Le ministère de la Justice recrutera prochainement des interprètes pour servir en tant qu' intermédiaires linguistiques entre les justiciables amazighophones et les juges. Il s'agit bel et bien cette fois d'une première pour la langue amazighe. L'avenant à l'accord de coopération signé, mardi, entre le ministère de la Justice et l'Institut royal de la culture amazighe (IRCAM) pose les premiers jalons de coordination entre les deux parties pour l'inclusion de l'amazighe dans le système judiciaire via plusieurs mécanismes. Le pourquoi et le comment de cette initiative ont été tour à tour dévoilés lors de cette cérémonie de signature présidée par Aziz Akhannouch, chef du gouvernement, en compagnie d'autres ministres et responsables étatiques. De nouveaux fonctionnaires « amazighophones » Première raison de cette initiative, unique en son genre soit, et scellée entre le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, et le recteur de l'IRCAM, Ahmed Boukous : renforcer purement et simplement la présence de la langue amazighe dans le système judiciaire marocain. En vertu dudit accord, l'IRCAM sera associé à une batterie de démarches auxquelles le département de la Justice a adhéré dans le cadre d'une nouvelle étape permettant de réunir les conditions d'un procès équitable, a souligné M. Ouahbi en amont de sa signature. Il a mis l'accent, à cet effet, sur l'impératif de recruter des interprètes auprès des juges, dont la principale mission sera d'assister les usagers qui ne parlent que l'amazighe. Ainsi, cent nouveaux fonctionnaires, dont 60% parlent l'amazighe, seront recrutés et répartis sur les tribunaux ayant besoin d'interprètes de la langue amazighe. Un concours de recrutement sera ouvert dans cette optique au cours des deux prochains jours aux étudiants diplômés en psychologie et sociologie, titulaires d'un master en culture amazighe et lauréats des instituts d'assistance sociale, a révélé Abdellatif Ouahbi. Une étape importante... Pour le recteur de l'IRCAM, la signature de cet accord est « une étape importante dans le cadre du processus de mise en oeuvre du caractère officiel de la langue amazighe ». M. Boukous, qui s'exprimait dans une allocution de circonstance, a souligné que la valorisation du capital humain est la solution optimale aux problèmes d'intégration de la langue amazighe dans les différentes institutions, tel que stipulé dans ledit accord, « considéré comme une initiative pragmatique et une étape essentielle dans ce domaine ». Il a, dans la même veine, exprimé la disposition de l'IRCAM à incuber des initiatives similaires et sa résolution d'accompagner les institutions tous azimuts dans la mise en marche du caractère officiel de l'amazighe conformément au programme gouvernemental. ...et une priorité du gouvernement ! Le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a insisté, pour sa part, sur le caractère « prioritaire » de l'amazighe dans le programme gouvernemental, qui s'emploie à l'officialiser davantage en l'intégrant dans les divers aspects de la vie publique. Il a fait part, à cet égard, de l'engagement de l'Exécutif à accélérer les chantiers stratégiques prioritaires stipulés dans la loi organique relative à la mise en oeuvre du caractère officiel de la langue amazighe et mis l'accent sur l'impératif de mobiliser les efforts et les ressources humaines, logistiques et financières susceptibles de mettre en oeuvre les dispositions de cette loi organique, particulièrement en matière de parachèvement des chantiers juridique, organisationnel et institutionnel, permettant de traduire dans les faits les deux lois organiques relatives à l'officialisation de la langue amazighe et du Conseil national des langues et de la culture marocaine. Il a, ensuite, tenu à rappeler les premières mesures par son gouvernement fraîchement nommé dans le sens de la promotion de la langue amazighe, notamment en allouant 200 millions de dirhams, dans le cadre de la Loi de Finances 2022, pour la mise en oeuvre du caractère officiel de la langue amazighe, tout en s'engageant à augmenter progressivement cette enveloppe pour atteindre un milliard de DH en 2025, à créer deux nouveaux Prix dans le cadre du Prix du Maroc du Livre, à savoir le Prix du Maroc d'encouragement de la créativité amazighe et le Prix du Maroc d'encouragement des études dans le domaine des cultures amazighes. Revenant sur la portée dudit avenant à l'accord, M. Akhannouch a dit qu'il s'agit d'un « premier pas » dans la mise en oeuvre concrète de la vision du gouvernement en matière d'intégration de l'amazighe, assurant que la finalité est de faciliter l'accueil et le renseignement des justiciables amazighophones, et de garantir la traduction de leurs documents à caractère administratif et juridique. Saâd BOUZROU Que disent les deux lois organiques ?
Les deux lois organiques relatives à la langue amazighe et à la création du Conseil national des langues et de la culture marocaine (CNLCM) sont entrées en vigueur en 2019. La première, la loi organique N° 26.16, relative à la définition des étapes de la mise en oeuvre du caractère officiel de l'amazighe et des modalités de son intégration dans l'enseignement et les différents secteurs prioritaires de la vie publique, a pour objectifs de rendre effective l'officialisation de l'amazighe dans les différents domaines prioritaires à travers des dispositions reposant sur les valeurs générales encadrées, de l'intégrer dans le domaine de l'enseignement, de la législation, de l'action parlementaire, de l'information et la communication, ainsi que dans les divers domaines de la créativité culturelle et artistique et dans les administrations et les services publics. Elle vise également à développer et à renforcer les capacités des ressources humaines oeuvrant dans le domaine de la communication en langue amazighe avec les usagers, ainsi que de promouvoir la recherche scientifique liée au développement de l'amazighe, ainsi que d'encourager le soutien aux créations, productions et festivals amazighs. Quant à la deuxième loi organique N° 04.16 relative au CNLCM, elle s'inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions de la Constitution, qui stipule, dans l'article 5, la création d'un Conseil national des langues et de la culture marocaine en tant que mécanisme de protection et de développement des langues arabe et amazighe et des diverses expressions culturelles du Maroc, en tant que patrimoine moderne et créatif, ainsi que pour répondre aux défis de la politique linguistique majeure du pays. L'établissement est considéré comme un cadre de référence et une force de proposition dans le domaine des langues et des cultures afin de développer des politiques linguistiques harmonieuses pour les deux langues officielles et les langues étrangères, et de promouvoir l'identité marocaine en préservant la diversité de ses composantes et en réalisant leur fusion par le biais de l'accès aux droits culturels et du développement de l'économie de la culture et en assurant l'harmonie entre les acteurs culturels et artistiques.