Les commerçants de Casablanca n'ont aucune visibilité sur la reprise de leurs activités. Ils doivent encore patienter et attendre le feu vert des autorités. Ils se préparent pour la relance et ont un bouquet de mesures pour le déconfinement. Par Mounia Kabiri Kettani A Oujda, la réouverture des commerces de prêt à porter, d'électronique et d'électroménager des souks Tanger, Melilla, El Qods et la rue Abderrahmane Hjira a été autorisée pour le 1er juin après la désinfection des locaux et les recommandation de mise en place des gestes barrières et des règles de précaution. 24 heures plus tard, les autorités ont procédé à la fermeture des magasins. Raison invoquée : les commerçants et les clients n'ont pas respecté les mesures imposées en période d'urgence sanitaire, notamment la distanciation sociale, le port du masque… Pertes colossales A Casablanca, en dehors de la branche des produits alimentaires et d'entretien, les commerçants de Derb Omar, Garage Allal et Koréa, des Habous, …ont respecté l'état d'urgence sanitaire à la lettre. Mais, le confinement leur a coûté cher. Selon Aziz Benou, président de l'association de l'union des commerçants et professionnels de Derb Omar, les commerçants ont souffert le martyre durant cette période d'arrêt activité à cause des problèmes de liquidité. « Beaucoup souffrent de problèmes au niveau des transactions commerciales : retour de chèques et d'effets impayés, incapacité de récupérer les contreparties des marchandises vendues sur la base de la confiance… Bref les commerçants n'ont plus d'argent. Ils ont dépensé leur épargne au cours de ces deux mois, certains n'ont même pas de quoi acheter la marchandise pour le redémarrage », déplore t-il. De son côté le président de l'union des commerçants et importateurs de garage allal, Tayeb Ajik, évoque le problème des charges lourdes telles que le loyer, l'eau et l'électricité, les salaires des travailleurs que doivent supporter les commerçants durant cette période. « Le capital a été lourdement impacté. Certains ne pourront pas honorer leurs engagements vis-à-vis des fournisseurs et seront contraints de mettre la clé sous la porte. Et ceux qui vont résister rouleront avec un capital plus faible de 60% », prévient-il. Selon lui, «la plupart ont de la marchandise en stock et n'ont d'autre choix que de la vendre à perte pour avoir de la liquidité. D'autres, importateurs, ont des conteneurs bloqués au niveau des ports et n'ont pas de quoi payer leurs marchandises. Pis encore, ils sont obligés de débourser près de 1.200 dirhams par jour tant que les produits ne sont pas récupérés. Les commerçants n'en peuvent plus et veulent reprendre leur activité. Ensemble, les trois associations de Derb Omar, de Garage Allal et de Koréa ont formulé une série de propositions pour un déconfinement serein. Organisation et précautions Les associations préconisent l'obligation pour les commerçants de la mise en place des outils de désinfection et l'application de gestes barrières. Pour la relance, ils proposent une réouverture progressive selon la répartition géographique nationale avec une généralisation de la décision de réouverture selon les secteurs dans l'ensemble des centres commerciaux afin d'éviter la ruée des clients vers un seul espace. Les horaires d'ouverture et de fermeture doivent également être fixés. Au niveau des centres, les commerçants suggèrent de mettre en place un système unifié de marquage et de fléchage pour orienter et sensibiliser à l'intérieur des kissariats, souks et passages pour faciliter la circulation des personnes. Aussi, faudrait-il opter pour des séparateurs de sécurité entre les commerçants et clients selon la capacité d'accueil de chaque magasin et interdire l'accès aux enfants et aux personnes âgées dans une première étape. A titre de prévention, ils proposent également la réduction de la période d'activité des commerces à 50% avec interdiction d'exposer les marchandises devant les magasins et les passages étroits pour faciliter la mobilité. Les associations proposent de veiller au respect de ces règles. Crédits et facilités Sur le volet des crédits et des facilités, les associations professionnelles veulent un prolongement des délais de déclaration et de dépôt de liquidités dans les banques stipulés dans la loi de finances 2020 avec une exonération totale des impôts en la matière. Aussi, appellent-ils à la mise en place d'une stratégie de soutien au profit des branches commerciales les plus impactées et le recours à une ligne de financement, sans intérêt pour couvrir les charges liées à la gestion quotidienne. « Ceci permettra d'honorer les engagements, payer les fournisseurs, régler les salaires des travailleurs…», assure Aziz Benou qui appelle au nom des 1,5 millions de professionnels du secteur au niveau national, les banques participatives à contribuer aux programmes de soutien du secteur vu leurs spécificités sociales et culturelles. Pour les taxes locales (propreté, exploitation de l'espace public, taxes professionnelle…), les associations sont unanimes : ces taxes doivent être suspendues pendant la période de confinement et reprogrammées selon un nouveau calendrier flexible. Même cas pour les loyers des magasins. Demande interne L'importance du volet social est capitale pour les commerçants. Selon eux, il faut réfléchir à des mécanismes pour maintenir le niveau minimum de la demande interne et le pouvoir d'achat à travers notamment des mesures capables d'encourager la consommation nationale. Autres recommandations phares : la modification de la classification des détaillants du secteur informel et précaire et la révision à la baisse des salariés des établissements de commerce, en parallèle avec la création d'un mécanisme de soutien pour les travailleurs en arrêt d'activité. Pour le règlement des différents et des litiges dus à la période de l'urgence sanitaire, les professionnels proposent le recours à l'arbitrage commercial sous la supervision des pouvoirs publics et des représentants des professionnels, comme première étape. Les propositions ont été discutées en fin de semaine lors d'une réunion virtuelle avec le ministre du commerce et de l'industrie et le chef du gouvernement. Ces derniers ont promis aux commerçants d'étudier leur dossier. Jusque là rien de concret. Pas d'annonces ni sur les mesures qui seront déployées pour sauver le secteur ni sur une éventuelle date de reprise d'activité. Mais les commerçants de Casablanca ne veulent pas revivre le cas d'Oujda. Ils n'ouvriront leurs portes que si tout est mis en place et que leurs problèmes sont résolus.