Dans la série «Bnat Laâssas» diffusée sur Al Aoula, elle incarne un personnage tourmenté et floué. Un rôle qu'elle campe avec maestria. Entrevue avec l'une des rares étoiles qui brillent dans le ciel mitigé de la fiction marocaine. Une lady comme on en fait peu. Un charisme aussi et une caressante sensibilité. L'artiste se définit comme forte et elle en a les munitions. Des expériences pas trop reluisantes parsèment sa vie et la forgent. Pour se refaire une santé, elle fait appel à la mesure, son côté placide, loin de toute rusticité. Une personne trempée, délicate à circonscrire. Une sorte d'infime note de bas de page qu'on est tenu de lire, histoire de s'assurer de ne pas renforcer le rang des dadais. Souad Khouyi est ainsi façonnée. Une femme multiple à l'image de son parcours, jusqu'à ce rôle bouleversant dans le feuilleton «Bnat Laâssas» réalisé par Driss Roukh, comédien de son état. Le choix de Souad prend vie l'année dernière dans la série «Chahadat milad» diffusée sur la chaîne saoudienne MBC5 et dans laquelle elle interprète Kelthoum, marquant son retour à la télévision : «Le producteur exécutif de 'Bnat Elaâssas' a suivi cette série et a apprécié ma prestation. Il a alors proposé mon nom pour le rôle de Ghita. J'étais en même temps heureuse qu'on m'ait choisie et inquiète de porter le lourd poids du personnage. La responsabilité était de taille. Lorsque j'ai lu le scénario, j'ai pris conscience du défi que je devais relever face à moi-même et à mes capacités de comédienne. Je devais m'immerger dans les tréfonds de Ghita, la femme divergente, en désaccord avec sa propre personne. Une femme qui porte en elle la souffrance de l'infidélité et de la trahison. Ce qui n'était pas aisé à accomplir, à réussir.» L'appréhension des grands, le doute des pros. Mais également l'angoisse de l'interprétation juste, du ton adéquat, du regard de circonstance, de l'émotion sans sur-jeu. L'emboîtement de ces inquiétudes légitimes prend Souad Khouyi à la gorge pour ne plus la lâcher, pour la conduire vers un jeu habité, aussi vrai que nature. «Au début du tournage, j'ai eu une longue discussion avec le réalisateur. Il m'a rassurée et m'a accompagnée dans l'évolution du personnage, étape par étape. Je me sentais soutenue. Je me suis rapprochée de Ghita, je l'ai aimée. J'ai cherché des excuses à sa faiblesse et à ses erreurs afin de pouvoir vivre avec elle tous ses malheurs. J'ai été honnête avec le personnage. J'ai profondément ressenti et vécu tous les moments de souffrance que j'ai interprétés. Tout ce qu'a vu le téléspectateur était sincère. J'ai choisi moi-même l'apparence de Ghita qui a épuisé mes réserves en énergies émotionnelle et physique.» Un beau rêve Une aventure de plus ? Un come-back que l'actrice juge comme un nouveau départ : «Je le ressens ainsi. J'ai fourni un effort colossal pour incarner le personnage. J'ai consacré toutes mes ressources d'interprète pour y arriver.» Souad Khouyi dit avoir relevé dans le projet «Bnat Laâssas» un scénario écrit avec professionnalisme, une production confortable artistiquement et matériellement, un casting fort et un réalisateur visionnaire, amoureux de ses acteurs qu'il dirige avec dextérité. En définitive, «Bnat Laâssas» a le mérite de raconter une histoire sans trop se perdre dans de laborieuses intrigues et d'intempestifs rebondissements qui finissent par piéger les auteurs eux-mêmes. «Cette série est un beau rêve. J'aurais aimé qu'il perdure», confie l'actrice. Discrétion maladive La trentaine d'années d'expérience de Souad Khouyi -lauréate en 1990 de l'Institut supérieur d'art dramatique et d'animation culturelle- fait d'elle une des comédiennes les plus ancrées dans la mémoire récente de l'art dramatique marocain. Une baroudeuse à la discrétion maladive, une amoureuse inconsolable des planches qu'elle classe en tête de ses espaces d'expression, devant la télévision et le cinéma qui ne l'a pas encore sérieusement sondée. «Je me suis énormément investi dans le théâtre et la télévision. Au théâtre, j'ai beaucoup donné à la comédie quoique je penche plus vers la tragédie qui me secoue intérieurement. Je pense, entre autres, à mon rôle dans 'Al Mar2a alati'. Pour mes débuts à la télévision, je me renvoie au feuilleton 'Atamane'. Au théâtre qui est ma force intérieure, j'aime le contact immédiat avec le public. A la télévision, c'est le souci de la précision, mais je déteste la multiplication des prises, ça dessert la sincérité.» Souad Khouyi, membre de la troupe du Théâtre Mohammed V, porte en elle un attachement vital pour son métier, celui qu'elle partage avec élan et débonnaireté. Une force tranquille.