Malgré les efforts déployés pour réussir l'inclusion économique des personnes en situation de handicap, cette tranche de la population reste toujours confrontée au chômage. A l'occasion du lancement des journées de recrutement pour cette catégorie, le président de l'association Espoir Maroc, Karim Idrissi, revient sur les défis à relever pour assurer l'employabilité des personnes en situation de handicap. Aujourd'hui, lorsqu'on parle des droits des personnes en situation de handicap on parle nécessairement de la problématique de leur intégration dans le marché de l'emploi. Comment évaluez-vous la situation au Maroc dans ce volet ? La crise de la Covid-19 a beaucoup pesé sur l'employabilité des personnes en situation de handicap. Au Maroc, nous avons assisté à une augmentation significative du taux de chômage qui a frappé cette tranche plus vulnérable. Le taux de chômage avoisine, actuellement, 90% chez les personnes en situation de handicap. Cela nous laisse dire que notre action n'est qu'une goute dans l'océan car beaucoup de dé- fis devront être relevés dans les jours à venir. A votre avis, quels sont les obstacles qui se posent quant à l'insertion socioprofessionnelle des personnes en situation de handicap ? Il y a quelques années, la problématique était entière et la question était plus compliquée. Aujourd'hui, les actions menées par 600 associations qui travaillent sur le handicap de manière générale, chacune sur un volet précis, ont permis de réaliser des résultats importants. Néanmoins, un long chemin reste à parcourir à plusieurs niveaux. D'ailleurs, une des premières difficultés auxquelles nous sommes heurtés, dès le premier jour que l'on s'attèle à la question de l'insertion des personnes en situation de handicap dans le tissu socio-économique, c'est la dimension de la confiance, c'est- à- dire que cette population ne veut pas travailler dans le secteur privé et cherche principalement le public pour avoir une forme de garantie de l'emploi. D'un autre coté, les entreprises au Maroc ne respectent pas, toutes, les lois en vigueur favorisant l'intégration socioprofessionnelle de cette franche de la population. Durant des années, nous avons essayé de créer cette confiance, elle est toujours fragile et qu'il faut cultiver à travers des actions continues. Aujourd'hui, les personnes en situation de handicap qui ont réussi à intégrer le marché de l'emploi sont devenues les meilleurs ambassadeurs et font la démonstration qu'il est possible qu'une personne en situation de handicap est en mesure, elle aussi de travailler comme tout le monde si toutes les conditions nécessaires sont présentes. Globalement à quelle problématique sont confrontées les personnes en situation de handicap à l'emploi ? Je dirai principalement le volet accessibilité. Cela reste le maillon faible de tout un système. Si les entreprises ne sont pas toutes adaptées aux besoins spécifiques (volet sanitaire...) des personnes en situation de handicap, le chemin vers le travail s'avère beaucoup plus difficile. Il est donc temps de développer le volet accessibilité, aussi bien au sein des entreprises du privé que du public, afin de permettre aux personnes concernées d'accomplir leur travail dans de bonnes conditions. C'est une dimension importante qui doit absolument être intégrée dans les prises de décision pour insérer cette franche de la population dans le marché de l'emploi. Quelles actions proposez-vous pour booster l'employabilité des personnes en situation de handicap au Maroc tant dans le secteur public que privé ? La situation exige d'abord un changement du regard que l'en- semble de la société porte, notamment les entreprises, sur les personnes en situation de handicap. Elles sont des personnes capables de produire et d'exceller dans leur domaine de compétences, notamment en informatique, en ingénierie et plein d'autres secteurs primordiaux pour le pays. Mais aussi, il faut un changement en termes de loi. Sur cet aspect, depuis très longtemps, il y a une loi au Maroc qui stipule que la fonction publique doit recruter 5% et le secteur privé 7% de son personnel parmi les personnes en situation de handicap. Néanmoins, on est toujours loin d'atteindre ce taux. De ce fait, je pense qu'il est temps de veiller à l'application des lois en vigueur pour réussir l'inclusion économique des per- sonnes en situation de handicap. Pour ce faire, il faut, bien évidemment, encourager les acteurs du public et du privé à recruter parmi cette tranche à travers des incitations tels qu'un rabattement fiscal, un bonus d'adaptation de poste pour la personne. Les journées de recrutement qui se tiennent en janvier à Rabat, puis en février à Casablanca s'inscrivent dans le cadre du Forum d'emploi Handicap initié il y a 8 ans, quel bilan en tirez-vous ? Un total de 10% de la population des personnes en situation de handicap, visible et non visible est concerné par nos actions, soit près de 3 millions de personnes. Chaque année, une trentaine de personnes, de 18 ans à 35 ans entrent dans le marché de l'emploi. Il faut savoir qu'au Maroc à l'instar d'autres pays, les gens qui naissent en situation de handicap ne représentent que près de 40%, le reste le devient au cours de sa vie. Parmi eux seules les personnes souffrant de handicap moteur arrivent à trouver un emploi. Recueillis par Mina ELKHODARI ENCADRE L'Association Maroc Espoir organise des journées en faveur des personnes en situation de handicap Ces journées qui s'inscrivent dans le cadre du Forum d'emploi Handicap Maroc, initié il y a 8 ans visent, selon les organisateurs, à réunir les personnes en situation de handicap, les professionnels de l'emploi et les entreprises dans différents secteurs de l'économie nationale, autour de la thématique de prospection des voies pour l'embauche de cette catégorie. L'objectif est de favoriser l'inclusion économique de cette tranche de la population pour réduire le taux de chômage en hausse depuis la crise sanitaire de la Covid-19.
Il s'agit d'une opportunité unique qui permet aux candidats en situation de handicap recherchant un emploi, de découvrir les opportunités offertes dans divers domaines, notamment en informatique, ingénierie, comptabilité, pharmacie... Et de décliner leurs attentes en rapport avec les besoins des entreprises.
« Notre approche n'est pas basée uniquement sur le volet social, nous ciblons les personnes qui ont un savoir-faire ou un diplôme et qui veulent intégrer le marché du travail», nous a indiqué le président de l'Association Espoir Maroc, ajoutant que cette action est en mesure de favoriser l'insertion socioéconomique des personnes en situation de handicap.
Outre les journées de recrutement, l'association lancera également l'initiative « Accueillez chez vous, pour une journée, une personne en situation de handicap et faites-lui découvrir votre entreprise ».
Il s'agit d'une occasion pour favoriser l'insertion professionnelle de cette population mais également offrir aux entreprises la possibilité de s'ouvrir à la diversité, de sensibiliser leurs collaborateurs sur le handicap en milieu professionnel et communiquer sur les valeurs sociales de l'entreprise.