Face à la conjonction périlleuse de la sécheresse et du déficit pluviométrique, le gouvernement cherche de nouvelles voies alternatives pour compenser la baisse des réserves d'eau. Devant les députés, le ministre de tutelle, Nizar Baraka, a détaillé son plan. Détails Confronté à l'une des pires sécheresses depuis les années quatre-vingt, le Maroc n'a jamais été aussi menacé par la pénurie des ressources d'eau, au moment où le pays peine à préserver ses réserves à cause du retard des précipitations et la demande grandissante. Jusqu'à présent, les barrages du Royaume ne sont remplis qu'à hauteur de 32,7%, contre 49,1 % à la même période l'année dernière, selon les chiffres présentés par le ministre de l'Equipement et de l'Eau, Nizar Baraka, qui s'est rendu à la Commission des infrastructures, de l'énergie, des mines et de l'environnement à la Chambre des Représentants pour faire le point sur la situation actuelle, très inquiétante du point de vue des observateurs. Situation inquiétante Avec 5,3 milliards de mètres cubes (m3) de réserves, le Maroc manque terriblement de ressources hydriques et demeure menacé par la pénurie. Ceci se répercute même sur la part de chaque habitant qui demeure dérisoire puisqu'elle ne dépasse pas 600 mètres cubes. Un niveau inférieur à la moyenne mondiale (1000 mètres cubes par habitant). Dans les années à venir, ce phénomène devrait perdurer, Nizar Baraka a fait savoir que le Maroc est susceptible de perdre 30% des retenues de pluies d'ici 2050. Si la situation est si critique au Maroc, c'est à cause de la conjonction périlleuse du déficit pluviométrique et du recul des réserves dans les bassins hydrauliques. Tous les bassins du Royaume connaissent un déficit alarmant, qui atteint des niveaux inquiétants dans ceux du Bouregreg, Luxus, Souss Massa, Tensift, Oum-Errabia et Moulouya avec des taux qui varient de 60% à 80%. Ceci est dû en partie à la baisse du taux de pluviométrie enregistré à fin février dernier par rapport à la même période de l'année dernière. Ce taux s'est situé entre 30 et 50% au niveau des bassins hydrauliques Guir-Ziz-Rheris et Draâ-Oued Noun, entre 60 à 70% dans les bassins du Loukous, du Bouregrag et Sakia El Hamra-Oued Eddaheb et entre 71 à 80% au niveau des bassins Souss-Massa, Tensifet, Oum ErRbia et le Moulouya. Cette situation risque d'empirer si la saison printanière s'avère aussi avare en termes de précipitations que les saisons précédentes. Force est de constater que le pays risque de perdre 44% des précipitations annuelles, si la pluie ne tombe pas pendant les saisons de printemps et d'été. Le seul espoir qui demeure est que les précipitations de la période entre mars et août soient supérieures à celles de la période septembre-mars. Il est rare tout de même d'assister à un scénario pareil, à moins qu'il y ait une exception. L'effet du réchauffement climatique Pour expliquer les racines profondes de l'état actuel, l'exposé du ministre de tutelle met en avant l'effet du réchauffement climatique sur l'exacerbation de la sécheresse, observée actuellement et qui dure depuis trois ans. Depuis 2001, la température a augmenté palpablement au Maroc passant ainsi d'une moyenne de 17,7°c à 18,7°c, sachant que 2020 a connu un pic de 20°c. Concernant les ressources hydriques destinées à l'irrigation, elles ont connu un déficit chronique depuis le début des années quatre-vingt-dix. Ceci dit, pendant 18 ans, le volume des eaux utilisées dans l'agriculture a enregistré un déficit de 2% à 37% par rapport à la quantité réservée. Pour parer à cette situation préoccupante, le ministère de tutelle compte revigorer les bassins hydrauliques. Dans son allocution, Nizar Baraka a expliqué aux députés que son département est en cours d'élaboration de plusieurs conventions avec l'ensemble des intervenants en vue de mettre en oeuvre une batterie de mesures d'urgence visant à assurer, sans rupture aucune, l'alimentation en eau potable au niveau de toutes les zones relevant de ces bassins. Ceci va nécessiter une enveloppe de 2,42 milliards de dirhams (MMDH), dont 1,318 MMDH pour le bassin de la Moulouya, 202 millions DH pour l'Oum Er Rbia et 522 millions de dirhams pour le Tensift. Focus sur l'approvisionnement Le gouvernement compte agir en urgence dans les zones les plus touchées par la pénurie. Pour ce faire, des cellules de veille ont été mises en place dans toutes les provinces et préfectures affectées, a indiqué le ministre, ajoutant que les travaux d'alimentation des centres ruraux et douars vont bon train. L'objectif est d'aboutir à un système hydrique durable, comme prévu par le programme national d'approvisionnement en eau potable. S'agissant de la situation actuelle au niveau de l'alimentation en eau potable dans le monde rural, le ministre a indiqué que le programme national d'approvisionnement en eau potable et d'irrigation 2020-2027 prévoit un volet spécial en faveur du renforcement de ce chantier, doté d'une enveloppe budgétaire d'environ 27 milliards de dirhams, avant de préciser que ce volet vise à généraliser l'accès à l'eau potable en milieu rural à travers des projets structurants et la lutte contre les précarités dans certaines régions, surtout dans les années de disette. Pour ce faire, M. Baraka a fait état de l'accélération des travaux d'un nombre important de projets concernant 820 centres ruraux et plus de 18.000 douars. En parallèle, les autorités misent également sur la prospection. Nizar Baraka a fait état d'un renforcement des opérations de prospection des nappes phréatiques pour une meilleure exploitation des eaux souterraines. Dessalement : le pari de l'avenir La stratégie nationale repose en grande partie sur le dessalement des eaux de mer. A travers ce mécanisme, le ministère vise l'alimentation des grandes villes côtières, dont Casablanca, Agadir, Al-Hoceima, Essaouira, Boujdour, Tan-Tan, Sidi Ifni et Laâyoune. En vue d'amplifier les capacités de traitement des eaux maritimes, des projets de construction de nouvelles stations ont été lancés, en l'occurrence à Casablanca et à Dakhla. Ces nouveaux projets sont en phase d'appel d'offres. En plus du dessalement, les autorités misent sur le traitement des eaux usées, dont 71 millions de mètres cubes sont mobilisés actuellement. Pour sa part, le directeur général de l'Office National de l'Electricité et de l'Eau Potable (ONEE), Abderrahim El Hafidi, a annoncé la construction de 92 stations de traitement, dont 8 réservées au dessalement de l'eau de mer et onze autres spécialisées dans la déminéralisation des eaux saumâtres, ainsi que le creusement de 1.800 forages et puits. Anass MACHLOUKH ONEE : 9 MMDH d'investissements en 2021 L'Office national de l'électricité et de l'eau potable (ONEE) a investi plus de 9 milliards de dirhams (MMDH) en 2021, avec une montée en puissance de grands projets structurants. "OEuvrant en tant que garant de la continuité de l'alimentation du pays en électricité et en eau potable ainsi qu'en matière d'assainissement liquide dans les villes et centres où il intervient dans l'exercice de ses missions de service public, l'ONEE a poursuivi le développement de capacités de production, de transport et de distribution visant à satisfaire la croissance continue de la demande de ces services publics", indique l'Office dans un communiqué. En vue d'assurer cette mission dans les meilleures conditions de qualité et de performance, et concernant l'activité relative à l'énergie électrique, les investissements réalisés en 2021 ont atteint un montant d'environ 4,7 MMDH, et ce, en dépit des différentes contraintes rencontrées, notamment celles liées aux effets de la pandémie, fait savoir la même source.