Toujours sous la loupe législative, le projet de loi relatif à l'Ordre National des Pharmaciens peine à être amendé. Pour cause, des divergences des professionnels du secteur sur la nouvelle organisation de l'Ordre, dont ont pris acte les parlementaires. Détails. Le projet de loi N°98.18 relatif à l'Ordre National des Pharmaciens continue de traîner dans le circuit législatif. Après des années de discussion, le texte tant attendu peine à sortir des tiroirs de la Commission des secteurs sociaux qui a ajourné à maintes reprises le dépôt des amendements. Selon l'agenda de la Chambre des Représentants, il est prévu que la séance ait lieu le 14 mars, pourtant, il est fort probable qu'elle soit ajournée de nouveau, selon des sources proches du dossier. Pour cause, des divergences entre les groupes parlementaires sur la date, à quoi s'ajoute la contestation des pharmaciens qui veulent être associés dans l'élaboration du projet de loi. D'où la nécessité d'une discussion profonde entre les parlementaires et les professionnels du secteur afin de dissiper les zones d'ombres dans le texte proposé par le département de Khalid Ait Taleb et qui, rappelons-le, a été élaboré au départ par l'ex-ministre Anass Doukkali. La réforme porte sur la refonte du cadre juridique régissant le fonctionnement de l'Ordre National des Pharmaciens. Une réforme d'autant plus urgente que la législation actuelle ne répond plus aux évolutions qu'a connues ce secteur sachant que le nombre des apothicaires a manifestement augmenté au fil des années précédentes. Force est de constater que le Maroc compte plus de 12.000 pharmaciens, en plus des grossistes et des biologistes. Une nouvelle organisation qui ne fait pas consensus En effet, le texte soumis à l'examen des députés s'attaque à l'organisation de l'Ordre National des Pharmaciens et donc à son organigramme. C'est là où grouillent des points de vue différents. Un duel s'est installé entre les pharmaciens et les représentants de l'industrie pharmaceutique et les biologistes sur l'élection du président de l'Ordre. L'un des points les plus sensibles dans la réforme sachant que les pharmaciens d'officine sont les plus critiques vis-à-vis du projet de loi. Contacté par nos soins, le Secrétaire général de la Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc (CSPM), Amine Bouzoubaâ, conteste la façon par laquelle le scrutin est organisé. En effet, le président est censé être élu par l'ensemble des pharmaciens à partir de la base. C'est-à-dire tous les électeurs quelle que soit leur activité (qu'ils soient industriels ou d'officine ou des grossistes). "Ce n'est pas logique sur le plan organisationnel, vu le nombre élevé de pharmaciens d'officine à travers le Maroc, ainsi que les différentes autres représentativités des pharmaciens, à savoir les grossistes, les industriels et les biologistes, qui sont concernées par le vote et qui se sont centralisées dans leurs Conseils", nous explique notre interlocuteur. En effet, comme ce poste est très convoité par des différentes catégories de pharmaciens susmentionnées, le président élu aura du mal à obtenir une majorité confortable qui lui offre une marge de manoeuvre. Raison pour laquelle la Confédération estime que ce mode de scrutin paralysera l'action même du président. Pour régler ce problème, la Confédération préconise que le président soit élu indirectement, c'est-à-dire qu'il soit élu parmi les membres du Conseil national. Pour mieux comprendre, il convient de se rappeler que le Conseil national est constitué de 12 membres représentant les différentes catégories (pharmaciens d'officine, biologistes, répartiteurs et industriels). Chaque catégorie a droit à deux membres au Conseil national dans lequel siègent des représentants des pharmaciens des FAR, du service public et des enseignants chercheurs. Ceci dit, l'élection du président doit, aux yeux des pharmaciens d'officine, se faire par une sorte de suffrage indirect. En plus de cela, les pharmaciens d'officine contestent la façon dont ils sont représentés au sein de l'organigramme de l'Ordre. Le texte proposé par le gouvernement prévoit quatre Conseils représentatifs des quatre catégories. Les représentants des pharmaciens d'officine sont répartis sur les Conseils régionaux et n'ont pas donc de représentativité centrale. "Ce projet de loi doit rassembler ces Conseils régionaux dans un Conseil central, chose qui n'est pas prévue actuellement", récuse M. Bouzoubaâ. La Confédération estime que les pharmaciens d'officine ont droit à un Conseil central au même titre que les autres catégories. Cette revendication est d'autant plus légitime, selon la Confédération, que les pharmaciens d'officine constituent la majorité des professionnels du secteur avec 12.000 personnes, contre 350 biologistes, 50 distributeurs et 65 industriels. Pour cette raison, une restructuration de l'organigramme est de mise. Un autre point suscite le débat, celui de l'instance permanente de consultation et d'accompagnement, l'une des nouveautés apportées par le projet de loi. Une instance habilitée à se prononcer sur l'ensemble des sujets relatifs à l'exercice de la profession et donner son avis, si nécessaire, sur l'amélioration de son organisation. « C'est une instance créée à l'intérieur du Conseil de l'Ordre des pharmaciens et désignée par l'administration, ce qui n'est pas logique et n'existe nulle part dans aucune loi des professions organisées », conteste Amine Bouzoubaâ qui nous précise que la Confédération exige la suppression pure et simple de cet organe, décrié pour plusieurs raisons, dont le fait qu'il ne soit pas élu. Le report, une évidence ? À cet instant et jusqu'à nouvel ordre, le projet de loi demeure en stand by, le report de la discussion est une évidence, juge M. Bouzoubaâ, arguant que la version actuelle ne peut pas organiser le secteur de la pharmacie au Maroc à cause de ce qu'il nomme "plusieurs anomalies". Ceci est dû, selon notre interlocuteur, au fait que la loi a été élaborée sans concertation avec l'ensemble des professionnels concernés. Prenant acte de cela, les parlementaires veulent que leurs amendements soient le fruit d'une concertation plus élargie avec les professionnels. Selon les syndicats de pharmaciens, les élus, aussi bien de la majorité que de l'opposition, sont convaincus du bien-fondé de leurs revendications Anass MACHLOUKH