La tentative des 300 jeunes Algériens de franchir, jeudi dernier, la frontière algéro-marocaine s'inscrit dans un mouvement de protestation généralisé. Les médias d'Alger ont attribué le soulèvement des jeunes d'El Abed à «l'annulation d'un match de football». Ce que certains médias algériens officieux ont présenté comme le «résultat de l'annulation d'un match de football» relève ni plus ni moins de l'affabulation. Le soulèvement jeudi dernier des 300 jeunes Algériens dans la région d'El Abed (près de Tlemcen), et leur tentative désespérée de franchir la frontière algéro-marocaine, reflètent un ras-le bol de plus en plus général au sein de la jeunesse algérienne. Comme l'ont bel et bien montré les slogans proclamés par les émeutiers, en protestation contre les nombreux, et de plus en plus contraignants, problèmes auxquels ils sont confrontés : crise du logement, défaillance des infrastructures routières, insuffisance des écoles, manque d'eau potable, absence d'équipements sportifs… Plusieurs ombres donc au tableau social algérien qui viennent empoisonner la vie d'une jeunesse abandonnée mais qui, comme en témoignent les soulèvements massifs de ces derniers temps, ne veut plus se laisser faire. Il ne se passe presque pas un jour sans que ces jeunes expriment leur colère, voire leur indignation, contre un quotidien on ne peut plus difficile. Le soulèvement de la région d'El Abed ne devrait pas en cacher d'autres, sachant bien que plusieurs villes algériennes ont vécu ces derniers jours au rythme de plusieurs manifestations de protestation contre la dégradation des conditions économiques et sociales du pays, dégénérant parfois en émeutes tragiques. Comme l'a si bien reconnu le quotidien algérien très officieux « Al Watan » : « les manifestations qui ont secoué durant la journée de samedi dernier la paisible commune de Bekkouche Lakhdar (52 kms au sud-est de la wilaya de Skikda) ont (indirectement) occasionné la mort d'un citoyen». Cet incident dramatique a conduit les autorités algériennes à interpeller quelque 13 jeunes émeutiers. L'intervention musclée des forces de l'ordre vient en rajouter,bien entendu, au désarroi d'une jeunesse acculée à affronter d'une part un quotidien insoutenable et d'autre part les coups de machette distribués gracieusement par les services de l'ordre. Au-delà de la commune de Bekkouche Lakhdar, dans la région de Tipaza (située à 647 km au sud-ouest d'Alger), plusieurs émeutes ont éclaté récemment pour protester contre la détérioration des routes devenues impraticables après les chutes de pluies. Ces émeutes ont donné lieu à des arrestations nombreuses parmi les jeunes, 25 personnes auraient été interpellées. En début janvier, la région d'El Oued, à 647 km au sud-est d'Alger, a connu des protestations similaires. Un effet boule de neige qui ne devait évidemment pas épargner le mouroir « Tindouf » où les séquestrés de la bande à Mohamed Abdelaziz se sont élevés dans un mouvement de protestation spontané pour revendiquer l'amélioration de leurs conditions sociales. Les polisariens n'ont trouvé mieux à faire que recourir à la « méthode radicale » pour réprimer les émeutiers, dont une bonne partie a été arrêtée. Voire sauvagement réprimée. Si les émeutes qui éclatent chez le voisin de l'est s'expliquent par la détérioration des conditions de vie, elles sont aussi et surtout le résultat d'un sentiment d'injustice que les Algériens devraient éprouver face à l'aggravation des inégalités sociales. L'exploitation des ressources énergétiques dont jouit l'Algérie n'a visiblement fait qu'enrichir les riches et appauvrir les pauvres.