Le gouvernement nigérian vient de donner son feu vert à la NNPC pour exécuter l'accord avec la CEDEAO concernant le gazoduc Maroc- Nigeria. La mise en oeuvre du projet de gazoduc entre le Maroc et le Nigeria se confirme, après que le gouvernement fédéral nigérian ait donné son feu vert pour conclure un accord avec la CEDEAO pour la construction du pipeline. C'est après une réunion du Federal Executive Council (Conseil exécutif fédéral), organe exécutif suprême au Nigeria, que Timipre Sylva, ministre d'Etat aux Ressources pétrolières, a annoncé que la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC) avait été autorisée à exécuter un accord avec la CEDEAO pour passer à une nouvelle étape dans le projet du Gazoduc Maroc-Nigeria (GMN). Plus de doute sur la position nigériane Pour l'heure, le projet est encore au stade de la conception technique et de l'étude d'impact, dont les résultats devraient définir le coût total que nécessitera une infrastructure stratégique pour l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest. Le gazoduc devrait, rappelons-le, desservir pas moins de 15 pays de la sous-région avant d'atteindre le Maroc d'où il acheminera le gaz en Espagne. Annoncé en 2016, ce projet pharaonesque a connu plusieurs phases de négociations et Abuja n'a cessé depuis de subir les tentatives d'influence, notamment d'Alger qui tente en vain de ressusciter le tracé transsaharien. L'option algérienne n'a, rappelons-le, pour principale atout que le facteur géographique avec un tracé de 4.128 km comparé aux 7.000 km du GMN, mais le gazoduc transsaharien devra traverser des zones non sécurisées, depuis le delta du Niger où les installations d'extraction d'hydrocarbures font face à des opérations de sabotages chroniques, en passant par le Nord du Niger où sévissent les rebelles touarègues et les organisations terroristes, avant d'atteindre le désert algérien connu pour être un sanctuaire de groupes criminels et terroristes. Le GMN a pour sa part vocation à servir de catalyseur au développement de l'ensemble de la sous-région ouest-africaine. Le tracé qui devrait mêler des tronçons onshore et offshore traversera le Bénin, le Togo, le Ghana, la Côte d'Ivoire, le Libéria, la Sierra Leone, la Guinée, la Guinée -Bissau, la Gambie, le Sénégal et la Mauritanie, avant d'être raccordé à la partie sous-marine du GME qui relie le Maroc à l'Espagne. Des pays qui devraient profiter du gaz nigérian pour palier à leurs problèmes énergétiques, notamment en production électrique, véritable frein pour le développement industriel de ces pays. La conjoncture internationale favorable au GMN Une vision qui a fait de la CEDEAO l'un des principaux avocats du GMN vu les retombées attendues pour la sous-région. En plus de la Communauté ouest-africaine, l'OPEC a également apporté son soutien au projet en débloquant un peu plus de 14 millions de dollars via son fonds d'investissement. S'y ajoute le soutien de la Banque Islamique de Développement (BID) qui a mobilisé une enveloppe de 15,4 millions de dollars en faveur du Royaume pour mener à bien l'étude de conception et approuvé un financement de 29,7 millions de dollars au profit du Nigeria. La BID devrait ainsi supporter près de 50% du coût total de l'étude dont le coût s'élève à 90,1 millions de dollars, dont les résultats devraient être livrés en 2023. Le GMN devrait également profiter de la conjoncture internationale marquée par la guerre en Ukraine. Les Etats-Unis tentent depuis le début du conflit de rallier les pays européens à un embargo sur le gaz russe qui répond actuellement à 50% des besoins du marché européen, une part qui monte jusqu'à 90% pour certains pays du vieux continent. Le GMN représente une option sérieuse pour convaincre Bruxelles de stopper ses importations de gaz russe à moyen terme. D'ailleurs, les récentes découvertes de gisements en gaz offshore tout au long du tracé du GMN, notamment au large de la Côte d'Ivoire et du Ghana, entre le Sénégal et la Mauritanie (gisement de la Tortue) et dans les eaux territoriales marocaines, devraient rassurer, d'un côté, les pays européens sur la capacité du GMN à répondre à leurs besoins en gaz et, de l'autre, les investisseurs potentiels sur la viabilité économique du projet. L'Espagne devrait également militer de son côté pour la réussite du projet, vu qu'elle aspire à se positionner en tant que hub gazier européen et cherche à réduire sa dépendance au gaz algérien, notamment suite à la décision d'Alger de rompre ses relations diplomatiques avec Madrid et son rapprochement avec l'Italie. En plus de l'option du GMN, Madrid s'est également rapproché de Doha pour diversifier ses importations en gaz et a déjà signifié son intention de renforcer ses capacités de stockage et de transformation de gaz au niveau de ses infrastructures portuaires. Reste à savoir quelle sera la position de la Chine, vu que ce pays reste le principal client du gaz nigérian et pourrait voir d'un mauvais oeil la perte d'une partie de ses importations. Amine ATER
L'équation US Depuis le début de la guerre entre l'Ukraine et la Russie, les Etats-Unis ont profité de l'occasion pour proposer leur production de gaz de schiste aux pays européens en remplacement du gaz russe. A noter qu'avant ledit conflit, le gaz de schiste américain avait mauvaise réputation en Europe à cause de son mode d'extraction jugé non écologique. Depuis, la Commission Européenne et les Etats-Unis ont signé un accord pour livrer 15 milliards de mètres cubes de gaz naturel liquéfié supplémentaires dès cette année. En mars 2022, 75% des cargaisons de gaz américain partaient pour l'Europe et la Turquie, alors qu'en mars 2021, elles étaient seulement de 44%. Enfin, l'accord prévoit que dès l'année prochaine, l'Europe importera jusqu'à 50 milliards supplémentaires de gaz américain, et ce, jusqu'en 2030, afin de permettre de combler un tiers des importations énergétiques en provenance de Russie. Le démarrage à moyen terme du Gazoduc Maroc-Nigeria permettrait de pallier le manque et de mettre en place un embargo européen sur le gaz russe.