A l'instar du Maroc, des parlementaires tunisiens et membres de la société civile aspirent à une réforme de la loi sur l'usage du cannabis. Le cannabis licite est-il en marche au Maghreb ? En Tunisie, ils sont un million de consommateurs de cannabis, dont près de la moitié (400.000) réguliers, c'est presque un Tunisien sur dix. Près du tiers d'entre eux sont des jeunes. L'approche de l'Etat tunisien vis-à-vis des consommateurs est essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, répressive, envoyant chaque année de nombreux tunisiens, jeunes en majorité, derrière les barreaux. Denier exemple en date, en janvier dernier, trois Tunisiens ont écopé de 30 années de prison chacun, pour avoir fumé un joint. Si la loi, entrainant annuellement de nombreux jeunes en prison, ce dernier verdict aurait constitué la goutte qui fait déborder le vase. On peut concéder une sévérité de la loi, mais pas la cruauté du verdict. Vendredi dernier, un collectif tunisien a appelé à une légalisation du cannabis en Tunisie, pour palier à la stratégie essentiellement répressive de la législation tunisienne en la matière. Lors d'une conférence de presse à Tunis, le député Zied Ghanney a annoncé qu'il déposerait prochainement au Parlement un projet de loi visant à réguler «la plantation, l'industrie et l'utilisation du cannabis». «Il y a un million de consommateurs, dont 400.000 réguliers, c'est presque un dixième de la population et plus de 30% des jeunes», a souligné Karim Chaïr, du Collectif pour la légalisation du chanvre (Colec), lancé en 2019 avec des associations et experts, qui estiment que «La légalisation peut diminuer la consommation, et donner des moyens financiers à l'Etat». L'appel du Colec pour la réforme de la loi sur le cannabis en Tunisie s'inscrit dans une même ligne que plusieurs autres projets de loi concurrents récemment déposés pour réformer la législation sur les stupéfiants, et qui coïncident avec le récent appel du Premier ministre Hichem Mechichi à des «peines alternatives» à la prison. Le parlement transcendera-til ses divisions ? La question qui se pose relève de l'adhésion du parlement tunisien à la concrétisation du projet de réforme. Divisés et appartenant à plusieurs tendances conservatrices, les députés tunisiens transcenderont-ils leurs différends pour faire aboutir les réformes ? Cela étant, l'approche tunisienne, qui s'inscrit dans une perspective de réforme pénale de la question, intervient au lendemain de l'annonce par le Maroc d'une possible légalisation de l'usage du cannabis à des fins médicinales. Un projet de loi a même été débattu en conseil de gouvernement et est en attente d'approbation pour soumission aux deux Chambres du parlement marocain. En attendant, le gouvernement est en voie de finaliser et approuver le texte du projet de loi qui prévoit la création d'une agence marocaine de régulation des activités liées au cannabis et qui sera chargée de développer un circuit agro-industriel dans les régions autorisées à produire le cannabis. Selon la présentation de l'approche marocaine, des études sur le développement du cannabis licite font cas « d'une croissance moyenne de 30% au niveau mondial et de 60% au niveau européen ». Ali BENADADA