Les émeutes sont elles en train d'évoluer dangereusement en Algérie au moment où, selon le quotidien francophone El Watan, l'état de santé du président Bouteflika se détériore ? Ces émeutes, que le fait le plus anodin peut déclencher, expriment avant tout un immense ras le bol. Comme si les populations ne trouvaient plus d'autres moyens que de tout saccager pour attirer l'attention sur la dégradation de leurs conditions de vie. Cela a encore été le cas le 26 mai à Oran. A la suite de la relégation en deuxième division d'une équipe de football, le Mouloudia, la grande ville de l'ouest algérien s'est enflammée durant trois jours. Presque aucun quartier n'a été épargné par les affrontements parfois très violents au cours desquels la Grande Poste, un cinéma, des administrations publiques et 150 véhicules ont été saccagés et pillés. Ces affrontements, dont le principal et terrible slogan était « Nos parents n'ont pas besoin de nous », ont fait quelques 160 blessés, dont une centaine de policiers. Et 70 des 300 participants présumés présentés devant un tribunal ont été placés sous mandat de dépôt. Affrontements inter communautaires Mais c'est à Berriane, ville de 35000 habitants, près de Ghardaïa dans le Mzab que la violence a pris mi mai un tour inédit : celui d'affrontements inter communautaires entre arabophones et berbères mozabites qui ont fait au moins deux morts et des dizaines de blessés. Certes, en mars dernier, des émeutes avaient déjà secoué cette ville où les rivalités intercommunautaires sont enracinées: les Arabes y dénoncent la domination du commerce privé par les mozabites tandis que ces derniers sont exclus des emplois de la fonction publique. Le tout sur fond d'une détérioration de la situation économique et sociale liée à l'afflux des habitants des régions rurales de Laghouat et Djelfa attirés par l'espoir de trouver un travail dans cette willaya proche des installations pétrolières de Hassi R'Mel. Ce sont ces vieilles rivalités qui ont été réveillées et attisées par des agressions menées par des jeunes gens encagoulés quelques jours avant le déclenchement des derniers affrontements. Et le 16 mai, des jeunes arabophones scandant le nom du président Bouteflika ont brutalement pris à partie leurs voisins mozabites. Qui étaient les provocateurs? Pourquoi la passivité des services de sécurité face à ceux qui brûlaient tout sur leur passage? Pourquoi les renforts de police sont-ils arrivés si tardivement ? Nombre de journalistes algériens notent une passivité analogue à Oran où les signes de pourrissement de la situation et de la mal vie étaient pourtant palpables. Emeutes et troisième mandat présidentiel Quinze jours après cette explosion aux relents ethniques - et alors que le tribunal correctionnel de Berriane a condamné le 31 mai 22 personnes à des peines allant de deux ans de prison ferme à l'acquittement -, il est difficile de répondre à ces questions. Officiellement, c'est la sempiternelle thèse du «complot ourdi de l'étranger avec des complicités intérieures» qui fait office d'explication. Elle est martelée par Yazid Zehrouni, le ministre de l'intérieur, qui évoque «des preuves tangibles» et des «tracts au nom de la communauté malékite poussant les jeunes malékites à s'attaquer aux Mozabites, et des tracts du même groupe émis au nom de la communauté mozabite poussant les jeunes Mozabites à s'attaquer aux malékites». Pourtant, dans un article intitulé « L'Etat, les émeutes et le 3ème mandat », Le Quotidien d'Oran établit un lien entre les violences et le troisième mandat que le président Bouteflika voudrait briguer (à moins que face à trop de résistances, il soit désormais plus enclin à une révision de la Constitution qui porterait le mandat présidentiel de 5 à 7 ans, lui permettant ainsi de rester au pouvoir jusqu'en 2011). Des «observateurs pensent, en voyant que l'intervention des forces de sécurité a toujours tardé, que la casse vise à enfoncer le président et à l'empêcher de faire un troisième mandat », écrit ainsi Le Quotidien d'Oran. Hasard ? Dans ce pays où la rumeur fait traditionnellement office d'information et/ou de contre information, il se murmure que Yazid Zehrouni serait désormais réservé quant à ce troisième mandat de Abdelaziz Bouteflika. Quels que soient les jeux de coulisse, une chose est sûre: la multiplication des émeutes et l'apparition d'affrontements intercommunautaires consacrent un ras le bol et un désespoir qui risquent de prendre un tour périlleux si le dialogue de sourds entre gouvernés et gouvernants devait s'éterniser.