Si les mentalités évoluent, la contraception reste aujourd'hui encore principalement une affaire de femmes. Et pour cause, outre le préservatif et la vasectomie, les contraceptifs masculins, tels que la pilule masculine, se font encore très rares sur le marché. Pilule, implant, stérilet, ou encore anneau vaginal... Lorsqu'on pense à la contraception féminine, une pléthore de moyens nous viennent à l'esprit. Mais la contraception masculine nous laisse en revanche plus démunis. Depuis plusieurs années pourtant, des voix s'élèvent arguant qu'en 2021, les femmes ne devraient plus forcément endosser seules la responsabilité de la contraception. Mais si le débat s'immisce dans la vie des couples et que certains hommes sont prêts à assumer cette charge contraceptive, dans les faits, les alternatives restent peu nombreuses. Encore trop peu accessible et donc trop peu représentée, la pilule contraceptive masculine répond pourtant à une demande grandissante. Quand une femme rencontre des difficultés avec les méthodes de contraception classiques, beaucoup de couples se retrouvent dans une impasse contraceptive. « Si on ne veut plus avoir recours à la pilule ou au stérilet, il ne reste plus beaucoup de solutions : soit préservatif, soit abstinence... ou sinon, une pilule masculine », explique Nadia, 42 ans. Partager les responsabilités Les hommes sont fertiles toute leur vie alors que les femmes ne sont fécondes que quatre à cinq jours par mois. Et encore, il ya la ménopause. Pourtant, la contraception reste depuis toujours l'affaire des femmes. « La contraception est une affaire de couple, au moins pour la prise de décision. Elle concerne majoritairement les femmes parce que la contraception féminine est beaucoup plus simple à utiliser, alors que celle de l'homme n'est pas encore au point », explique Professeur Chafik Chraïbi, gynécologue-obstétricien. Les femmes disposent d'une multitude de moyens de contraception, alors que les hommes n'en ont que trois « connues » à savoir le préservatif, la vasectomie, les injections hormonales... Dans d'autres pays, l'homme ne dispose que d'une seule et unique méthode à savoir le préservatif. Comme c'est le cas au Maroc en l'occurrence. Faute de choix en matière de moyens de contraception, « certains ont toujours recours à des méthodes traditionnelles tel le coït interrompu qui demeure une méthode très peu fiable », indique Pr. Chraïbi. Qu'en est-il de la pilule masculine ? La pilule contraceptive masculine existe depuis belle lurette, et a été utilisée en France en 1979. Elle a pour objectif de coincer la production des spermatozoïdes. Elle ne semble pas être vraiment du goût des spécialistes, que ce soit pour les hommes qui n'y ont pas vraiment recours même là où elle se trouve, ou pour les femmes, pour qui celle-ci demeure le moyen contraceptif le plus prisé. « Ce n'est pas par machisme que les hommes ne veulent pas comment fabriquer, mais c'est parce que le cycle de l'homme est plus compliqué que celui de la femme : le cycle de spermatogenèse de l'homme dure 120 jours, alors que pour les femmes, le cycle est uniquement de 28 jours », souligne le professeur. « La pilule masculine existe mais elle est très peu utilisée. Il faut d'abord la commencer 3 mois auparavant pour altérer le cycle de la spermatogenèse », ajoute-t-il. Selon Pr. Chraïbi, « la pilule contraceptive masculine n'existe pas au Maroc. En 2021, la pilule masculine n'est pas une méthode courante de contraception pour les hommes ». L'efficacité certifiée de la pilule masculine est très limitée dans le temps. « On n'est pas sûr que cette pilule soit véritablement efficace et inoffensive », prévient Pr. Chraïbi. Pourquoi il n'existe pas de pilule masculine en 2021 ? Tout simplement, parce qu'il n'y a pas de demande. « Les hommes ne le réclament pas. Je pense que ça arrange tous les hommes de ne pas avoir à s'occuper de cette charge mentale importante liée à la contraception », précise le spécialiste. « La pilule pour homme reste toujours absente sur le marché puisqu'elle présente, notamment, trop d'inconvénients d'un point de vue scientifique. En effet, il est extrêmement difficile de bloquer la spermatogenèse, un phénomène qui est continu, tandis que l'ovulation chez la femme est mensuelle, prévisible et plus facile à maîtriser », conclut Pr. Chraïbi. Meryem EL BARHRASSI
Freins à la contraception masculine
Même si les méthodes de contraception sont à l'avenir commercialisées, les barrières à la contraception masculine ne sont pas seulement physiologiques, mais également sociologiques. « Si certains hommes étaient potentiellement intéressés par ces nouveaux moyens de contraception, l'usage de ces derniers prendrait du temps à entrer dans les moeurs. D'après mon expérience, la plupart des hommes ne se disent pas encore prêts à assumer la contraception au sein du couple », observe Dr. Chraïbi. La présence d'une pilule contraceptive masculine sur le marché est conditionnée : la peur ressentie par les hommes d'une atteinte à la virilité, une castration symbolique, une perte du statut social dominant, et surtout une crainte remarquable de la féminisation.