La détérioration des relations entre le Maroc et l'Espagne a suscité une des plus importantes crises pour le gouvernement Sanchez, qui fait face aujourd'hui à la pression de la droite comme de l'extrême droite décidées à faire tomber sa majorité. La crise entre Rabat et Madrid continue de faire couler beaucoup d'encre, de l'autre côté de la Méditerranée. Après les événements de Sebta et Mellilia, où les deux villes occupées ont enregistré des taux inégalés à ce jour d'arrivées de migrants, les tensions ne se limitent plus aujourd'hui au volet diplomatique, mais ont suscité une crise majeure pour le gouvernement Sanchez. La majorité gouvernementale doit faire face à une opposition frontale des partis de droite, Partido Popular (PP) en tête, lequel, après une « trêve » liée à la gestion de la pandémie, s'est déjà lancé dans une campagne électorale avant l'heure, en faisant porter l'entière responsabilité de la crise au gouvernement mené par le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE). Le PP de Pablo Casado renforcé Cette offensive menée par le leader du PP, Pablo Casado, se joue aussi au niveau de la presse. Le quotidien ABC avance ainsi des pronostics de vote en cas d'élections anticipées qui donnent le PP largement vainqueur et susceptible de décrocher une majorité parlementaire absolue en cas d'alliance avec l'extrême droite (Vox). El Confidencial, un site d'information également proche du PP et porte-voix du milieu des affaires espagnol, voit en cette crise une opportunité pour la formation de Pablo Casado de reprendre en main la droite espagnole. Les partisans du PP tablent ainsi sur un affaiblissement de leurs alliés, mais également rivaux de Vox, qui jouent la carte de la xénophobie pour situer le PP comme seule opportunité viable de reprendre les relations avec Rabat, là où elles étaient il y a 16 mois. Parallèlement, l'on ne peut qu'enregistrer aujourd'hui le retour de vocabulaire et d'éléments de langage sur le Royaume qui avaient disparu des radars depuis plus d'une décennie. En effet, la couverture médiatique faite par la presse espagnole de la crise, notamment de l'afflux de migrants vers Sebta, a pour point commun d'accuser, voire d'affirmer que les autorités marocaines auraient organisé l'entrée massive des migrants vers la ville occupée. Perte d'influence et aveuglement de la diplomatie espagnole Il n'empêche que des supports tentent de prendre de la hauteur et de présenter à l'opinion publique espagnole un portrait objectif de la situation. A l'image du quotidien barcelonais La Vanguardia, qui analyse la brouille entre Rabat et Madrid sous le prisme du grand chamboulement géopolitique qui traverse l'ensemble de la sous-région. Le quotidien catalan rappelle également le mutisme de l'Administration Biden sur la question, ce qui s'apparenterait pour le journal à un soutien à la position marocaine. Une position partagée par le quotidien madrilène El Mundo, dont le directeur de publication Francisco Rosell explique la situation par « une perte de puissance à l'international de l'Espagne ». Le site d'information El Español voit, de son côté, une intervention du Roi Felipe comme seule moyen de dépasser la crise en cours. Ce support signale, au passage, la responsabilité du ministère des Affaires étrangère, mené par Arancha Gonzalez Laya, dans la détérioration du partenariat entre Rabat et Madrid. Ce dernier, ainsi que la Moncloa, est accusé d'avoir ignoré les avertissements des services de renseignements sur les répercussions politiques de l'affaire de l'hospitalisation de Brahim Ghali en Espagne. Le site d'information étaye ses propos par des sources au sein du CNI (Centro Nacional de Inteligencia), qui précisent que « cette décision insensée a été prise à l'encontre de nos recommandations ». Pour rappel, El Español était parmi les premiers supports à signaler la mésentente entre le ministère de l'Intérieur, les services de sécurité, d'un côté, et la diplomatie et la Monclao, de l'autre, sur l'hospitalisation du chef des séparatistes du Polisario à Logroño. La Razon et Ok Diario ont pour leur part fait le choix d'accabler le gouvernement Sanchez, qu'ils jugent responsable et faible, tout en faisant preuve d'une nostalgie du gouvernement Aznar, « dont l'intransigeance visà-vis des revendications marocaines représentaient le meilleur moyen de gérer les relations avec Rabat ».