Plus que la crise grecque, celle des réfugiés met en danger l'Union européenne. Berlin, après un élan de générosité qui l'a poussée à annoncer l'acceptation de 800.000 réfugiés, fait marche arrière, et remet en place le contrôle aux frontières avec l'Autriche. La Hongrie construit un mur et édicte de nouvelles lois, très sévères. Cinq pays refusent de prendre la moindre part dans l'accueil des réfugiés. Le couple francoallemand désire renforcer le contrôle aux frontières de l'Europe, c'est-à-dire en Grèce, en Italie et en Autriche. La crise sans précédent, à laquelle nous assistons, dévoile les contradictions de l'Union européenne. Les principes et le droit international sur les réfugiés n'ont pas résisté aux divergences politiques, aux conflits d'intérêt, l'Allemagne ayant besoin d'une main d'oeuvre formée et à moindre coût, mais aussi à la pression des courants d'extrême droite dans certains pays. Le plus inquiétant c'est que cette crise humanitaire, d'une ampleur exceptionnelle, paraît difficile à contenir. Il faut donc s'attaquer aux causes. Il faut bien évidemment faire le tri entre les migrants et les réfugiés qui fuient les massacres. Les seconds sont les plus nombreux actuellement. Ils proviennent d'Irak, de Syrie et du Soudan. Les Etats centraux dans ces 3 pays sont très fragilisés. La Lybie est devenue l'Eldorado des passeurs depuis l'éclatement de l'Etat. L'Occident en général et l'Europe en particulier ont leurs responsabilités dans cette anarchie. Le drame c'est qu'on ne voit pas le bout d'une issue possible. Les frappes contre Daech n'ont pas stoppé la progression de cette hydre barbare. Tous les spécialistes s'accordent sur la nécessité d'une intervention terrestre. Or ni les conditions politiques, ni la géostratégie régionale ne le permettent. La Russie et l'Iran doivent être associés à une vision globale, car la solution ne peut-être que mondiale. Cette solution présuppose une vision de l'avenir institutionnel des pays concernés, qui prenne en considération l'Histoire, les particularismes, les forces en présence. On l'a vu en Irak, ce manque de vision a abouti au chaos actuel. La situation est d'une terrible complexité et tant qu'elle durera, il y aura un afflux de réfugiés vers l'Europe, approfondissant les divisions à l'intérieur de chaque pays, et entre les pays de l'Union européenne. La problématique des migrants «économiques», y compris les victimes du réchauffement climatique, n'a qu'une seule solution viable, celle du co-développement. Des spécialistes sérieux, tel Jacques Attali, prévoient qu'il faudrait une enveloppe de 100 milliards d'euros par an pendant deux décennies, pour tarir le flux migratoire. Mais l'impact économique serait positif, parce que l'Afrique pourrait tirer la croissance européenne vers le haut. Cependant, l'Etat de santé des économies du vieux continent n'est pas réellement en faveur d'un programme d'une telle envergure. Pour l'Union européenne, cette crise se chevauche avec celle du Grexit qui avait déjà laissé apparaître des divisions sérieuses. Les dirigeants grecs ont été obligés d'accepter l'austérité pour éviter les faillites. Cette fois, c'est la libre circulation dans l'espace Schengen, principe fondateur de l'UE, qui est mise entre parenthèses. C'est tout simplement l'accord de Lisbonne qui reçoit un coup de canif. Les anti-Europe vont s'en donner à coeur joie et remettre l'euroscepticisme au goût du jour. Sauf que la construction européenne ne peut avancer qu'en allant vers plus de fédéralisme. Les peuples sont-ils prêts pour cela ? L'avenir nous le dira.