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Ces enseignes turques qui saturent notre marché
Publié dans L'opinion le 22 - 10 - 2020

Actée lors du dernier conseil des ministres, la révision de l'Accord de Libre Echange entre le Maroc et la Turquie en vigueur depuis le 1er Janvier 2006, parviendra-t-elle à réduire la domination des entreprises turque sur le marché marocain ?
L'accord qui, à l'origine, devait encourager les échanges et les investissements dans les domaines de complémentarité entre les deux pays, pour dépasser la problématique des règles d'origine pour le textile marocain, a creusé le déficit commercial qui n'a cessé de s'alourdir au détriment du Maroc, avec une aggravation annuelle moyenne de près de 35%.
Le grand hic avec cet accord, c'est que l'excédent turc affecte tant les produits que les services, puisque le déficit atteignait 20 milliards de dirhams en décembre 2018, si la balance des services est prise en considération (Travaux, transport et tourisme).
D'autre part, l'appui fourni par l'Etat turc à ses entreprises, à la production et surtout à la distribution, a mis hors compétition les entreprises marocaines qui peinent à les concurrencer. D'autant plus que les Turcs ont une offre exportable souvent concurrente à la nôtre, notamment dans les secteurs du textile et de l'habillement, de l'agro-alimentaire et des boissons et tabacs, qui sont très sensibles en termes d'emploi au Maroc.
Ces raisons expliquent amplement l'insistance du Maroc à mettre en examen l'accord en question, pour enfin aboutir à un nouvel accord, le 24 août dernier, qui a été adopté en Conseil de gouvernement le jeudi 8 octobre.
Un noeud le plus délicat du dossier : ces enseignes qui trompent les non-connaisseurs
Les Marocains de toutes les couches sociales sont aujourd'hui accoutumés à BIM pour l'achat des produits du quotidien. Cette enseigne, qui compte 529 magasins au Maroc, a faitl'objet d'une grande polémique au début de l'année courante lorsque Moulay Hafid El Alamy a fait remarquer que plus de 30.000 points de vente ont dû fermer boutique depuis son implantation au Royaume en 2009, menaçant qu'il n'hésiterait pas de fermer les magasins de BIM, si ces derniers persistaient à vendre des produits turcs au dépens des produits marocains.
Dans le secteur de l'habillement, nous connaissons tous LC Waikiki, Koton et Defacto, ce dernier a d'ailleurs renforcé son arsenal de magasins au Maroc d'une dizaine de nouvelles ouvertures à la mi-2019. Cette expansion des industriels de l'habillement turcs sous nos cieux impactent fortement l'industrie locale du textile et de l'habillement, et ce, en raison de la compétitivité imbattable des produits turcs. Dans ce sens, il sied de noter que le gouvernement turc appuie les entreprises qui s'installent à l'étranger avec une prise en charge de 50% des coûts de la masse salariale, des coûts de communication et des frais de loyer et une subvention de 15% sur le transport.
D'autres enseignes turques, quasiment inconnues du public marocain, sont également présentes sous nos cieux, opérant dans différents secteurs, notamment l'alimentation, le mobilier, l'immobilier, la construction et les infrastructures, le sanitaire...
Concernant l'ameublement, à titre d'exemple, Zebrano, Enza Home, Ozbay Furniture, Yatsan, Adolia, Antalya Home et Madame Coco sont installés depuis des années au Maroc, et opposent une concurrence féroce aux opérateurs marocains qui affirment qu'ils survivent uniquement grâce au sur-mesure, sans quoi ils fermeraient boutique.
Le nombre des entreprises turques installées au Maroc a considérablement augmenté et dépasse aujourd'hui 80 sociétés. A voir la multitude d'enseignes turques dans les villes du Royaume, on pourrait croire que le Maroc trouve équité dans les opportunités d'emploi, mais ces derniers, nous explique un expert proche du dossier, « sont des emplois de faible qualification, à faible revenu non seulement pour l'employé, mais aussi pour le Maroc en termes d'IR et d'IS et pas du tout intéressants pour le tissu industriel et économique marocain ».
« D'autant plus que les plates-formes de distribution turques profitent d'avantages très alléchants, et servent à promouvoir les produits turcs au dépens de la production locale », insiste-t-il.
En effet, les investissements turcs au Maroc ne dépassent pas 2% des investissements directs étrangers (IDE) réalisés au Maroc et sont essentiellement liés à des marchés de travaux réalisés par les entreprises turques au Maroc (export de services) ou à l'ouverture de points de vente de produits turcs au Maroc.
« Les investissements pérennes, en plus du transfert de technologies qui, d'habitude, compensent le déficit commercial dans d'autres ALE, semblent absents dans la culture du trading turc », ajoute la même source, soulignant l'exemple de l'entreprise en BTP Yapi Merkezi, le géant turc derrière le Tramway de Casablanca, qui, « après avoir achevé un chantier, plie bagage et rentre en Turquie ».
Nabil LAAROUSSI
3 questions à Abdellatif Maâzouz
« Avec les Turcs, nous sommes déficitaires sur tous les plans. Avec l'Europe, par contre, nous sommes certes déficitaires sur les produits, mais nous sommes excédentaires sur les services »
M. Abdellatif Maâzouz, président de l'Alliance des Economistes Istiqlaliens, nous explique les raisons de la polémique autour des accords de libre-échange (ALE) maroco-turcs.
- Quelles sont les raisons derrière la mise en examen de l'ALE entre le Maroc et la Turquie ?
- A l'origine de cet accord de libre-échange, il y avait la volonté de trouver une complémentarité entre l'industrie turque et l'industrie marocaine, dans le cadre de ce qu'on appelle la zone de cumul d'origine euro-méditerranéenne. L'idée était d'importer un produit de Turquie, le finir au Maroc et l'exporter en Europe. Le produit en question bénéficierait des accords de libre-échange. Ce schéma n'a jamais vu le jour. Les Turcs ont gardé leur matière première, l'ont transformée au Maroc et l'ont exportée. S'ajoute à cela les produits finis que la Turquie exporte vers le Maroc avec des prix plus compétitifs que les produits marocains pour plusieurs raisons.
En outre, les obstacles non-tarifaires en Turquie sont très importants. Entre les normes à respecter, les procédures administratives et d'autres considérations, les Turcs rendent la tâche impossible. Toutes ces raisons ont créé un déséquilibre significatif dans la balance commerciale auquel il faut à tout prix remédier.
- Pourquoi une telle polémique autour de l'ALE avec la Turquie et non autour de ceux avec l'Europe ?
- Il suffit d'analyser la nature des échanges entre le Maroc et la Turquie, comparée à celle des échanges entre le Maroc et l'UE, sur le plan de la balance commerciale élargie, qui comprend les produits et les services. Avec les Turcs, nous sommes déficitaires sur tous les plans. Avec l'Europe, par contre, nous sommes certes déficitaires sur les produits, mais nous sommes excédentaires sur les services.
Nous exportons notamment de l'offshoring, du Tourisme et nous avons des investissements étrangers directs qui viennent d'Europe.
- Comment remédier à ce déséquilibre ?
- L'idée est de renégocier l'accord de sorte à protéger l'économie marocaine, particulièrement l'industrie, contre la concurrence des entreprises qui bénéficient d'avantages et de subventions par l'Etat turc, que l'Etat marocain ne peut pas assurer à ses entreprises. Nous avons donc introduit des listes négatives de produits qui sont en dehors de l'accord de libre- échange, et sont de ce fait soumis aux mêmes règles d'importation que les produits asiatiques par exemple, qui sont les règles de droit commun établies par l'Organisation Mondiale du Commerce.
Recueillis par N. L.
Encadré
ALE : Révolte marocaine contre un accord désavantageux sur tous les plans
Depuis l'entrée en vigueur de cet ALE, le déficit commercial de ce dernier vis-à-vis d'Ankara n'a fait qu'exploser, s'élevant à plus de 16 milliards de dirhams en 2018. Un accord sans aucune complémentarité industrielle, sachant que la Turquie est un producteur de matières premières pour plusieurs secteurs industriels marocains. D'ailleurs, en novembre 2019, le ministre Moulay Hafid Elalamy avait annoncé à son homologue turc qu'il était impératif de rééquilibrer la balance commerciale entre les deux pays.
Dans le but de rééquilibrer la balance commerciale maroco- turque, le Maroc a établi dans l'ALE une liste de 1.200 produits qui seront exclus de l'ALE. Ces produits dérivent de plusieurs secteurs, notamment le textile et l'habillement, le cuir, l'automobile, la métallurgie, le bois et l'électricité. Cette liste sera soumise à une évaluation annuelle et pourra être révisée.
Valable pour une durée de 5 ans renouvelables à partir de la date de sa ratification, le présent accord appliquera à ces produits un droit de douane équivalent à 90% du droit commun correspondant à leurs positions tarifaires.
Pour rappel, le déficit commercial du Maroc avec la Turquie a atteint 19,5 milliards de DH en 2019, en hausse de 22% ou de 3,5 milliards par rapport à 2018. Même si les exportations du Maroc vers la Turquie se sont redressées de 10% après 2 années de baisse, les importations depuis ce pays ont poursuivi leur forte progression avec +19%, à 25,6 milliards de DH contre à peine 6,1 milliards pour les exportations.
Repères
L'abondance anormale des produits turcs dans les marchés de proximité
Outre les enseignes turques ayant pignon sur rue au Maroc, les produits turcs inondent également les marchés de proximité. Par le biais de commerçants indépendants à la recherche d'un rapport qualité/prix fourni par la production turque, ou encore à travers des agences de vente turques qui font de la prospection sur le marché marocain, « Derb Omar », « Korea » ou « Derb Ghallef » sont devenus un terrain d'exposition de produits turcs présents en abondance, impactant grandement la production locale qui comptait sur les petites surfaces et les marchés traditionnels pour écouler sa marchandise.
L'investissement marocain en Turquie : le défi insurmontable
Il est très important de souligner que, outre les raisons précitées, l'une des raisons de ce déficit commercial entre le Maroc et la Turquie est la difficulté d'installer une enseigne marocaine en Turquie. En effet, les Turcs ne cessent d'imposer des barrières non tarifaires à l'import et de rendre difficile l'établissement de distributeurs marocains en Turquie. D'ailleurs, le Maroc insiste sur l'obtention d'un engagement turc afin de faciliter l'installation d'entreprises et d'enseignes marocaines en Turquie (habillement, voyage...).


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