Personne ne peut nier la grande évolution qu'a connue l'encours au crédit à la consommation dans notre pays durant les vingt dernières années. Depuis les 4,81 milliards de dirhams enregistrés en 1995, les choses ont bien changé. Happés par la frénésie de la société de consommation, les Marocains ont vite cédé au chant des sirènes. Selon les statistiques de l'Association professionnelle des sociétés de financement (APSF), qui regroupe 19 organismes opérant dans les quatre coins du pays, le volume des crédits à la consommation est passé de 21,8 milliards de dirhams en 2004, à 41,1 milliards de dirhams en 2010. A noter que ce volume de crédits a progressé de 4,4% par rapport à fin 2009, soit de 1,7 milliard de dirhams. Des chiffres éloquents qui confirment la tendance haussière et en disent long sur l'engouement des Marocains pour le «crédit conso». Mostafa Melsa, délégué général de l'APSF, explique à ce titre que «l'ouverture sur d'autres sociétés et sur d'autres modèles de consommation a poussé le citoyen marocain à trouver une issue pour assouvir ses nouveaux besoins». Un engouement qui sera encouragé par les publicités vantant la facilité de contracter et de rembourser un crédit. Jamais deux sans trois Nadia, 32 ans, salariée et mère de deux enfants, en sait quelque chose. «Au début, c'était un seul crédit que j'ai contracté pour payer le noir de notre appartement. Plus tard, il fallait le meubler. Le deuxième crédit est venu s'ajouter au premier pour rendre mes fins de mois plus difficiles. Mes charges ont augmenté considérablement, tandis que mon salaire stagnait. Affolée, j'ai pris un troisième prêt et c'est là que la situation a empiré», nous raconte-t-elle. Nadia n'est pas la seule dans ce cas. Les Marocains sont très nombreux à succomber à la tentation et à être accablés par le fardeau de leurs dettes. «Pendant des années, j'ai pris l'habitude de contracter de petits crédits de 10.000 à 20.000 DH durant la période des vacances. S'ajoutant au crédit immobilier que j'ai pris entre temps, la situation n'était pas alarmante. Ce qui m'a encouragé à prendre un nouveau crédit automobile d'une valeur de 120.000 DH et c'est là que j'ai commencé à étouffer, surtout avec les charges de scolarisation de ma fille. Le 10 de chaque mois, je suis déjà dans le rouge», confesse Yassine, ingénieur trentenaire. L'euphorie des nouvelles acquisitions passée, la crise pointe son nez. Un, deux ou trois crédits à rembourser à la fois, le taux d'endettement maximal tournant conventionnellement autour des 40% du revenu, est vite surpassé. D'après l'APSF, trois Marocains sur quatre sont titulaires d'un ou de deux crédits à la consommation et un µarocain sur cinq est titulaire de plus de deux crédits. Responsabilité du citoyen qui a mal calculé ses charges ou celle des sociétés de crédits qui ont surestimé sa capacité de remboursement ? Melsa évoque le SAAR, système d'aide a l'appréciation du risque basé sur un profilage des clients. Créé par l'APSF en 2002, ce dernier devrait permettre aux membres une meilleure évaluation du risque encouru sur les clients sollicitant un crédit à la consommation. Le SAAR les aide également à mieux étudier le comportement sur le marché de leurs bénéficiaires ayant des incidents de remboursement. «Mais le plus important objectif du SAAR reste l'aide à la lutte contre le risque de surendettement des ménages et des entreprises», insiste Kamal Benkirane, directeur des études à l'APSF. Menace pesant aussi bien sur le client que sur les sociétés de financement, le surendettement n'a pas à avoir lieu si le client est sincère au moment de solliciter le crédit et si la société vérifie bien sa situation et surtout ses documents. Des mesures s'imposent C'est dans ce cadre que Bank Al-Maghrib vient d'élaborer, en concertation avec l'APSF, une directive relative aux mesures minimales que les sociétés de financement doivent observer lors de l'octroi de crédits. Le mot d'ordre de cette directive : renforcer le dispositif préventif de fraude et accroître la vigilance des sociétés de financement quant à la cohérence des informations contenues dans les différents documents fournis par les demandeurs de crédit. Un garde-fou de plus qui vient s'ajouter aux SAAR pour «un crédit responsable» comme aime à l'appeler Mostafa Melsa. Il le définit comme une sorte «d'épargne en avance» qui permet aux citoyens de subvenir à leurs besoins, à assouvir leurs envies sans toutefois s'auto-nuire. «Si le crédit permet de débloquer moult problèmes financiers, il ne devrait pas pour autant mettre le client dans une situation délicate», défend le délégué de l'ASPF. «D'ailleurs, si le client se retrouve surendetté et dans l'impossibilité de régler ses dettes et d'y survivre, il peut poursuivre en justice la société de crédit qui n'a pas bien vérifié ses capacités de remboursement avant de lui accorder le crédit», rajoute Melsa. Ce dernier n'oublie pas de rappeler que le client a sa part de responsabilité dans de telles situations. Parfois le comportement dépensier des clients vient fausser les calculs les plus minutieux. Résultat ? Des créances en souffrance... bête noire des organismes de crédits et mal être garanti pour le client. Mais d'après statistiques de l'APSF, il n'y a pas lieu de s'alarmer... Enfin, pas pour le moment. Le taux des créances en souffrance s'est maintenu à son niveau affiché en 2007 pour toutes les tranches d'âge sauf pour les personnes âgées de moins de 30 ans. Cette tranche a vu ce taux évoluer pour atteindre 14%. Cela même si l'endettement des jeunes reste relativement faible en comparaison avec d'autres pays. Toujours d'après l'APSF, ce taux de pénétration s'explique par le recours tardif au crédit à la consommation, évidemment juste après la constitution du foyer et l'acquisition de la stabilité professionnelle.