Après des années de négociations et de préparatifs, Abuja s'apprête à construire le gazoduc reliant le Nigeria au Maroc. D'une longueur de 5660 km, avec la capacité de desservir pas moins de 16 pays, le projet de gazoduc Nigeria-Maroc (NMGP), qui auparavant était qualifié d'«inimaginable» par l'Algérie, est en dernière ligne droite avant le début effectif des constructions. L'Exécutif nigérian a mis au point les plans de concrétisation de ce projet d'envergure, a annoncé Yusuf Usman, Directeur Général de la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC) dans une interview, accordée la semaine dernière, au quotidien «Nigerian News Direct». En rappelant que la réalisation de ce grand projet a été concrétisée avec la signature d'un accord entre le Maroc et le Nigeria lors d'une cérémonie sous la présidence de SM le Roi Mohammed VI et du Président nigérian Muhammadu Buhari, Usman a noté que ce projet empruntera le tracé du gazoduc ouest-africain et bénéficiera à plusieurs pays du continent. Certains de ces pays disposent de gisements de gaz dont la production sera injectée dans le pipeline, tandis que les autres pays non producteurs de gaz en tireront profit à des fins de développement, explique l'interviewé, soulignant que «s'ils ne peuvent pas payer le gaz, ils peuvent obtenir de l'électricité ». Dans ce sens, il a noté que le projet entre dans le cadre d'une nouvelle vision de développement, «nécessaire pour l'Afrique ». Par ailleurs, le Directeur Général de la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC) a indiqué que l'étude de faisabilité du Gazoduc est « achevée », ajoutant que la décision finale de financement est en cours de validation. Toujours dans le cadre du calendrier de réalisation du projet, l'Exécutif nigérian lancera dans la foulée le plan directeur de la décennie du gaz pour consolider la viabilité de ce grand projet, précise-t-on. Une décision qui va de soi Cela dit, l'annonce du début des constructions doit être ressentie comme un cinglant coup de claque pour les détracteurs du Royaume, particulièrement l'Algérie dont le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, est allé voir, au mois de novembre dernier, son homologue nigérian, Geoffrey Onyeama, avec l'ambition de relancer le projet suranné du gazoduc Nigeria-Algérie via le Niger, qui date de plus de quatre décennies, et par ricochet torpiller la proposition marocaine auprès de la CEDEAO. Une initiative qui a très vite fait pschitt, puisqu'en décembre les membre de la Communauté ont exprimé à Ouagadougou, au Burkina Faso, leur soutien au déploiement du projet d'extension du gazoduc de l'Afrique de l'Ouest. Néanmoins, le choix du projet de gazoduc Nigeria-Maroc relève de l'évidence, du fait que son tracé et celui du Projet d'extension du réseau de gazoduc de l'Afrique de l'Ouest (WAGPEP), concourent à des objectifs communs qui sont la valorisation des ressources gazières de la région et l'approvisionnement des pays en énergies propres, y compris les Etats membres de la CEDEAO, sachant qu'une partie du projet WAGPEP est déjà finalisée. Une perception partagée par les experts de la Communauté africaine, qui n'ont pas manqué de souligner que la réalisation d'un gazoduc unique reliant l'ensemble des Etats membres de la CEDEAO est une réelle opportunité pour la région, et ce du fait que le projet maroco-nigérian va relier plusieurs pays non seulement des producteurs et consommateurs de gaz, mais également des pays qui rejoindront les producteurs africains dans les quelques années à venir, notamment la Mauritanie et le Sénégal, dont les découvertes récentes de gaz sont colossales et situées beaucoup plus près du Maroc, qu'un autre pays. Ainsi, il est de notoriété publique que ce gazoduc favorisera l'intégration africaine, contribuera à la stabilité, au développement économique et à la création d'emplois, dans plus de 13 pays. Ce n'est donc pas seulement un projet d'infrastructures mais un axe structurant économiquement pour toute l'Afrique de l'Ouest, qui aujourd'hui, plus que jamais, ont besoin d'un projet fiable à forte valeur ajoutée. La «Safety» avant tout L'aspect sécuritaire constitue un énième argument incitatif pour l'adoption du Gazoduc Nigeria-Maroc, du fait qu'il soit tracé offshore et onshore, échappant ainsi à la menace des groupes terroristes qui sèment le désordre dans la région. Rappelons, dans ce sillage, que le mémorandum d'entente signé en 2001 entre l'Algérie et le Nigeria pour la construction d'un gazoduc transsaharien d'une capacité de 20 à 30 milliards de m3 (qui allait être bénéfique pour très peu de pays) n'a jamais eu de suites du fait de la présence des groupes Boko Haram et d'Aqmi dans le Nord du Nigeria et au Sahel. Une menace qui a fait fuir les investisseurs. Pour un projet aussi important, la fiabilité et la rentabilité jouent un rôle crucial, surtout que le Nigeria et le Maroc ont initié ce chantier en vue de valoriser les importantes réserves de gaz naturel du Nigeria et de répondre aux besoins croissants de la région et de l'Europe en gaz naturel. D'ailleurs, lors d'un entretien téléphonique, tenu en janvier, avec SM le Roi Mohammed VI, le Président de la République Fédérale du Nigeria, Muhammadu Buhari, s'est félicité de l'appui solidaire du Royaume dans la lutte contre le terrorisme. Un échange qui a également permis aux deux chefs de marquer leur détermination commune à poursuivre et concrétiser, dans les meilleurs délais, les projets stratégiques entre les deux pays, particulièrement le Gazoduc Nigeria-Maroc et la création d'une usine de production d'engrais au Nigeria.