Baraka : «Le gouvernement va poursuivre sa dynamique d'augmentation des salaires»    Soudé, le trio gouvernemental réaffirme son engagement envers les réformes structurantes    Projet de loi sur la grève : les syndicats réclament un retour à la table des négociations    Haut-Commissariat au Plan : passation de pouvoirs entre MM. Benmoussa et Lahlimi    La République de l'Equateur décide de suspendre sa reconnaissance de la pseudo « rasd »    Maroc: le FMI projette une croissance de 2,8% cette année et 3,6% en 2025    Systèmes alimentaires : plaidoyer pour une transition inclusive en Afrique    Compensation : les dépenses s'élèvent à 16,53 MMDH en 2025    Holmarcom-Crédit du Maroc : une OPV pour propulser la croissance    Liban : Berri exige d'Hochstein une position israélienne claire et sans amendement sur la «1701»    Palestine : Les attaques israéliennes font au moins 20 tués palestiniens    Gaza : Les délégués permanents de la Ligue arabe en session extraordinaire    Hezbollah : Israël confirme avoir "éliminé" Hachem Safieddine    Al-Nasr : Adel Taarabt auteur d'un doublé pour sceller la victoire de son club    Marrakech : Le RGDES triomphe à la 2e édition de l'Open Féminin des Clubs    CAN de Beach Soccer : Le Maroc affronte la Mauritanie en demi-finale    Dakhla : la Marine Royale porte assistance à 38 subsahariens candidats à la migration irrégulière    Botola Pro D1: Le DHJ triomphe face au MAT    Le temps qu'il fera ce mercredi 23 octobre 2024    Rabat : La femme de Youssef Chippo placée en garde à vue après un accident mortel    Lutte contre le braconnage : 52 procès-verbaux dressés en un mois    Jam Aunni et Abduh dévoilent leur nouveau titre "NIDO"    Des clients d'InDrive agressés, son représentant au Maroc donne sa version    Maroc : les établissements publics comptent investir près de 138 MMDH en 2025    L'ONHYM et l'ONEE signent un contrat pour le transport de gaz naturel via le Gazoduc Maghreb Europe    La FIFA souligne le rôle du Maroc en tant qu'hôte des Coupes du Monde Féminines U-17    Conférence mondiale sur l'IA et l'application de la CIAC: Inspiré par la vision Royale, le Maroc engagé pour la gouvernance des nouvelles technologies émergentes dans le cadre multilatéral (M. Bourita)    Une touriste suisse «égorgée» dans le sud de l'Algérie, confirment des médias français    La CGEM va à la rencontre des opérateurs marocains installés au Canada    Plus d'un million d'étudiant inscrits aux universités marocaines    Nador : arrestation de trois individus impliqués dans des dégradations    Bourita : « le Sahara, l'unité du Maroc et son intégrité territoriale n'ont jamais été objets d'ententes et de compromis »    « Yenna...The bread crust » : Résilience des femmes marocaines au FNF de Tanger    Le Poète bahreïni Qassim Haddad remporte le Prix international Argana 2024    L'oreille, lorsqu'elle devient audible à elle-même, c'est que quelque chose ne va pas    Industrialisation militaire : un enjeu de souveraineté pour le Maroc    Migration : Le Maroc est un « partenaire prioritaire » pour l'Espagne    Le FMI et la Banque mondiale entament leurs assemblées annuelles à Washington    Grand Prix national de la presse : Prolongation du délai de candidature jusqu'au 31 octobre    Marrakech Folklore Days : M Avenue célèbre avec éclat la 6ème édition du plus grand festival de danse folklorique d'Afrique !    Saïd Taghmaoui à l'affiche dans « The Killer » de John Woo    51 000 extraits numériques de casier judiciaire octroyés depuis janvier    Galerie H : lancement de l'exposition « Alwane – Nuances d'espoir » (VIDEO)    Foot: Neymar a rejoué après plus d'un an d'absence    Ouverture de 1.154 mosquées endommagées par le séisme d'Al Haouz avant le mois de Ramadan    CAN 2029: L'Ethiopie candidat à l'organisation    Sidi Kacem : La ville célèbre la 12e édition de la saison culturelle    Les températures attendues ce mardi 22 octobre 2024    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Entretien avec Yousra Abourabi : « L'agroécologie en mal d'encadrement et de reconnaissance »
Publié dans L'opinion le 11 - 03 - 2021

«L'agroécologie est une source d'amélioration des revenus des agriculteurs et de la santé des individus», Yousra Abourabi, professeure et chercheuse à l'UIR.
- L'agroécologie, le « beldi », l'agriculture biologique, l'agriculture biodynamique... Quelles nuances ?
- L'agroécologie est souvent confondue avec les produits dits « beldi ». En réalité, si l'agroécologie repose en partie sur des modes d'agriculture traditionnels, elle est aussi fondée sur un savoir-faire scientifique moderne, permettant d'atteindre différents objectifs. Le premier objectif est la dimension naturelle des cultures, sans produits de synthèse (pesticides, engrais chimiques...). D'ailleurs, c'est le principal point commun entre « l'agroécologie » et « l'agriculture biologique ». Le deuxième objectif concerne la diversité des cultures, c'est le principal point commun entre l'agroécologie et la « permaculture ».
A l'inverse, on peut pratiquer l'agriculture biologique selon un modèle de monoculture, en plantant un seul produit sur plusieurs hectares. Dans un espace agroécologique, divers produits peuvent être semés, participant ainsi à l'écosystème global. L'agroécologie se veut également « régénératrice », c'est-à-dire participer à renforcer naturellement la qualité des sols et restaurer leur fertilité, améliorant ainsi la résilience et la productivité des plantes à plus long terme. Il s'agit donc d'un type d'agriculture qui peut englober toutes les autres pratiques durables connues !
- L'agroécologie est contre l'agro-industrie. Est-ce un cliché ?
- Il s'agit d'un grand débat. L'agroindustrie est le modèle qui domine notre économie. Celle-ci a des avantages (la grande productivité à court terme et la capacité de participer à la sécurité alimentaire) et des inconvénients (l'usage nocif des sols et de l'eau, la dégradation progressive de l'environnement et parfois aussi celle de la santé). L'agroécologie est souvent critiquée pour sa dimension marginale, et par conséquent sa faible participation à la sécurité alimentaire. On évoque souvent la question des rendements pour comparer les deux modèles.
Cependant, il convient de souligner que la qualité des produits agro-écologiques est souvent meilleure, et que si l'agroécologie est marginale, c'est aussi parce qu'elle est faiblement subventionnée et encouragée. Enfin, le rapport au travail et les rapports sociaux sont mieux valorisés dans les exploitations agro-écologistes. De nombreux agro-écologistes critiquent l'agro-industrie pour sa dimension agressive sur les plans socio-économique et environnemental. Cette critique ne signifie pas que les deux modèles ne peuvent cohabiter, mais elle suppose que l'agroécologie soit aussi reconnue et soutenue par des politiques publiques dédiées, de la même façon que l'agro-industrie a été, et continue de faire, l'objet d'incitations.
- Quels sont les bénéfices immatériels de l'agroécologie ?
- En plus des gains matériels, les agro-écologistes acquièrent aussi des gains immatériels. Premièrement : le savoir et les connaissances acquises par l'échange constant d'informations, à travers les réseaux de professionnalisation qui se créent, dont le Réseau des Initiatives Agroécologiques au Maroc. Deuxièmement : pratiquer l'agroécologie, c'est aussi rendre service à l'environnement, ce qui est un gain à la fois immatériel et matériel. Troisièmement : du fait du rapport au travail, qui n'est pas le même, de nombreux ouvriers agricoles convertis à l'agroécologie renforcent leur estime de soi. C'est la raison pour laquelle on trouve de nombreuses femmes propriétaires ou dirigeantes de projets agroécologistes.
- De nombreux Marocains se tournent désormais vers l'agroécologie, représentée comme une façon de protéger la santé des individus. Quelle importance revêt cette approche ?
- Effectivement. Au départ, les consommateurs de produits agroécologiques au Maroc étaient majoritairement des résidents étrangers. Aujourd'hui, la part des Marocains est plus importante. Cette nouvelle vague de consommateurs fait le choix conscient d'une augmentation du budget alloué à la nourriture saine et de l'adaptation de leurs repas aux produits de saison, pour des raisons environnementales, mais surtout sanitaires.
- L'agroécologie est faite pour des petites exploitations ou des coopératives, de façon à lutter contre la pauvreté au niveau local. Comment peut-on la valoriser ?
- Vous avez raison de dire que l'agroécologie permet de lutter contre la pauvreté au niveau local : elle repose sur un système socio-économique plus inclusif et plus équitable. Pour la valoriser, il faut agir au niveau du consommateur et de l'Etat. Un consommateur possède deux pouvoirs : celui de voter ou de participer à la décision politique, et celui de consommer. Plus les citoyens seront sensibilisés à leur rôle en tant que consommateurs, en faveur d'une agriculture durable, plus ce type de modèle sera démocratisé. Le deuxième niveau est étatique.
L'agroécologie nécessite un encadrement, une reconnaissance et des aides spécifiques. Depuis 2013, il existe un cadre juridique relatif à la production biologique. L'agriculture biologique marocaine est certifiée depuis 2018. Cependant, il n'est pas aisé d'obtenir cette certification. Il faut répondre à un cahier des charges spécifique et investir dans sa transition. De plus, comme je l'ai souligné tout à l'heure, l'agriculture biologique ne prend pas en compte toutes les dimensions environnementales et socioéconomiques promues par l'agroécologie. Cette dernière fait donc l'objet d'un label participatif par le RIAM, qui n'est pas étatique mais associatif, et qui permet aux producteurs de diffuser leurs paniers auprès des consommateurs. Je suis moi-même consommatrice de paniers agroécologiques et j'en suis très satisfaite !
- Quelles recommandations faitesvous aux décideurs pour valoriser cette approche écologique ?
- La première, et la plus importante, est de reconnaître l'agroécologie au niveau étatique comme un modèle pertinent – ce qui n'est pas encore le cas. La deuxième est de ne plus considérer l'agroindustrie et l'agroécologie comme des modèles incompatibles, mais de penser en termes de « mix agricole », de la même façon que l'on pense en termes de « mix énergétique ». La troisième réside dans un ensemble de mesures d'encadrement et d'aides spécifiques aux agroécologistes.
Recueillis par Safaa KSAANI
Portrait
Yousra Abourabi cherche à améliorer les rendements des cultures tout en respectant l'environnement
Cette Professeure et chercheuse à l'Université Internationale de Rabat (UIR) s'intéresse particulièrement à l'agroécologie au Maroc et vise à susciter une réflexion élargie sur le sens normatif de l'agroécologie comme modèle agricole, mais aussi comme mode de consommation responsable, modèle économique durable et instrument de revendication d'une identité solidaire et développementaliste.
Cette docteure en science politique, de l'université de Lyon Jean Moulin, a soutenu, en 2016, sa thèse qui porte sur la politique africaine du Maroc. Après avoir enseigné à l'Université Lyon 3, elle a rejoint l'UIR. En tant que professeure assistant à Sciences po Rabat, elle enseigne la science politique, les relations internationales et la gouvernance africaine. En tant que chercheure associée au Laboratoire de Sciences Sociales et Humaines (LEPOSHS), elle s'intéresse aux enjeux diplomatiques et de coopération sectorielle (climat, migration, genre) en Afrique.
Elle a publié de nombreuses contributions académiques et médiatiques sur le Maroc et l'Afrique. Elle a récemment publié un ouvrage sur le «Maroc» aux éditions De Boeck, avant de réaliser son reportage intitulé "L'importance d'adopter l'agroécologie au Maroc".
Par ailleurs, elle travaille en tant que consultante pour plusieurs organismes internationaux. Elle est notamment membre du cluster Affaires Politiques de l'ECOSOCC (Union Africaine) et membre du Conseil académique du Global Campus For Human Rights.

S. K
Repères
Reportage sur « L'importance d'adopter l'agroécologie au Maroc »
Dans le cadre de son programme pluriannuel « Transform Africa – Vers une transformation écologique et sociale en Afrique », la Fondation Heinrich Böll, en collaboration avec le RIAM (Réseau d'Initiatives Agro-écologiques au Maroc), publie sa nouvelle publication en format reportage écrit et réalisé par le Pr Yousra Abourabi. Ce reportage, réalisé à partir d'une série d'entretiens menés auprès des agroécologistes, se propose de bien définir et de faire un point sur l'état de l'agroécologie au Maroc. Le 5 mars, ce reportage a été présenté sur les réseaux sociaux lors de la 14ème édition du Green Salon.
Elargir l'agroécologie : un pari réalisable
Selon les nombreux agro-écologistes interviewés par le Pr Yousra Abourabi, l'élargissement de l'agroécologie n'est pas difficile, comme le pensent les partisans de l'agro-industrie. "Il s'agit d'un pari réalisable, d'autant plus qu'il existe une portion suffisante de ménages marocains ayant des bourses capables de supporter le surcoût éventuel de la production biologique", nous explique-t-elle, avant de détailler que "pour ne compter que l'agriculture biologique, entre 2010 et 2020, les superficies cultivées sont passées de près de 4000 hectares à près de 10.000 hectares. A cela s'additionnent les parcelles dites "spontanées" (c'est à dire qui n'ont pas été plantées par les humains), certifiées biologiques, estimées en 2020 à 180.000 hectares. Ces chiffres ne prennent pas en compte les parcelles cultivées dans un esprit agroécologiste non certifiées par le Réseau des Initiatives Agroécologiques au Maroc".


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.