Mireille Duteil Ils ressemblent à deux mastodontes qui se jaugent et se flairent avant de s'affronter. Tout se joue comme si pour les présidents Xi Jinping et Donald Trump, l'arène internationale était devenue une jungle. L'un, le Chinois, rêve de la dominer à son tour, dans 50 ou 60 ans. L'autre, l'Américain, refuse que la toute puissante Amérique cède la première place. Tout a commencé par une guerre commerciale : refusant l'énorme déficit américain vis-à-vis de la Chine, Trump a imposé de lourds droits de douanes sur les produits chinois importés. Pékin a répliqué par les mêmes mesures punitives. Chacun semblait devoir y perdre. Les Etats-Unis étaient les plus lésés. Opérant un recul stratégique, Trump a supprimé une partie des droits de douane qu'il avait imposée. Xi Jinping a promis d'en faire autant. Une trêve et un round de négociations de trois mois sont en cours. Cette guerre commerciale a révélé deux approches opposées. Trump se veut le chantre du protectionnisme américain, Xi Jinping celui du libéralisme et de la mondialisation. Le monde à l'envers. Mais ne soyons pas naïfs, la Chine dont la faramineuse croissance économique (9,5% par an depuis plusieurs décennies) est en perte de vitesse, a besoin d'exporter pour la soutenir. Elle doit s'imposer sur les marchés aux quatre coins du monde. Pour réaliser cette première ambition, Xi Jinpinga a lancé, en 2013, les nouvelles «routes de la soie» (maritimes, ferroviaires, autoroutières, constructions de ports…). Le projet va permettre à l'empire du Milieu de pénétrer économiquement et politiquement en Asie et en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique. Les «routes de la soie» vont toucher 65 pays (60% de l'humanité et un tiers du PIB mondial). Ainsi, Pékin sécurisera-t-il ses exportations et ses approvisionnements en matières premières. Deuxième ambition: bâtir une domination politique et stratégique. Elle demandera plusieurs décennies. Xi Jinping est convaincu que l'aide au développement servira d'assise à l'influence politique de son pays. Ainsi, si Pékin s'installe en Afrique (mines, infrastructures, port), ce n'est pas tant pour des raisons économiques que pour l'intérêt politique que représente le continent en terme d'influence. L'Afrique, c'est 53 voix à l'ONU. Or Xi Jinping veut à la fois, accroitre son influence dans les instances internationales, et, à long terme, voir Pékin changer les règles du jeu mis en place par les Occidentaux en 1945. Il veut bâtir un nouvel ordre mondial autour de la Chine et a créé le premier noyau d'une alliance politico-militaire lors du sommet de Shanghai sur la sécurité. Une organisation régionale qui englobe la Russie. Pékin aurait-elle aussi des ambitions militaires ? Si Xi Jinping ne veut pas disputer le rôle de gendarme du monde aux Etats-Unis, il s'est attelé à bâtir une armée puissante et a installé à Djibouti, en 2017, une première base militaire. La Chine a une seule exigence militaire : reconquérir la mer de Chine et ses iles et en chasser les troupes étrangères, dont les Américains.