Les subventions accordées au secteur de l'événementiel et des métiers de bouches sont non seulement insuffisantes pour leur relance, mais en plus, ils ravivent l'appétit d'autres secteurs oubliés évoluant en périphérie. La vidéo a fait le tour des réseaux sociaux. Elle met en scène une femme voilée, masquée et vêtue d'une djellaba qui s'exprime en marge de ce qui ressemble à un sit-in organisé le week-end à Agadir. Usant d'un langage cohérent et bien argumenté, la dame qui se présente comme une cuisinière de mariages (Tebbakha) crie sa détresse, tout en jetant l'opprobre sur l'ensemble de la classe politique et gouvernementale du pays pour s'en remettre à la seule bonne volonté Royale. En gros, elle demande que les autorités permettent la reprise des mariages et autres fêtes familiales qui lui permettent à elle et à ses pairs, Neggafates, serveurs et autres, évoluant dans la sphère informelle de l'événementiel ordinaire et populaire, d'assurer leur survie. Ce sit-in intervient quelques jours après l'annonce par le Comité de Veille Economique (CVE) chapeauté par le ministre des Finances Mohamed Benchaâboun, de la mise en oeuvre d'un contrat-programme en faveur des secteurs de l'événementiel, des métiers de bouche (traiteurs) ; mais également et étrangement, au profit des parcs d'attraction dont la voilure et le poids socio-économique sont pourtant sans commune mesure avec ceux des deux premiers secteurs. La manifestation d'Agadir résonne de ce fait comme une réaction aux mesures annoncées par le CVE et orientées principalement vers la sauvegarde des emplois, en l'absence de toute action visant la reprise réelle des activités génératrices de revenus et d'emplois. Jugées par conséquent insuffisantes, notamment vis-à-vis de la composante informelle de ces deux secteurs où s'activent des centaines de milliers de Marocains et qui se sent de facto exclue, ces mesures étonnent du fait qu'elles incluent le secteur périphérique et moins significatif des parcs d'attraction. En quoi consistent-elles ? Sans véritable reprise, les mesures prises restent insuffisantes Il s'agit d'abord du contrat-programme pour la relance du secteur de l'événementiel et des traiteurs. Les acteurs concernés sont les traiteurs, les loueurs d'équipements techniques liés à l'événementiel (son, lumière, vidéo, etc.), les loueurs d'espaces dédiés à l'événementiel (salles, chapiteaux, etc.), les loueurs de mobilier dédié à l'événementiel et les prestataires de services pour l'événementiel. Mohamed Rahal Essoulami, président de la fédération marocaine des traiteurs explique que «le premier objectif de cette sortie de crise est naturellement, de contribuer à préserver les emplois, même sans activité réelle. Par la suite, il faudra amplifier les efforts pour accompagner la véritable relance du secteur. C'est, du point de vue de la profession, la meilleure voie pour non seulement préserver les emplois, mais d'en créer davantage. Seule la reprise d'activité peut garantir cette pérennité». Le premier type d'aide, en l'occurrence les indemnités Covid, est versé directement aux salariés. Le deuxième revêt la forme d'un mécanisme de garantie de crédits, afin de permettre aux entreprises de s'endetter auprès des banques en vue de maintenir leur flottabilité financière, en attendant la reprise. « Tout cela est nécessaire, mais pas suffisant. Sans une reprise de l'activité dans les meilleurs délais, le secteur reste fragile, voire menacé», réagit Rahal. Des secteurs plus «égaux» que d'autres ? Le deuxième contrat-programme concerne la relance du secteur des parcs d'attraction et de jeux dont on sait peu de choses sur leur véritable poids socio-économique. Les acteurs concernés par ce contrat-programme sont les entreprises opérant dans les espaces couverts de jeux (Patinoire, espaces de jeux pour enfants, salles de jeux vidéo et automatiques), celles actives dans les espaces de jeux à l'air libre (Skate-park, Karting, mini-golf, tir à l'arc, manèges et parcs aquatiques, les circuits d'accro-branche) ainsi que les parcs animaliers et zoologiques. Ce qui laisse planer certaines interrogations sur l'efficience et la priorité de leur accorder des aides étatiques, à l'exclusion d'autres secteurs également pourvoyeurs d'emplois et évoluant en périphérie de l'événementiel et de l'animation culturelle, comme les cinémas et les salles de spectacle. Il est vrai que ces derniers avaient profité de mesures d'aides annoncées début juillet par le ministre de la Culture, Othman El Ferdaous via sa page Facebook. Mais l'enveloppe budgétaire allouée qui ne dépasse guère les 10 millions de dirhams, à partager entre une quarantaine d'opérateurs répartis sur l'ensemble du territoire national, semble aujourd'hui plus que dérisoire. Là aussi, à l'instar des agences d'événementiel et des traiteurs, la demande principale des acteurs du secteur se résume à la reprise pure et simple de leurs activités... bien évidemment, en total respect des mesures barrières et de protection sanitaire de rigueur.
Hajar LEBABI 3 questions à Aziz Bouslamti « La vraie sortie de crise commencera avec la reprise de nos activités » Le président du Groupement Professionnel des Prestataires de l'Evénementiel au Maroc (GPPEM), Aziz Bouslamti, nous livre ses réflexions sur la relance du secteur de l'événementiel. - Deux contrats-programmes viennent d'être signés pour la relance des secteurs de l'événementiel et des traiteurs. Pensez- vous que cela pourra efficacement contribuer à préserver les emplois ? - Effectivement, il y a eu la signature de plusieurs contrats cadres concernant différents secteurs, dont le secteur de l'industrie de l'événementiel. Ceci est pour nous, membres du GPPEM, le couronnement de plusieurs mois de travail, depuis le début de la pandémie durant laquelle nous avons tenu diverses réunions avec plusieurs départements ministériels pour proposer des solutions à même de sortir le secteur de cette crise sans précédent. C'est également pour nous une première réponse à nos doléances transmises à la CGEM et aux différents départements ministériels qui nous ont accompagné. - Quand est-ce que vous pourriez reprendre vos activités et sous quelles conditions ? La vraie sortie de crise, à mon sens sera la validation du protocole sanitaire que nous avons élaboré, en partenariat avec le Bureau Veritas et IMANOR, sous la supervision du ministère de l'Industrie pour permettre la reprise des événements en présentiel, à hauteur de 50 à 100 personnes par événement. Je souhaite saisir cette occasion pour remercier le CVE, la CGEM ainsi que le ministre de l'Industrie, Moulay Hafid Elalamy, qui a depuis le début de la pandémie apporté son soutien et son accompagnement pour notre secteur qui regroupe 190.000 emplois et participe à hauteur de 5% du PIB national. - Quels sont les plans d'action que vous prévoyez ? - Ce n'est qu'en reprenant nos activités et dans les plus brefs délais que nous pourrons sauvegarder l'expertise que nous avons développé en plus d'un quart de siècle et qui nous a permis de disposer d'un capital humain et matériel inestimable. Le secteur de l'événementiel, il faut le rappeler, est au service de la marque "Made in Morocco" et je pense que sa disparition poussera les donneurs d'ordre à faire appel à des opérateurs étrangers comme par le passé. Ce qui va certainement grever la balance commerciale du Maroc.
Recueillis par H. L. Encadré Evénementiel : Une simulation pour préparer la reprise Pour reprendre l'activité, le groupement professionnel des prestataires de l'événementiel a élaboré, en collaboration avec un bureau d'étude, un protocole sanitaire permettant d'organiser des événements dans un lieu clos. Une simulation de ce protocole sanitaire a eu lieu, mardi 6 octobre, à l'hôtel Hyatt Regency de Casablanca. Cet événement intervient dans un contexte où le contrat-programme pour la relance de l'événementiel est certes un pas en avant pour les professionnels du secteur. Cependant, cette mesure reste insuffisante pour sauvegarder les milliers d'emplois menacés. Pour les professionnels du secteur, les activités en présentiel doivent reprendre dans les plus brefs délais. En marge de la simulation, le président du Groupement Professionnel des Prestataires de l'Evénementiel au Maroc (GPPEM), Aziz Bouslamti, a déclaré qu'elle a pour but de «démontrer aux responsables marocains que les professionnels du secteur de l'industrie et services de l'événementiel peuvent organiser tous types de manifestations, dans le respect total des mesures sanitaires nécessaires à la lutte contre la propagation de la COVID-19». Les organisateurs ont veillé à la mise en oeuvre de toutes les mesures recommandées par le ministère de la Santé, dont la distanciation, la signalétique, l'obligation du port des masques, et la distribution de bavettes et de gels hydroalcooliques. Dans ce sens, tous les efforts sont menés pour garantir une bonne reprise de secteur en standby depuis près de 7 mois. Chose qui menace plus de 5000 agences et prestataires ainsi que 190.000 emplois. Repères L'événementiel premier dégât collatéral de la pandémie Lundi 2 mars 2020. Aussitôt annoncé le premier cas positif de Covid-19, le calendrier des événements programmés à court et à moyen termes au Maroc a commencé à s'effondrer comme un vulgaire château de cartes. Première manifestation d'envergure touchée, le Salon International de l'Agriculture de Meknès (SIAM) a vu sa 15ème édition annulée lundi. Le lendemain, le forum de Crans Montana qui était prévu pour le 20 mars à Dakhla sera également annulé. La suite on la connaît, l'ensemble des événements petits et grands, programmés en 2020 et même en 2021, seront annulés les uns après les autres, jetant ainsi tout le secteur dans les nimbes de la crise et de l'incertitude. A quand la reprise ? A quelques jours du déconfinement, qui était prévu pour le 10 juin, les agences de l'événementiel se sont préparées pour une éventuelle reprise de leurs activités. L'Association Marocaine des Agences conseils en Evénementiel (AMAE) avait mobilisé ses membres pour proposer des voies de sortie de crise. Le premier volet de la feuille de route fixée par l'AMAE passe par l'élaboration d'un Guide Référentiel des Normes (GRN). Celui-ci vise à répertorier un ensemble de bonnes pratiques et de processus contrôlables, à appliquer par l'ensemble des acteurs. Le deuxième volet passe par une concertation ouverte et dynamique avec l'ensemble de l'écosystème institutionnel et professionnel du secteur afin de permettre une relance des activités dès que possible.