Au Maroc, plusieurs festivals, dans des concepts très différents, ont pu s'établir, assurer leur pérennité et devenir incontournables dans l'agenda culturel du pays. C'est une réussite importante qui prouve que le chantier de la culture n'est pas seulement un poste de dépenses. Mais cette logique comptable est trop étriquée, restrictive. La culture est une clé pour le développement à divers niveaux. Une vraie politique culturelle cimente le tissu social en promouvant à la fois le patrimoine commun et l'ouverture aux autres cultures. Ce rôle, elle le joue encore plus, dans le contexte de la mondialisation qui s'impose à tous. L'universalité ne doit pas signifier l'uniformisation. L'authenticité et la spécificité ne peuvent signifier le repli et l'identitarisme frileux. C'est par la culture que la transmission des valeurs et leur diffusion dans la société est la plus aisée, après l'école, bien sûr. Seuls les pays qui l'ont compris et ont adopté des politiques publiques, dans ce sens, ont pu réussir un développement économique harmonieux qui, tout en les inscrivant dans la mondialité, a préservé leur patrimoine et l'a enrichi d'autres affluents. Le Japon, la Corée et les pays nordiques en sont les meilleurs exemples. En France, Jean-Zay, ministre de l'Education et de la Culture du Front populaire (1936), vient de faire son entrée au Panthéon, il avait imposé la scolarité obligatoire jusqu'à 14 ans et créé la même année le festival de Cannes, comprenant le lien entre instruction et culture dès cette époque. L'action culturelle au Maroc a encore beaucoup de handicaps à lever. Le premier concerne les infrastructures. La majorité des villes du Maroc n'ont ni salles de cinéma, ni théâtres dignes de ce nom. Les maisons de la culture à destination des jeunes sont tout aussi rarissimes. Le soutien des pouvoirs publics au cinéma, au théâtre professionnel et à l'édition, trouve sa limite dans la rareté des espaces de diffusion. La culture ne peut pas être le parent pauvre des politiques publiques, juste parce que son impact n'est pas quantifiable. Nous en avons besoin dans la formation d'un citoyen, conscient de ses devoirs, porteur de valeurs et attaché au devenir collectif ; cela n'a pas de prix. La richesse de notre patrimoine l'atteste, la société marocaine a toujours été avide de connaissances, créative et ouverte à l'expression en toute liberté. C'est ce qui nous impose un engagement plus important en faveur de la culture parce que, ce besoin, grâce à Internet, peut être satisfait par des sphères productrices étrangères, qui ne sont pas nécessairement porteuses des mêmes valeurs. Sur le plan purement économique, la culture bien pensée, à condition d'y mettre les moyens, est un secteur rentable et créateur d'emplois stables de manière directe ou indirecte. L'impact des festivals sur le tourisme est avéré, sans discussion possible. Le cinéma emploie des centaines de techniciens, en sus des artistes ; les studios de Ouarzazate font travailler les artisans de la région durant toute l'année. La culture doit devenir une priorité parce qu'elle est la pierre angulaire de tout projet de développement qui met le citoyen au centre de ses préoccupations.