Les faits se sont déroulés dans la capitale française, Paris. Ils avaient pour cadre les studios d'une chaîne française et impliquaient des protagonistes français et algériens, ou plutôt kabyles comme ils préfèrent se définir. Ils ne concernent donc aucunement notre pays. Pourtant c'est l'ambassade française au Royaume du Maroc qui a émis un communiqué pour les démentir. Comme vous l'aurez certainement compris, il s'agit de l'interview censurée de Ferhat Mehenni, le Président du Mouvement pour l'Autodétermination de la Kabylie (MAK), annoncée par la chaîne de télévision française d'information en continu CNEWS, puis déprogrammée à la dernière minute pour des raisons qu'on devine, mais qu'on préfère s'abstenir d'aborder jusqu'à ce que la vérité soit établie. Ce qui nous intéresse ici, c'est pourquoi la représentation diplomatique de la France au Maroc s'est-elle sentie obligée d'émettre un démenti concernant une affaire a priori purement franco-algéro-kabyle ?
S'agirait-il d'une initiative personnelle et foncièrement absurde de l'ambassadrice française sortante pour contrer la déferlante médiatique que cette affaire a suscité, au Maroc comme ailleurs, où la censure de Mehenni a été expliquée par des pressions algériennes sur l'Elysée qui les aurait ensuite répercutées sur CNEWS ? Auquel cas, les ambassadeurs français établis dans tous les pays où des médias (y compris français) ont interprété cette censure de la même manière auraient dû émettre des communiqués semblables. Ce qui n'a pas été fait jusqu'à l'écriture de ces lignes.
Serait-ce donc une initiative maladroite du Quai d'Orsay visant à apaiser le Maroc à la veille de la visite en fanfare de la première ministre française, Elisabeth Borne, chez les frères-ennemis du régime algérien ? Auquel cas, la manœuvre initiée au comble d'une phase où les relations franco-marocaines sont dans un état de rigidité quasi-cadavérique, semble non seulement douteuse et déplacée, mais totalement vaine. Elle vient de ce fait s'ajouter à la longue série de bizarreries qui ont marqué la politique française à l'égard du Maroc depuis la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara.