Le Maroc renforce sa présence en Centrafrique : un message de gratitude du président Touadéra au roi Mohammed VI    Participation politique : Le Maroc face à une confiance en berne    Sahara : L'effet domino du soutien américain bouscule les équilibres à l'ONU    Procédure pénale : Malgré les critiques, la réforme passe au forceps [INTEGRAL]    La cybersécurité, synonyme de souveraineté numérique et facteur de croissance économique    L'ONCF renforce ses lignes pour répondre aux besoins de la rentrée post-estivale    Les Marocains toujours en tête des communautés d'étudiants étrangers en France    Sommet arabo-islamique : Condamnation unanime de l'agression israélienne contre le Qatar    Amir Al-Mouminine adresse une Lettre au Conseil Supérieur des Oulémas pour la commémoration du 15e siècle de la naissance du Prophète Sidna Mohammed    TikTok : Donald Trump annonce un accord avec la Chine    Donald Trump au Royaume-Uni pour cimenter la relation spéciale avec Londres    UAFA : M. Fouzi Lekjaâ réélu membre du Bureau directeur de l'Union arabe de football    Coupe du Monde Féminine de Futsal – Philippines 2025 : Les Lionnes dans le groupe A    LDC/ Real-OM : Aguerd forfait !    Les Marocains toujours en tête des communautés d'étudiants étrangers en France    Interview avec RedOne : « Le Maroc était le choix naturel pour me lancer dans le cinéma »    Vernissage du peintre Barbara Piekarska Abou-Hilal à El Jadida : Une célébration picturale entre mémoire et territoire !    Judo : Chafik El Kettani réélu président de la FRMJAMA    Maroc : +7% sur l'indice de production manufacturières au T2-2025 (HCP)    Morocco joins emergency Arab-Islamic summit in Doha to address Israeli attack on Qatar    Italian fugitive arrested at Alicante Airport en route to Morocco    Moroccan manufacturing production rises 7% in Q2 2025 led by chemical and electrical sectors    Ferhat Mehenni écrit sur le colonialisme algérien en Kabylie    Maroc : Une marche nationale le 5 octobre 2025 à Rabat en soutien à la Palestine    Al Hoceïma, chef-lieu d'une culture qui se fait «mémoire des diasporas»    Le Maroc décrète un moratoire national sur la pêche au poulpe jusqu'au 1er décembre    Moulay Rachid à Doha pour représenter le Roi au sommet arabo-islamique d'urgence    Dans «Mohammed V, dernier sultan et premier roi du Maroc», l'historien Benjamin Badier rappelle à la conscience collective une figure illustre et plus complexe qu'il n'y paraît    Taghazout Bay 2025 : La Coupe d'Afrique de Triathlon, dimanche 21 septembre    Puma intensifie sa lutte contre les contrefaçons au Maroc à l'approche de la CAN    Espagne: le Barça corrige Valence pour sa première à domicile au stade Johan Cruyff    Adil Hermach voit Hakimi comme favori au Ballon d'Or 2025    Nadia Fettah : Le Maroc, sous la conduite du Roi, est engagé en faveur de la coopération Sud-Sud    Le Roi appelle à commémorer "comme il se doit" le 15e siècle de la naissance du Prophète (PSL)    Stellantis finalise le rachat de 80% des parts d'AXA Crédit    Baitas : Les réformes paient...    Tanger : la police arrête un jeune homme pour conduite dangereuse et tentative de corruption    Maroc : la police démantèle un réseau soupçonné d'escroquer des migrants par de prétendus contrats de travail    Les températures attendues ce lundi 15 septembre 2025    Le temps qu'il fera ce lundi 15 septembre 2025    Les entreprises marocaines s'engagent aux côtés de la Centrafrique pour accélérer son développement    Nouveau gouvernement en Algérie, Sifi Ghrieb confirmé comme Premier ministre    Entre Rabat et Le Caire, Omar Hejira et Hassan El-Khatib réaffirment la nécessité d'un équilibre commercial et d'un ancrage logistique africain partagé    MAGAZINE : Mustapha Bakbou, le blues du guembri    La cuisine marocaine étincelle de mille saveurs au Village international de la gastronomie à Paris    Cinéma : le 7e art marocain brille sur les canaux vénitiens    Rendez-vous : demandez l'agenda    Festival du film Panda d'or : 5 343 œuvres en compétition pour 27 récompenses    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'historien français Henry Laurens : « Aujourd'hui, ce n'est plus Sykes-Picot mais Lausanne »

Le 16 mai 1916, les Empires français et britannique dessinaient les frontières du Proche-Orient. Deux diplomates sont chargés de négocier le partage des territoires alors sous contrôle de l'Empire ottoman. Ce sont les accords secrets de Sykes- Picot. Au lendemain de la guerre et après modification, le morcellement de la région est acté par la conférence de San Remo en 1920. Un siècle après, certains se demandent encore si ce partage ne serait pas responsable de l'instabilité du Proche-Orient. Retour sur la genèse de ces accords et analyse de ce qu'il en advient aujourd'hui avec Henry Laurens.
L'Observateur du Maroc et d'Afrique: Comment le contexte historique a-t-il rendu l'accord Sykes-Picot possible ?
Henry Laurens : C'est l'époque dite impériale où le partage du monde, la conquête, le droit de la guerre, les zones d'influences sont encore valides du point de vue du droit international. Mais en 1914, avant d'entrer en guerre, l'Empire Ottoman a supprimé les capitulations. Du coup, la France et l'Angleterre étaient dans une position plus défensive qu'offensive. C'est à cause de la bataille de Derdanel que l'Angleterre et la France changent d'avis car les Russes exigent Constantinople comme butin de guerre. A ce moment-là, émerge l'idée du partage de l'Empire ottoman. En dehors de l'Irak, les Anglais vont connaître un nouvel échec à Kout alors que le front ottoman tient plutôt bien. Par la suite, ce sont deux diplomates politiques de rang moyen, Mark Sykes et François-Georges Picot qui sont chargés de la négociation. Deux négociateurs ont été préférés à un ensemble bureaucratique. Sykes et Picot négocient un projet qui a toujours été approuvé par leur supérieur et ils ont également eu l'approbation des Russes. Il est évident que pour les Français et les Anglais, le texte proposé est en accord avec la négociation qu'il y a eu entre Sir Henry Mac Mahon et le Chérif Hussein de la Mecque. D'ailleurs dans le document, il est question de la création de un ou plusieurs Etats arabes indépendants. La tendance arabe est bien marquée dans le texte de Sykes-Picot.
Y a-t-il une différence entre les accords secrets de Sykes-Picot de 1916 et les accords de San Remo de 1920 ?
Il y a toute une évolution politique et militaire, la grille territoriale de Sykes-Picot a été abandonnée. En 1916, il était prévu de mettre en place des zones d'administrations directs et des Etats arabes sous tutelles de la France et de l'Angleterre. Cette idée a été abandonnée au profit de la formule des mandats. Ainsi, il n'y a plus de zones directes et indirectes, mais seulement des territoires qui doivent accéder à l'indépendance sous la tutelle d'une puissance dite mandataire. La carte elle-même a été modifiée pour des raisons diverses et des projets politiques qui n'étaient pas pris en compte dans Sykes-Picot, en particulier le création du Liban et la création d'un foyer national juif. Les cartes de 1920 et 1916 sont très différentes et la carte de 1920 est à peu près celle d'aujourd'hui. En fait l'essentiel se traite rapidement, en décembre 1918, entre Clemenceau et Lord Georges qui ont dressé la nouvelle répartition. Il s'ensuit une très longue négociation qui s'est terminée en avril 1920 à San Remo.
Quel sens avait la ligne de partage pour les Empires français et britannique ?
Fondamentalement, c'est un héritage du 19e siècle, la France était extrêmement présente sur le rivage Méditerranéen par le billet de la civilisation levantine, c'est-à-dire toutes ces populations de qui utilisaient le français comme langue de culture et d'expression. C'est pour cela que les Français parlaient d'une France du levant en 1914. Par ailleurs, les Britanniques étaient obsédés par le danger de voir la Russie marcher sur la route des Indes. La stratégie britannique a été donc d'avoir des pays tampons entre la Russie et eux ainsi la part française de Sykes-Picot exerce un tampon entre la Russie et l'Empire britannique.
Quels sont les enjeux territoriaux des Français et des Britanniques et sur quoi ont porté les négociations ?
Au départ, Français et Britanniques sont encore dans le cadre d'une pensée du 19v siècle. A la fin de la guerre, ils pensent pétrole. Les Anglais pensent aussi aux routes aériennes et voies maritimes. Dans l'entre deux-guerres pour l'Angleterre, le Proche-Orient n'était pas un territoire mais une série de réseaux.
Qui sont les gagnants, les perdants mais aussi les oubliés de cet accord ?
Il n'est pas vraiment question de gagnants et de perdants. Ce qu'il y a, c'est une formation étatique pluri-séculaire qui est l'Empire ottoman. Lequel disparaît comme d'ailleurs l'empire d'Autriche-Hongrie et une partie de l'empire Tsariste. Mais sur les ruines de ces empires, de nouveaux Etats émergent. La complexité de la situation entre 1916 et 1920 c'est que d'un côté, il y a des ambitions impériales; de l'autre, vous avez un mouvement de décolonisation et de séparation entre Arabes et Turcs.
Y a t-il une part de responsabilité des Etats coloniaux dans la fragilité des pays du Proche-Orient aujourd'hui ?
C'est la société arabe qui est fragile. D'un côté, vous avez une relation qui est très complexe entre l'intérieur et l'extérieur dans cette région du monde. Cela date de la fin du 18e siècle, se poursuit aujourd'hui et se poursuivra. C'est dû à des jeux d'ingérences, d'implications permanentes entre l'intérieur et l'extérieur, dans les deux sens. Le vrai problème pour les nouveaux Etats, c'est le degré de centralisation et le degré d'autonomie ainsi que le degré de répartition des pouvoirs entre les communautés confessionnelles. Ce sont des pays où il n'y a que des citoyens et pas de communauté politique. Il y a tout une série de réels problèmes. Après, les Anglais ont privilégiés les sunnites en Irak, c'est une évidence. Mais c'est parce que les sunnites étaient déjà associés au pouvoir à l'époque ottomane. Ils étaient les seuls qui avaient l'expérience de l'Etat et de la gestion. Les chiites, eux, étaient marginalisés en 1914. Ils n'avaient ni élite politique ni élite administrative.
Comment expliquez-vous que ces frontières autant décriées tiennent depuis 100 ans ?
C'est un discours idéologique. Il y a des revendications territoriales entre différents pays arabes mais il n y a pas de projet unitaire ou de fusion arabe.
Comment Daesh instrumentalise ces accords aujourd'hui ?
C'est de la propagande ! Dans les faits, toute la direction de Daesh est irakienne. Il n'y a pas un chef dans Daesh qui est Syrien. Cela veut dire que la différence entre la Syrie et l'Irak existe, y compris pour «l'Etat Islamique».
Redessiner les frontières, est-ce une option réelle au vu de la situation actuelle ?
Aujourd'hui, ce n'est plus Sykes-Picot mais Lausanne, avec la question kurde. Pour le reste, s'il y a des solutions politiques aux questions syriennes et irakiennes, il faudrait passer à des formules de centralisations autoritaires qui étaient celles des pays arabes au lendemain de l'indépendance, à des formes plus autonomes et plus fédérales avec les frontières héritées de la première guerre mondiale. À Vienne et à Genève, il est question du dossier syrien. Mais les discussions politiques se font toujours dans l'esprit d'une restauration syrienne, l'opposition syrienne est hostile à la question kurde. Il y a des forces russes, anglaises et françaises qui se battent actuellement au Moyen-Orient
Et la question palestinienne est oublié ?
Depuis 5 ans, je termine en disant je suis pessimiste sur la Syrie, sur l'Irak et sur la Palestine ✱


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.