Avec la clôture de la 2ème session de l'année législative, les groupes parlementaires du Parti de l'Istiqlal à la Chambre des représentants et à la chambre des Conseillers peuvent se targuer d'un bilan des plus honorables : vote, propositions de loi, plaidoiries, amendements et contrôle du gouvernement... Retour sur les principales réalisations des élus de la Balance. Aussi bien dans les commissions que dans les séances dédiées au contrôle du gouvernement, l'opposition parlementaire, incarnée en partie par les élus istiqlaliens, a constitué un contre-pouvoir important tout au long de la législature. Avec 46 sièges à la Chambre des Représentants et 24 dans celle des Conseillers, le Parti de l'Istiqlal assume le choix de se constituer comme une force de choix d'une opposition constructive et force de proposition. Un choix assumé au niveau de l'action législative. La coordination avec les groupes de l'opposition (PAM et PPS) a été manifeste, surtout dans les grandes réformes telles que celles des lois électorales, les lois des Finances et d'autres textes importants. Ce dont ont découlé quelques amendements concertés dans certains aspects d'intérêt commun. Propositions de lois : Abondance des textes et torpeur du gouvernement Malgré le manque de réactivité du gouvernement avec l'opposition, plus de 44 propositions de loi, dont une partie soumise conjointement avec d'autres parlementaires et qui touche plusieurs domaines, a été soumise par les députés istiqlaliens. Toutefois, seuls trois textes ont été retenus, dont un relatif au Conseil consultatif de la jeunesse et de l'action associative, un sur la création d'une chaîne parlementaire et une proposition modifiant la procédure du Code civil. Les autres propositions ont été condamnées au gel, faute de réactivité du gouvernement. Le groupe parlementaire de l'Istiqlal a été à l'origine de plusieurs autres propositions aussi importantes. Ainsi, il a proposé la création d'une Agence de développement rural et des zones frontalières, concrétisant de la sorte une des revendications principales du Parti, sachant que Nizar Baraka a effectué une tournée dans ces régions marginalisées. Durant cette législature qui touche à sa fin, le groupe istiqlalien a plaidé pour la promotion des langues amazighe et arabe dans la vie publique. La proposition de loi déposée à cet effet vise à rendre obligatoire l'usage, dans les administrations et les établissements publics, des deux langues officielles du Royaume, et ce, en dehors des langues étrangères. Le groupe parlementaire de l'Istiqlal a tâché de réformer le cadre législatif régissant l'Inspection des Finances. Dans un texte proposé en 2018, l'ensemble des députés istiqlaliens ont appelé à placer cette instance sensible qui veille à la bonne gestion des finances publiques, sous l'autorité du Chef du gouvernement au lieu du ministre de l'Economie. Outre cela, la proposition exige que son champ d'intervention soit élargi aux établissements semi-publics, aux Chambres professionnelles et aux associations qui bénéficient du soutien financier de l'Etat. Prévention des conflits d'intérêts : Le gouvernement fait barrage à la proposition de l'Istiqlal Parmi les textes phares présentés par les députés de l'Istiqlal, on trouve celui relatif à la pénalisation des conflits d'intérêts. Un texte censé renfoncer le dispositif législatif anti-corruption dans le code pénal, dont la réforme n'a toujours pas vu le bout du tunnel, bien qu'elle traîne dans la Commission de la Justice depuis 2016. En effet, les députés istiqlaliens appellent à une définition plus claire des situations de conflits d'intérêts et qui durcit le contrôle sur les agents, élus et fonctionnaires publics avec plus d'exigence en matière de transparence. Ce texte ne sera forcément pas discuté durant cette législature, vu les nombreuses procrastinations du gouvernement, selon Noureddine Modiane, chef du groupe istiqlalien « Pour l'Unité et l'Egalitarisme » à la première Chambre. SAMIR : L'Istiqlal plaide pour la nationalisation Objet de liquidation judiciaire après sa faillite en 2015, la SAMIR a été condamnée à l'arrêt, provoquant ainsi une flambée des prix des carburants après leur libéralisation et la dégradation des capacités de stockage du Maroc, sans parler du sort inconnu des travailleurs licenciés. L'Istiqlal a déposé une proposition de loi qui porte sur la nationalisation de la raffinerie. Il s'agit de céder les parts de la raffinerie à l'Etat qui en est le principal débiteur. Cette proposition a été bien accueillie par le Front national pour la sauvegarde de la SAMIR, qui soutient l'option de collectivisation. Le texte attribue au ministère des Finances la charge de garantir les droits des travailleurs licenciés et de prendre les mesures nécessaires pour sauver la raffinerie. Le groupe istiqlalien a interpellé plusieurs fois le gouvernement sur les raisons de l'arrêt incompréhensible de la SAMIR. L'Exécutif s'attache, de son côté, à son approche libérale, en omettant de restituer le capital de la Société à l'Etat. Le ministre de l'Energie Aziz Rabbah veut élargir davantage le marché en s'ouvrant sur d'autres compagnies, ce qui a été décrié plusieurs fois par les députés de l'Istiqlal. Légalisation du cannabis : Une réforme dont l'Istiqlal est le précurseur L'une des réformes les plus poignantes de cette législature, la légalisation du cannabis a fait l'objet d'un débat national, suscitant les plus vives discussions au sein du Parlement. Le groupe parlementaire de l'Istiqlal a été le premier à déposer une proposition de loi, revendiquant la légalisation du chanvre indien à des fins thérapeutiques. Les députés istiqlaliens ont été les premiers à revendiquer la légalisation de cette plante qui fait vivre des milliers d'habitants du Nord, en déposant une proposition de loi, en 2013. La loi N°13.21 relative à l'usage légal du cannabis, adoptée il y a quelques mois, ressemble beaucoup au texte présenté par l'Istiqlal. Durant les discussions, les députés istiqlaliens ont plaidé pour la légalisation de la culture du chanvre, en insistant sur l'abandon des poursuites judiciaires contre les agriculteurs. 26 amendements ont été déposés par le groupe istiqlalien, dont une grande partie a été adoptée. Les plus importants ont porté sur l'interdiction de l'importation des grains étrangers pour encourager le produit national, l'annulation des peines privatives de liberté pour les contraventions liées aux activités de culture. Les députés ont aussi appelé à associer les coopératives dans l'export des récoltes. Réforme électorale : Un engagement pour les jeunes et les MRE Initié à la demande de l'Istiqlal, le chantier de révision des lois électorales, ayant pris un an de concertations entre les partis politiques, a débouché sur un changement profond du code des élections. Bien que 80% des doléances de l'Istiqlal aient été retenues (listes régionales, fin du cumul des mandats, regroupement des scrutins régional et législatif, etc...), le texte proposé par le gouvernement avait besoin d'être amendé. Lors de sa discussion au Parlement, le groupe parlementaire de l'Istiqlal s'est battu, tout seul, pour l'intégration des jeunes et des MRE dans les listes régionales, sachant que les amendements présentés pour cela ont été refusés. Démocratie participative : Des initiatives législatives volontaristes À quelques semaines de la fin de la législature, une coordination entre quelques députés, groupes d'opposition et majorité confondus, a débouché sur une proposition de loi modifiant la loi organique 44-14 déterminant les conditions et les modalités d'exercice du droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics. L'objectif est de faciliter la recevabilité des pétitions citoyennes et ainsi l'exercice de ce droit constitutionnel. Comme la procédure actuelle est très complexe, la proposition où figure la signature du député istiqlalien Omar Abassi vise à faciliter la recevabilité des pétitions pour qu'elles soient discutées au Parlement. Ceci passe par la réduction des signatures requises de 5000 à 2500, comme l'a revendiqué M. Abassi, et par la dématérialisation des procédures par la création d'un portail dédié au traitement des demandes. Missions exploratoires : Une série d'enquêtes parlementaires Dans le cadre du contrôle de l'action du gouvernement et de la bonne conduite des établissements publics, cette législature a connu plusieurs missions exploratoires qui se sont penchées sur quelques dossiers épineux. Le groupe parlementaire de l'Istiqlal a pris part à plusieurs enquêtes majeures, à savoir celles sur les Marocains bloqués dans les foyers de tension, sur le marché des médicaments et les contrats conclus par le ministère de la Santé durant la période du Covid-19. L'enquête sur la Direction des Médicaments a été rapportée par le député istiqlalien Ismaïl Bekkali, qui a rendu, le 7 juillet 2021, son rapport très critique sur cet organe sensible du département de Khalid Ait Taleb et qui a soulevé plusieurs dysfonctionnements dans la gestion du marché du médicament qui nuisent à l'industrie pharmaceutique. D'autres missions ont été conduites par des députés istiqlaliens, à savoir la mission sur l'OFPPT, dont le rapport a été élaboré par le député Abdelmajid Fassi Fihri. Il s'agit d'une vision globale sur les états des lieux de la formation professionnelle dans notre pays. Les députés de la mission ont interpellé plusieurs acteurs concernés, dont le ministre de l'Education nationale et de l'Enseignement supérieur Saaïd Amzazi. Lois des Finances et réforme fiscale : Les doléances de l'Istiqlal Doté de plusieurs députés dans la Commission des Finances et du développement économique, le groupe de l'Istiqlal a participé à l'effort d'amendement des lois des Finances apportées par le gouvernement. 68 amendements ont été déposés pour le PLF 2021 et le budget rectificatif du PLF 2020. Des budgets particuliers vu la conjoncture économique particulière due à pandémie du Covid-19. Les députés istiqlaliens ont réussi à faire passer 7 amendements dans le PLF 2021, dont un relatif à la Contribution de solidarité. Ces derniers ont demandé la hausse du seuil minimal des revenus imposés, en proposant d'aller de 250.000 dirhams annuels à 360.000 dirhams. En parallèle, le groupe parlementaire a défendu l'emploi des jeunes, en proposant d'augmenter l'âge des jeunes bénéficiaires de la baisse de l'IR dans leur contrat CDI. Ainsi, l'âge limite est passé de 30 à 35 ans bien que l'Istiqlal ait plaidé pour 40 ans. Une autre mesure préconisée par l'Istiqlal a été admise par la Commission, il s'agit de la baisse des droits d'enregistrement relatifs à l'augmentation de capital de 1% à 0,5%. La Contribution professionnelle unique (CPU) a fait également l'objet d'un amendement de l'Istiqlal, visant à réduire la charge des droits complémentaires sur les petits commerçants et les artisans par un élargissement de l'assiette. Le groupe de l'Istiqlal est resté pourtant très critique sur le PLF 2021 qu'il considérait trop peu audacieux pour faire face aux effets de la pandémie, reprochant au gouvernement un attachement aveugle à l'orthodoxie budgétaire. Concernant la réforme fiscale, les députés istiqlaliens ont réprouvé le timing choisi pour la discussion d'une loi si importante, sachant que la loi-cadre n'a été déposée par l'Exécutif qu'à quelques jours de la fin de la législature. L'Istiqlal a plaidé pour la mise en place d'un taux d'IS unifié à hauteur de 20%, exigeant d'inscrire dans le texte de loi la nécessité de la redistribution équitable des recettes de l'impôt, comme objectif de la réforme. Le député istiqlalien Lahcen Haddad a appelé le gouvernement à lutter contre l'évasion fiscale pour réussir la réforme, déplorant le retard de sortie de la Charte d'investissement, qui devrait pousser vers la baisse de la pression fiscale sur les entreprises. Lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme : Le plaidoyer de l'Istiqlal Afin de se conformer à la norme internationale et notamment aux convections des Nations Unies, le Maroc a été dans l'obligation de réviser son arsenal législatif en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Très actif durant les discussions, Omar Abassi a plaidé instamment pour que le Maroc s'adapte aux recommandations du GAFI (Groupe d'action financière), dans une démarche souveraine. La réforme qui durcit le contrôle des flux financiers et leur traçabilité donne plus de moyens à l'Etat et durcit les sanctions. A cet égard, la dénomination de l'infraction de blanchiment d'argent a été au coeur d'échanges intenses lors de la séance de dépôt d'amendement. Le groupe istiqlalien « Pour l'Unité et l'Egalitarisme », représenté par le député Omar Abassi, a proposé d'élever cette infraction pénale au rang de crime au lieu de délit.
Anass MACHLOUKH Trois questions à Noureddine Modiane « Le gouvernement actuel a manqué de professionnalisme et de compétence »
Noureddine Modiane, président du groupe istiqlalien « Pour l'Unité et l'Egalitarisme » à la Chambre des Représentants, a répondu à nos questions sur le bilan du groupe parlementaire de l'Istiqlal dans l'opposition, tout en livrant sa vision sur le mandat du gouvernement actuel. - En tant que composante principale de l'opposition parlementaire, comment évaluez-vous le bilan du gouvernement Saâd Dine El Othmani ? - En effet, je peux vous dire que le gouvernement a échoué à relever les défis économiques et sociaux auxquels s'est confronté notre pays. Il suffit de constater la hausse spectaculaire du chômage à plus de 12%, la chute du pouvoir d'achat des classes moyennes et le recul de la croissance dont la moyenne n'a pas dépassé environ 3% durant ce mandat. S'ajoute à cela la multiplication des mouvements sociaux comme au Rif et à Jérada, que le gouvernement a choisi de taxer de séparatisme au lieu de répondre à leurs revendications. Pas la peine de vous rappeler le bilan discutable du gouvernement en matière de droits de l'Homme. Concernant la pandémie, il est clair que sans les décisions royales, l'Exécutif n'aurait jamais pu gérer la crise sanitaire : le Fonds Covid-19, la campagne de vaccination et la production du vaccin sont toutes des initiatives royales. Pour sa part, l'équipe gouvernementale s'est contentée d'aggraver la crise par des décisions maladroites quant aux restrictions et une communication défaillante. La politique de sauvetage de l'économie n'a pas fait ses preuves. La faillite de plusieurs PME et les difficultés de l'accès au financement bancaire en témoignent. En gros, quand on voit le programme gouvernemental et les réalisations, on trouve un fossé abyssal. S'ajoute à cela l'échec à résoudre les grands dossiers sociaux tels que ceux des enseignants contractuels, de l'emploi et du dialogue social qui n'a pas été institutionnalisé. Sans oublier la débâcle de la réforme de la compensation et la libéralisation des prix des hydrocarbures qui a fortement heurté les clases moyennes. Ne parlons même pas de l'Education et de la Santé. - Le gouvernement a été très appréhendé pour son manque de réaction envers l'opposition. Peut-on dire que l'Exécutif a méprisé les contre-pouvoirs durant ce mandat ? - Nous avons eu de la peine à retenir l'attention du gouvernement qui ne daignait répondre qu'occasionnellement à nos interrogations, nos lettres et nos sollicitations. S'ajoute à cela l'absentéisme des ministres lors des séances plénières et des Commissions. Le chef du gouvernement a lui-même reconnu avoir échoué à obliger ses ministres à se rendre au Parlement. - En tant que groupe istiqlalien, êtes-vous satisfaits de votre bilan au sein du Parlement ? - Effectivement, nous sommes ravis de notre performance et notre bilan qui reste prolifique. Notre groupe parlementaire a fait le plus de propositions de loi, sachant qu'on en a déposé 44 textes, qui, malheureusement, n'ont pas été pris en compte par le gouvernement, malgré leur importance. Nous sommes satisfaits de la qualité de notre contrôle de l'action gouvernementale et celle des amendements que nous avons déposés, surtout dans les lois des Finances.
Recueillis par A. M. Trois questions à Abdeslam Lebbar « Le bilan du gouvernement est asocial »
Abdeslam Lebbar, président du groupe parlementaire du Parti de l'Istiqlal à la Chambre des Conseillers, a répondu à nos questions sur l'évaluation du bilan du gouvernement et celui de son propre groupe parlementaire. - Après cinq ans au pouvoir, qu'a fait le gouvernement actuel pour les Marocains ? - Ce qui est sûr pour nous, en tant qu'opposition, c'est que le bilan du gouvernement actuel est dépourvu d'acquis sociaux. C'est un bilan « asocial », du moment qu'il a asséné des coups durs aux classes moyenne et populaire, dont le pouvoir d'achat a été déprécié. Les services sociaux ne se sont visiblement pas améliorés, en témoignent la privatisation de l'enseignement et la ruine de l'hôpital public. Je reproche également au gouvernement d'avoir mal conduit la politique agricole qui n'a bénéficié qu'aux grands agriculteurs aux dépends des petits paysans qui n'ont pas autant profité des vertus du Plan Maroc Vert que les grands. En gros, pour résumer, le fait que le gouvernement n'ait pas tenu ses promesses a coûté au Maroc plus de 400 milliards de dirhams, ce qui équivaut à 20 fois le budget du ministère de la Santé. - En tant que Conseillers de l'opposition, quelles sont vos principales réalisations ? - Nous avons tâché d'accomplir notre rôle de contre-pouvoir le mieux possible, et nous n'avions pas manqué de constituer une force de critique et de proposition. Durant la pandémie, nous avons ardemment défendu les catégories impactées qui n'ont pas été assez protégées par le gouvernement, à savoir les artisans, les travailleurs indépendants, les professionnels du tourisme et d'autres personnes. - Les députés se plaignent du manque de réactivité du gouvernement, idem pour vous ? - Effectivement, le gouvernement a choisi de ne pas entendre les propositions de l'opposition dont les nôtres. Nous avons proposé plusieurs mémorandums contenant des solutions pour la crise sanitaire, le développement des zones frontalières et le sauvetage des entreprises, sans que l'Exécutif ne réagisse. Concernant les relations avec le Parlement, le gouvernement n'a pas réagi assidument aux sollicitations des parlementaires, l'absentéisme constant des ministres lors de la séance de présentation du bilan gouvernemental en est la meilleure preuve.