. Ce genre de mission engendra des retours financiers importants en devises. - Quelles seront vos missions au sein de cette haute unité judiciaire? - Je tiens à noter que ma mission prendra fin le 28 décembre 2024. Je m'investis des pouvoirs les plus étendus de la zone géographique afro-arabe et européennes en vue d'entrer en négociation avec des institutions privées afin de transmettre tous les différends qui pourraient naître entre les parties, aux compétences de la cour internationale de résolution des différends par moyen d'arbitrage, de médiation ou de conciliation, ou tout autre moyen de résolution. La mission me met en rapport avec les organismes gouvernementaux pour transmettre les conflits à l'institution judiciaire sus-indiquée sous forme de conventions d'investissement bilatérales «C.I.B ».
Je suis également amené à entrer en négociations avec des instances gouvernementales ou non gouvernementales dans le but d' éviter tous les différends qui pourraient naître pour une raison ou une autre, tout en consultant les instances gouvernementales durant les opérations de paix, après un accord écrit du président du cercle de l'Afrique du Nord et du Moyen Orient de la cour en question, qui se trouve en Egypte dont je dépends.
Sans oublier de mener des investigations dans des situations de crise internationale, de consulter les instances gouvernementales et non gouvernementales dans des opérations de paix et soumettre un rapport pour validation au président de la circonscription de l'Afrique du Nord et du Moyen Orient, dépendant de la Cour internationale des résolutions des différends.
- Comment fonctionne la coopération des services marocains avec leurs partenaires internationaux en matière d'arbitrage et de médiation ? -Le traitement des contentieux entre le Maroc et ses partenaires étrangers dépend de la nature de la convention d'arbitrage. Généralement le traitement de ces procès se fait via la cour internationale d'arbitrage concernant les investissements C.R.D.I, comme c'est le cas de la SAMIR et la société espagnole Comercializadora Méditerranée de viviendas (ex Marina d'Or-Loger), et dans l'affaire de Tamesna dans laquelle le Maroc a eu gain de cause bien que le tribunal est étranger.
- Le recours à propos de la plupart des contrats d'investissement que conclut l'Etat marocain, est attribué aux expertises et aux centres d'arbitrage étrangers. Comment expliquez-vous cela ? - En effet, le recours à des instances d'arbitrage internationales dépend de la convention signée par les parties prenantes. Certains préfèrent faire appel à des tribunaux étrangers pour une question de sécurité judiciaire et d'indépendance. - Le Maroc est aujourd'hui l'un des plus importants investisseurs dans le continent africain. A quel point le Royaume est devenu une destination d'investissement et de règlement des litiges commerciaux d'investissement? - Le Maroc est un investisseur important dans le continent africain, compte tenu de sa sécurité militaire et judiciaire ainsi que sa stabilité politique et économique. Le Maroc est une destination d'investissement et de règlement des litiges, notamment grâce à l'instauration d'une charte d'investissement encourageante adoptant une fiscalité flexible, mise en vigueur suite aux recommandations des dernières assises fiscales applicables pour une période de 5 ans allant jusqu'à 2026 ainsi que la mise en place des instances extrajudiciaires travaillant en parallèle avec celles étatiques pour pallier à l'encombrement des dossiers des litiges commerciaux et sociaux. - Le ministère de tutelle compte accélérer la mise en œuvre de la loi 95-17, relative à l'arbitrage et la médiation conventionnelle, en investissant dans les centres d'arbitrage et la formation des avocats et des magistrats. Quel état des lieux dressez-vous six mois après l'entrée en vigueur de ladite loi ? - Le Maroc s'est lancé depuis longtemps dans la formation des juges privés et des médiateurs dont des avocats, des experts, des ingénieurs et des notaires dans des centres d'arbitrage agréés comme le Centre International de Médiation et d'Arbitrage à Rabat (CIMAR). Les formations sont assurées par des magistrats et des experts de haut niveau, en vue d'avoir des arbitres ou des juges spécialisés qui font preuve de compétences juridiques. Actuellement le Maroc possède un corps d'arbitres très qualifié et agréé au niveau national et international. -Concrètement, est-ce que la pression sur le système judiciaire en matière de contentieux commercial s'en trouve allégée ? - Pas encore, puisque le citoyen marocain n'est pas assez sensibilisé en la matière et ignore la nouvelle procédure de résolution des conflits. Mais je crois sans doute que le système judiciaire étatique sera allégé dans les prochaines années. C'est pour cette raison que je suis nommé pour participer à la sensibilisation des opérateurs économiques et sociaux dans ce sens. -Les avocats et magistrats sont-ils assez outillés pour assurer leur mission au sein des organes d'arbitrage ? - Le magistrat ne peut pas exercer la mission d'arbitrage sauf s'il quitte sa fonction. Néanmoins, les avocats et les autres professionnels réglementés formés pourront avoir des outils performants pour exécuter des missions d'arbitrage et de médiation conformément à la loi en vigueur et conformément au protocole de L'ONU.
-On dit que la culture de l'arbitrage, surtout dans les affaires relatives au commerce et aux investissements, est peu ancrée dans la culture marocaine. Comment expliquez-vous cela ? Et comment encourager le recours à l'arbitrage et à la médiation ? - Tout simplement c'est le fruit du manque de sensibilisation et d'information sur les moyens alternatifs des règlements des conflits et de ses différents avantages par rapport à l'institution judiciaire étatique (temps, confidentialité, spécialisation). Je pense qu'il faut en discuter dans les médias et à travers des films qui traiteront des problèmes judiciaires par voie d'arbitrage et de médiation au lieu des tribunaux étatiques. - Par ailleurs, vous avez accumulé 42 ans au service de l'entreprenariat. Quels conseils donnez-vous aux jeunes entrepreneurs marocains ? - L'entreprenariat au Maroc s'est développé ces dernières années. Les entrepreneurs d'aujourd'hui sont majoritairement des lauréats de grandes écoles. Je leur conseille d'investir dans des affaires qu'ils maîtrisent plutôt que de chercher à s'épanouir facilement et rapidement.
Il vaut mieux y aller pas à pas pour maîtriser le risque d'investissement et non pas plonger dans des aventures sans ressort. Il faut aussi faire appel à des consultants multidisciplinaires en cas de besoin et insérer dans les contrats et les conventions une clause de conventions d'arbitrage et de médiation conformément à la loi en vigueur. Recueillis par Safaa KSAANI