Le conflit vieux de huit ans en Ukraine a connu un nouveau pic, alors que les forces militaires russes et ukrainiennes se sont à nouveau affrontées. Le Maroc devrait ressentir l'impact de la résurgence des combats entre deux des partenaires commerciaux importants du pays. Huit ans et deux jours après le renversement du président ukrainien pro-Moscou Viktor Ianoukovitch, l'Ukraine et la Russie se livrent à nouveau une guerre active. Si ce conflit est loin des côtes marocaines, l'affrontement entre deux des partenaires diplomatiques et commerciaux de Rabat est susceptible d'avoir des conséquences profondes pour le Royaume. Il semble que l'Ukraine soit devenue le champ de bataille malheureux où la Russie et l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) s'affrontent en raison de craintes mutuelles d'empiètement. L'OTAN craint depuis longtemps une action militaire russe en Europe de l'Est, tandis que la Russie considère l'expansion continue de l'alliance anti-soviétique comme une menace pour sa souveraineté et sa sécurité. Pour le Maroc, le conflit représente à la fois un casse-tête diplomatique et économique. Les diplomates marocains ont travaillé pendant des années pour établir des relations diplomatiques et commerciales positives avec l'Ukraine et la Russie. Les relations russo-marocaines ont connu une dynamique positive significative qui a suscité des inquiétudes à Alger, où la Russie est considérée comme un allié important et un fournisseur militaire. Dans sa dernière publication « Les implications économiques de la guerre en Ukraine pour l'Afrique et le Maroc », le Policy Center for the New South a mis en avant les répercussions économiques à court et à long termes de la guerre sur l'économie marocaine et africaine. Même sans choisir un camp, l'Afrique paiera le prix Dans un monde interconnecté, tout conflit a des répercussions hors du seul champ de bataille. L'Afrique ne sera pas épargnée par les conséquences économiques de l'invasion russe de l'Ukraine, observe le think thank marocain. Le conflit entre la Russie et l'Ukraine, classées respectivement 13ème et 61ème économies mondiales en termes de PIB, et grenier à blé du monde, survient dans une conjoncture particulièrement ardue, où l'Afrique peine encore à remettre son économie sur la voie de la reprise. Alors que les exportateurs d'énergie cherchent des opportunités dans la crise, d'autres pays, comme le Maroc, seront touchés par un double coup dur de la flambée des prix de l'énergie et des denrées alimentaires. Cela aggravera leurs déséquilibres extérieurs et les inquiétudes concernant la persistance de l'inflation et l'évolution de leur dette publique, explique le Policy Center, notant que le Maroc, qui importe plus de 90 % de son énergie et la moitié de ses céréales, figure parmi les pays africains les plus exposés à la crise. Les exportateurs de pétrole tireront de gros bénéfices de la hausse des prix du pétrole et du gaz ces dernières semaines, tandis que les effets de la guerre sur les importateurs africains d'énergie, notamment le Maroc - dont les importations de pétrole, de gaz et de charbon équivalaient à 6,4 % du PIB en 2019 -, l'Egypte et l'Afrique du Sud, sont fortement négatifs. Même avant l'invasion, les perspectives économiques de l'Afrique n'étaient pas propices. L'Afrique est encore très exposée à la pandémie et le revenu par habitant dans la plupart des pays africains restera, selon la Banque Mondiale, inférieur aux niveaux d'avant la pandémie au moins jusqu'en 2023. L'inflation a été signalée à 5,1 % en glissement annuel à fin 2021 en Afrique, rappelle le Policy Center, ajoutant que l'Afrique du Nord est particulièrement touchée par la hausse des prix alimentaires, car la nourriture représente près de 40 % du budget des ménages dans de nombreux pays, et les niveaux de pauvreté sont passés de 34 % avant la pandémie à 39 %. Les 43 pays africains importateurs d'énergie, dont le Maroc, souffrent également des prix élevés du charbon, du gaz et du pétrole, car cette hausse augmente les coûts de production des engrais et des aliments. Un conflit changeant la donne ? Parmi les secteurs qui pourraient être touchés figurent les fruits et légumes et le poisson. Les exportations marocaines d'engrais, qui représentent 4,5 % du PIB en 2019, concurrencent celles de la Russie sur les marchés européens, tandis que les exportations marocaines de fruits et légumes et de poisson, qui représentent 2,6 % du PIB du Maroc, concurrencent les exportations européennes vers la Russie. En effet, alors que les combats en cours en Europe de l'Est ont été décrits comme une menace unique pour l'Europe, il semble que la plupart des conséquences du conflit se feront sentir en Afrique du Nord et au-delà. L'Egypte et le Maroc ont déployé des efforts considérables pour assurer un stock de céréales afin de limiter les difficultés immédiates, mais la Tunisie, la Libye et l'Algérie sont toutes confrontées à une déstabilisation potentielle en raison des impacts économiques du conflit en Ukraine.