Ahmed Charai Le sommet Trump-Macron est un chef d'œuvre de communication. Les deux hommes ont multiplié les signes de complicité, d'intimité, devant les caméras. Le Président Français a même déclaré «nous sommes deux Maverick» pour signifier que leur parcours est semblable, ils ont tous les deux dynamité le mur du système politique, alors qu'ils n'avaient jamais sollicité de mandat électif, ni fait partie d'un appareil partisan. Emmanuel Macron tente, depuis son élection, de se présenter comme le leader d'une Europe, qu'il prétend rénover par ailleurs, comme le garant du multilatéralisme, mot banni du lexique de Donald Trump, qui préfère sur chaque dossier trouver des alliances sous la houlette de l'Amérique. Et il n'en démord pas. Le Président américain n'a rien cédé, ni sur le climat, ni sur le nucléaire iranien, ni sur le protectionnisme commercial, ni sur aucun sujet. Il répète, comme Macron, «je fais ce que je dis» . Durant sa première année de présidence, on a affublé Donald Trump de toutes les épithètes, les observateurs avaient décidé qu'il était «imprévisible». Mais une politique se juge à ses résultats. Le «jusqu'au boutisme» face à la Corée du Nord n'a pas abouti à une guerre nucléaire. Au contraire, sous la pression, la Chine a pu obtenir de son allié qu'il accepte des négociations en vue de la dénucléarisation, ce qui était impensable il y a quelques mois. Sur le Moyen-Orient, il a respecté la priorité américaine, c'est-à-dire la sécurité d'Israël. Il a réussi une alliance objective entre les monarchies du Golfe et l'Etat hébreu, contre l'Iran. En contre-partie, les monarchies sunnites sont sommées de financer l'effort de guerre et elles s'exécutent. On peut contester les choix de Trump, mais on ne peut pas les réduire à des humeurs d'un homme imprévisible. Trump a opté pour les relations bilatérales, pour pouvoir compartimenter les dossiers et à chaque fois rallier les soutiens régionaux nécessaires. La diplomatie des sommets internatio- naux n'est pas sa préférée. Sa « Twitomanie » et les tergiversations de son administration ont contribué à l'enfumage de son action à l'international et à cette idée d'imprévisibilité. C'est l'explication que l'on peut donner au « Maelstrom » qui a concerné des postes essentiels dans la machine administrative. Après plusieurs tentatives, Trump donne l'impression qu'il a trouvé son bonheur. Trois profils, totalement acquis à ses positions à des postes-clé : Gina Haspel nommée à la tête de la CIA a fait toute sa carrière au sein de l'Agence, c'est une experte dans la lutte anti-terroriste. Elle est appelée « la dame de fer » parce qu'elle privilégie les méthodes fortes, ce qui correspond au discours de Trump. Elle a surtout une défiance absolue vis-à-vis de l'Iran. Tillerson a été remplacé par Mike Pompeo au département d'Etat. L'ancien directeur de la CIA est belliciste sur l'Iran. Il est capable de décliner les stratégies du président, en s'appuyant sur son expérience partisane au sein du Congrès américain et son passage a la CIA. «il est primordial de renforcer le meilleur corps diplomatique au monde. L'Amérique et le monde comptent sur nous pour ça», a déclaré Pompeo lors de son audition par le Sénat. John Bolton, nouveau conseiller à la sécurité nationale est un faucon néo-conservateur de l'ère Bush. Il plaidait pour bombarder la Corée du Nord et montrer la puissance militaire partout dans le monde pour défendre les intérêts des USA plutôt que de s'enliser dans les accords multilatéraux . Ce triptyque sera à la base de la politique de Trump qu'il pourra mettre en œuvre, sans anicroche avec le président. Celui-ci va très certainement se retirer de l'accord avec l'Iran, qu'il juge catastrophique malgré les suppliques de l'Union européenne. En même temps, cela renforcera l'alliance arabo-israélienne contre l'Iran. Les discussions avec la Corée du Nord seront ardues, voire même tumultueuses. Restera la question de la Russie. On entend moins les USA sur l'Ukraine et la Crimée, mais la Syrie représente un risque de conflit direct. Trump veut remplacer les troupes américaines par des troupes arabes, dans le but d'éviter cet affrontement direct, et de faire payer par d'autres l'effort de guerre. La fameuse solution politique ne fait pas partie pour l'instant des priorités. Il n'y a rien d'imprévisible dans l'agenda de la première puissance mondiale. Pour quels résultats ? L'histoire nous le dira.