Entretien Lahcen Zelmat, président de la fédération nationale de l'industrie hôtelière (FNIH) Les hôteliers sont au bord du gouffre et n'ont aucune visibilité sur l'avenir du secteur. Etats des lieux, clés de redémarrage….explications de Lahcen Zelmat, président de la fédération nationale de l'industrie hôtelière (FNIH) Entretien réalisé par Mounia Kabiri Kettani L'Observateur du Maroc et d'Afrique :Quel état des lieux du secteur de l'hôtellerie actuellement ? Lahcen Zelmat : Tout le secteur est à genoux aujourd'hui. 80% des établissements ont été contraints de fermer leurs portes durant cette période de crise sanitaire. Et la réouverture dépend de plusieurs facteurs dont l'assouplissement des règles. Sinon, il y aura des faillites en cascade. Pour le moment, nous ne disposons pas de statistiques officielles, mais une chose est sûre, la situation est critique et plus de 100 hôtels ne pourront pas rouvrir leurs portes dans différentes villes. Qui dit fermeture définitive d'établissements, dit automatiquement, des centaines voire même des milliers emplois qui ont menacés. Est ce que le tourisme interne a pu donner un coup de pouce au secteur après le déconfinement, comme cela a été prévu ? Pas du tout. Les clients marocains ont été marqués par le confinement et donc traumatisés à l'idée de voyager et ne pas pouvoir revenir chez eux. Et les décisions d'ouverture et de fermeture des villes n'ont pas arrangé les choses. Finalement, le tourisme interne n'a pas eu l'effet escompté. Peut-on sauver la prochaine saison de l'hiver ? La saison d'hiver est conditionnée par la facilitation des procédures de la part des pouvoirs publics. A partir du premier octobre, il y a la clientèle juive qui vient généralement au Maroc pour fêter la « hayloula ». ensuite il y a les festivités de la Toussaint, qui concerne surtout la clientèle Française. Le dépistage reste le grand problème. En France par exemple, le dépistage est gratuit et donc la demande est forte. Ceci provoque un retard au niveau de l'obtention des résultats des tests qui peut aller jusqu'à 8 jours. Cela représente une contrainte pour les voyageurs et pourrait les pousser à annuler leur voyage carrément. D'autant plus que le Maroc exige des résultats dont la validité ne dépasse pas les 48heures. L'idéal est de mettre en place des centres de dépistage au niveau des aéroports. Aussi, il y a le problème de la compagnie nationale qui n'aide pas et ne fait rien pour le tourisme. Mais, si elle demande des subventions et compensations, c'est parce que lors de la signature de son contrat programme, le gouvernement lui a exigé la rentabilité. Donc aujourd'hui, le secteur est dans l'impasse. Entre une compagnie qui cherche la rentabilité et un office national de tourisme qui cherche les moyens pour ramener les touristes et un ministère qui n'a pas le poids nécessaire, le secteur est en train de tirer sa révérence. Si on n'active pas les choses, on ne pourra pas tenir d'ici octobre. Les hôteliers sont-ils prêts à reprendre leurs activités aujourd'hui ? La covid est là et ne va pas disparaître du jour au lendemain. On n'a pas le choix aujourd'hui que de vivre avec et mettre en place les mesures de protection nécessaires. Les hôteliers sont prêts à accueillir leurs clients. Tout a été mis en place pour leur sécurité et celle des employés. Et, on peut même dire que la personne est plus sécurisée à l'hôtel que chez lui. La fédération a été claire. Elle a bien fait comprendre aux opérateurs l'obligation de se conformer aux règles. Et la plupart a adhéré au processus. Mais, qu'en est-il de l'avenir des travailleurs du secteur ? La Covid va tuer plus économiquement qu'humainement. Les hôteliers sont à l'arrêt. Donc, on nous sommes face à deux options. La première : ouvrir les frontières et faciliter les procédures et donc permettre aux acteurs de reprendre leurs activités tout en respectant leurs engagements vis-à-vis du gouvernement notamment le maintien de 80% d'emplois. A ce moment, le professionnel n'aura même pas besoin de licencier ou se séparer des 20% restants. La deuxième option, est de rester les bras croisés, et faire durer la situation actuelle sans aucune visibilité pour le secteur ni pour les professionnels. Là, nous sommes face à un scénario catastrophique qui pourrait aboutir à la liquidation des affaires, la fermeture des établissements et donc le licenciement des travailleurs. Aujourd'hui, même l'indemnité covid-19 n'a pas encore été versée. Et la grogne monte chez les travailleurs. On dirait que le gouvernement n'est pas conscient des conséquences de ce retard. Pour les intérimaires, l'exécutif nous a promis de faire le nécessaire mais rien de concret pour le moment.