C'est une rencontre importante qui s'est tenue à la Mecque du 4 au 7 juin. Les Saoudiens avaient convié quelque 500 délégués musulmans, venus d'une cinquantaine de pays, à débattre de leurs divergences et à s'entendre sur un projet de dialogue avec les deux autres religions du Livre. La conférence a été ouverte par le roi Abdallah en personne. Il avait fait asseoir à ses côtés un hôte de marque : l'ancien président iranien Hachemi Rafsanjani. On remarquait aussi dans l'assistance deux religieux importants appartenant à la minorité chiite saoudienne, ainsi qu'Ali Fadlallah, le fils de l'ayatollah libanais Mohammed Hussein Fadlallah. Les assises de la Mecque ont bien entendu été condamnées par l'organisation Al Qaida. De leur coté, une vingtaine de cheikhs saoudiens, wahhabites radicaux, dont le Cheikh Nasser Omar, publiaient sur plusieurs sites internet, la veille de la conférence, une véritable diatribe anti-chiite. Que cette réunion se soit tenue, que l'ancien chef de l'Etat iranien y ait été invité, et que le roi Abdallah y ait officiellement confirmé son intention de convoquer, dans les prochains mois, une conférence sur le dialogue des religions à laquelle seraient conviés des chrétiens et des juifs, atteste d'abord de la volonté « pacificatrice » du souverain saoudien. Les Saoudiens ne veulent pas en ce moment de conflit ouvert, et notamment pas de guerre américano-iranienne. Ils auraient tout à perdre de la fermeture du détroit d'Ormuz, et devraient une fois encore se placer sous la protection, politiquement coûteuse, des Etats Unis. Ils ont au contraire intérêt à ce que le jeu se calme peu à peu sur tous les fronts : l'Iran mais aussi l'Irak, le Liban ou la Palestine. Ils soutiennent la médiation turque et l'amorce de dialogue entre la Syrie et Israël, tout comme les efforts de l'Egypte pour combler le fossé entre les frères ennemis palestiniens. Bref ils entendent, partout, jouer la carte de la modération. De tous les souverains du royaume, le roi Abdallah est le premier à avoir rencontré publiquement, dès le début de son règne, des personnalités appartenant à d'autres écoles islamiques. Même soucieux de voir les tensions régionales s'apaiser, il aurait cependant hésité, il y a encore deux ou trois ans, à convoquer une conférence comme celle qui vient de se tenir à la Mecque, et plus encore à évoquer publiquement la possibilité d'un dialogue avec les autres grandes religions. L'initiative revient en effet à affronter directement les affidés d'Oussama Ben Laden et les plus radicaux des wahhabites Qu'il l'ait fait aujourd'hui confirme que le rapport des forces a changé en Arabie, en faveur de la monarchie. Al Quaida a sa part de responsabilité : l'organisation terroriste a perdu beaucoup de son aura dans la région du fait de ses excès, notamment la multiplication des attentats contre les populations civiles en Irak. Mais les amis de Ben Laden ont aussi été vaincus en grande partie grâce aux dollars du pétrole saoudien. En Irak comme en Arabie Saoudite, nombre de tribus sunnites qui avaient, un temps, soutenu Al Quaida ont été « convaincues » de s'en désolidariser. Avec un baril à 130 dollars, il est plus facile de se faire des amis Si la diplomatie des pétrodollars peut calmer les esprits, inciter au dialogue, et favoriser l'amorce de processus de paix, qui s'en plaindra ?