Depuis plusieurs mois, certaines régions du Royaume vivent au rythme du rationnement de l'eau potable, dans un contexte de stress hydrique alarmant. Face aux députés, Nizar Baraka, ministre de l'Equipement et de l'Eau, expose son plan d'action pour remédier à la situation. Il est 7 heures du matin, à Souk Sebt Oulad Nemma, une petite ville située au coeur de la région Béni Mellal-Khénifra, les ménages préparent leurs seaux et grands bidons pour les remplir d'eau potable, du fait que leur quotidien est cadencé par le rationnement de cette ressource qui se fait rare dans cette zone. Avec cette limitation de distribution d'eau à des horaires précis (de 7h00 à midi), les habitants sont ainsi contraints de changer leurs habitudes pour subvenir à leurs besoins quotidiens. La rareté de l'eau se fait également sentir dans les régions du Nord du Royaume, où les présidents de plusieurs communes rurales, relevant de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, ont transmis leurs griefs au ministère de tutelle, alertant sur une éventuelle crise de la soif. Dans certaines régions du Sud, les choses sont à l'identique et les citoyens appellent à prendre les mesures nécessaires illico presto pour éviter le scénario du pire. C'est ainsi que la problématique a débarqué, lundi, à la première Chambre, où plusieurs députés ont interrogé Nizar Baraka, ministre de l'Equipement et de l'Eau, sur les raisons derrière ce rationnement, ainsi que la stratégie mise en place pour y remédier. En réponse à ces questions, le ministre n'a pas lésiné sur les mots, en qualifiant de «difficile» la situation actuelle des ressources hydriques. «L'état des lieux que nous vivons aujourd'hui est dû à trois principaux facteurs : le recul des ressources hydriques, la baisse des chutes des neiges et bien évidemment le déficit pluviométrique». En effet, les ressources hydriques ont diminué, selon Baraka, de 85% en raison des faibles précipitations. S'agissant de la superficie enneigée, elle est passée de 45.000 km2 à 5.000 km2, et ce, en plus de la réduction du nombre de jours de chute de neige qui a atteint 14 jours cette année contre 41 jours par an généralement. Le ministre a également rappelé que la rareté de l'eau est aussi due à la baisse importante des eaux souterraines, qui se chiffre à deux, voire à trois mètres par an, notant que ces baisses ont commencé en 2018 et ont eu un impact sur les ressources hydriques. Le taux de remplissage des barrages est passé à 4,7 milliards de mètres cubes cette année, soit un taux de 29%. Le plus alarmant c'est que ces mêmes réserves ont baissé de 800 millions de m3, par rapport au mois d'avril durant lequel ce chiffre était de plus de 5,52 milliards. A la même date de l'année écoulée, les réserves de barrages ont accumulé plus de 8,19 milliards de m3, soit un taux de remplissage de 50,8%. C'est dire que la situation est inédite et pour que le Royaume puisse s'en tirer, des efforts doivent être fournis à tous les niveaux, des institutions jusqu'au consommateur. Cela dit, Baraka a indiqué que la logique dans laquelle opère le ministère est «une logique de solidarité visant à doter les villes côtières de stations de dessalement, et à permettre aux villes de l'intérieur de bénéficier des barrages». Programme d'urgence S'agissant des efforts institutionnels, Nizar Baraka a indiqué qu'un programme d'urgence a été mis en place en décembre dernier pour les bassins versants les plus touchés. Les mesures prises consistent en la construction de puits exploratoires pour acheminer l'eau vers de nombreuses localités, notamment à Guercif, Taourirt et Oujda, ainsi que le développement et l'amélioration de la gestion de l'eau, à travers la réduction du gaspillage d'eau dans les canaux d'irrigation. A cela s'ajoute plusieurs chantiers structurants visant à combler les pénuries d'eau, tels que la construction de stations de dessalement d'eau de mer. En effet, l'Exécutif a multiplié les efforts pour l'achèvement des projets de stations de dessalement d'eau de mer, en témoignent la station de dessalement d'eau de la ville de Casablanca, dont la capacité de traitement est estimée à 548.000 m3 par jour, soit 200 millions de m3 par an, extensible à 822.000 m3 par jour. D'autres projets pour l'approvisionnement en eau potable, dans les villes de Safi et El Jadida, dont les travaux seront achevés, selon le ministre, dans les prochains mois de décembre et mars, en plus des stations annoncées pour Dakhla et Nador. Quant à la ville de Laâyoune, Nizar Baraka a révélé que la nouvelle station de dessalement d'eau sera opérationnelle dans les prochains jours. «Elle est quasiment prête, nous menons les dernières analyses avec l'ONEE, pour nous assurer de la sécurité de l'approvisionnement et éviter les coupures », a-t-il déclaré. Perte d'eau des bassins : pas pour longtemps ! Par ailleurs, le problème des pertes d'eau des bassins, notamment au barrage Al Wahda, plus grand barrage du Maroc, qui affiche un taux de remplissage de 50,4% contre 70,7% à la même date en 2020, a également été évoqué lors de la séance plénière. Nizar Baraka assure que tout est fait pour lancer les travaux, dès l'année courante, pour le transfert d'eau à partir du barrage Al Wahda, dans une première phase, «pour faire du processus d'interconnexions entre les bassins hydrauliques une réalité tangible et éviter la perte d'importantes quantités d'eau qui finissent dans la mer». Les pertes d'eau s'élèvent cette année à 500 millions de m3 en raison de la sécheresse, contre 1 milliard de mètres cubes en saison normale, a ajouté le ministre, notant qu'il n'est pas normal que l'on perde de l'eau qui finit à la mer. In fine, le ministre de tutelle a affirmé que le gouvernement est totalement mobilisé pour résoudre cette problématique de manière structurée afin que cette situation ne se reproduise plus. Toutefois, la situation alarmante que vit le Maroc, à l'instar de plusieurs pays, requiert un leadership et une collaboration nationale accrue sur la question. Ainsi, le ministre avait déclaré lors d'un précédent passage à la deuxième Chambre qu'un comité de pilotage a été formé pour suivre l'avancement des programmes lancés par son département. Ce comité, qui regroupe tous les départements concernés, suit de près la mise en oeuvre des projets prévus et propose des solutions en fonction de l'évolution de la situation hydrique. Saâd JAFRI