Combattre le terrorisme n'est pas une affaire de tout repos et ce n'est certainement pas le procureur général de l'Audiencia nationale espagnole (le Fiscal Jefe) qui me contredirait. Néanmoins lorsque la coopération internationale fonctionne bien, les choses peuvent aller beaucoup mieux. La rencontre avec M. Javier Zaragoza était une belle opportunité pour savoir comment l'Espagne, notre très proche voisin du Nord, agit pour lutter contre le terrorisme sans toutefois enfreindre les lois et les conventions internationales des Droits de l'Homme. L'entretien était aussi intéressant qu'amical, M . Zaragoza ne connaît pas la langue de bois. Mais pour arriver jusqu'à son bureau, il faut montrer patte blanche. La rue devant l'Audiencia nationale est fortement protégée par des policiers à la stature ferme mais au comportement très aimables. A l'intérieur, il faut passer le portique de détection de métaux, montrer le passeport et attendre que l'agent finisse de se renseigner. Même, une fois connu l'objet de la visite et la personnalité qui attend, on reste vigilant. A l'étage où se trouve le bureau de mon hôte, rien ne permet de mesurer l'intensité du travail qui se fait entre les murs. La salle de réception est accueillante, à l'image du patron des lieux. Malgré la situation un peu tendue à l'extérieur, nous sommes le lendemain de l'attaque terroriste contre le journal satirique français Charlie Hebdo, le procureur général affiche une mine décontractée. En vieux routier de la lutte anti terroriste, il sait certainement qu'il faut toujours garder son calme dans les moments les plus difficiles. La Justice ne doit pas être victime d'états d'âmes. Enfin, l'ambiance de l'entretien reflétait parfaitement les relations entre le Maroc et l'Espagne, notamment en matière de lutte anti terroriste. De part et d'autre du Détroit, on sait que le destin est commun. L'Observateur du Maroc et d'Afrique : L'Espagne a connu de grandes attaques terroristes, elle est actuellement toujours sous la menace. Comment la loi fonctionne avec ce phénomène ? Javier Zaragoza : En effet, l'Espagne a connu en 2004 l'un des plus grands attentats terroristes de son histoire avec environ 200 morts et près de 2.000 blessés. La réponse à cet acte terroriste était d'appliquer la loi, ainsi qu'on l'a fait avec d'autres phénomènes terroristes, en particulier l'ETA. L'Espagne a une grande expérience et une expertise inégalée dans la lutte anti-terroriste parce que nous avons souffert de différentes formes de terrorisme comme l'ETA, ou encore le GRAPO, les éléments radicaux indépendantistes et maintenant nous avons le plus inquiétant et le plus sérieux des phénomènes terroristes: le terrorisme international jihadiste. Nous menons nos investigations avec les armes que nous offre la législation mise en place bien avant pour contrer l'ETA. A ce titre, je suis assez fier que nous ayons réussi à identifier la cellule qui a commis l'attentat de 2004 (provenant du Maroc, parce que la plupart étaient des Marocains), nous les avons traduits en justice et nous les avons jugés en toute légalité. Etait-ce facile de les traduire en justice ? Ce n'était pas une tâche facile. Je pense que nous pouvons en être fiers pour deux raisons. La première est que l'enquête et le procès ont été possibles grâce aux lois déjà existantes. Il n'était pas nécessaire de modifier la législation, même après les attaques terroristes. Cela montre que les lois espagnoles étaient bien ficelées pour faire face au phénomène du terrorisme. La deuxième raison est que le système de justice espagnol a parfaitement fonctionné. La police a pu identifier les auteurs et les membres de la cellule en peu de temps. La justice était en mesure de juger avec transparence et rapidité, en toute légalité, en respectant les droits des accusés et des victimes ; et de prononcer une sentence par laquelle ont été condamnés la plupart de ceux qui ont fait l'objet de poursuites. Ce n'était pas facile à réaliser. Je ne sais pas si de nombreux pays ont réussi à faire la même chose : juger devant les tribunaux et condamner les responsables. Aux Etats-Unis, par exemple, dans les attentats du 11 septembre, personne n'a été traduit en justice ni jugé. Ils ont utilisé d'autres méthodes, mais pas le système de justice pénal, qui est, je pense, la clé de la réponse au terrorisme en toute légalité. Selon vous, l'expérience avec l'ETA a-t-elle servi pour faire face au jihadisme ? Oui, elle a servi, mais avec des nuances. Ce sont des phénomènes très différents, bien qu'ils aient une certaine similitude. Il est clair que le jihadisme est la principale menace à l'heure actuelle, non seulement pour l'Espagne mais pour les pays dans le monde entier. C'est un terrorisme globalisé très différent du terrorisme traditionnel. Cela n'a rien à voir avec l'ETA sur différents points. L'ETA est une ancienne organisation terroriste qui a presque cessé d'exister et très traditionnelle dans sa structure et son fonctionnement. Par contre, le terrorisme jihadiste est multiforme. Il s'adapte énormément au monde actuel avec l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication. C'est l'élément technologique qui a changé la vision du problème. C'est plus difficile de traiter le terrorisme international jihadiste. La réponse doit être préventive avec beaucoup plus d'anticipation. Pour cette raison, il faut créer des instruments juridiques pour anticiper la préparation d'actions terroristes. Ce n'est pas facile de nos jours d'obtenir des preuves à l'avance. Beaucoup d'imams sur Internet semblent pousser les gens à commettre des actes terroristes, mais ces imams ne sont pas poursuivis, pourquoi ? Parfois, l'origine de tout ce phénomène complexe qui est le jihadisme est la radicalisation qui est un comportement difficile à traiter pénalement. La radicalisation n'est pas criminelle. Dans une démocratie, avoir des pensées radicales par rapport aux valeurs de la société dans laquelle vous vivez n'est pas considéré comme un crime. Par conséquent, c'est un phénomène protégé par la liberté d'expression ou la liberté de penser. Parfois, les choses qui se disent ne sont pas clairement délictueuses. En Espagne, comme dans d'autres pays comme le Maroc qui disposent d'une loi pénale plus avancée en matière de terrorisme, l'endoctrinement et le recrutement des personnes sont sanctionnés et punis. La loi punit également la diffusion à travers les réseaux sociaux de slogans qui encouragent des actions terroristes ou favorisent les activités des organisations terroristes. Par exemple, des vidéos d'exécutions. Mais l'expression du radicalisme, qu'elle quelle soit, doit être très claire et doit inciter au terrorisme pour mériter une poursuite pénale. Parfois, ces imams se placent dans un terrain très ambigu rendant difícile l'utilisation des procédures pénales pour sévir. Bien sûr, quand ces messages haineux sont plus clairs, nous sévissons. Tout dépend du contexte et des circonstances dans lesquelles ces déclarations ou messages se produisent. Twitter et Facebook ne sont-ils pas responsables des idées qui se déversent dans leurs réseaux ? Quelle est votre opinion à ce sujet ? Twitter, Facebook et autres réseaux sociaux doivent être conscients que, sans leur coopération il n'est pas possible d'arrêter ou de freiner ce phénomène criminel qui s'élargit de manière incontrôlable. Vous pouvez poursuivre en justice l'auteur du contenu et fermer des sites qui font l'apologie du terrorisme. Je pense que nous devrions prendre des mesures pour veiller à ce que ces sites soient fermés et empêcher la transmission de ces slogans radicaux. Parfois le problème est plus grave, car les sièges de ces sites ne sont pas dans l'UE, mais aux Etats-Unis. Cela dépend des accords qui sont conclus avec ce pays. C'est très sensible, parce que dans tout ce qui concerne le terrorisme djihadiste, les démocraties internationales doivent utiliser le poids de la loi. Donc, qu'est ce qui peut être fait à partir des tribunaux afin d'endiguer ce phénomène djihadiste ? Ce terrorisme international a différents visages, différents moules et formes. On peut avoir des éléments individuels comme ceux qui ont agi en France ou des groupuscules autonomes dans chaque pays, qui sont endoctrinés et préparés. On peut également avoir de réelles organisations terroristes très mobiles dans des camps d'entraînement. Et nous avons des organisations terroristes réelles avec des régiments tels que l'Etat islamique ou Al-Qaïda. C'est un terrorisme différent pour lequel la réponse ne peut pas être juste une réponse judiciaire. La police peut arrêter et la justice peut juger avec tous les instruments juridiques à notre disposition pour des crimes d'une organisation terroriste. Mais il y a d'autres aspects qui doivent être pris en considération. C'est un problème social, politique, éducatif …ces personnes qui sont attirées par la doctrine du djihad violent. Ce n'est pas du jihad pour l'islam. Le jihad en islam est l'amélioration, l'effort et la coexistence. Mais les interprétations radicales attirent de plus en plus les jeunes qui sont au chômage, qui sont dans des ghettos où ils se sentent marginalisés… Il y a un terrain fertile et c'est notre devoir aussi de rectifier certaines choses. A partir de cette analyse exhaustive, nous pouvons offrir des solutions globales au terrorisme qui est mondial. Pensez-vous que les juges devraient avoir une formation spéciale pour lutter contre le terrorisme ? Je pense que les juges doivent être formés et doivent se spécialiser dans les enquêtes et la poursuite du terrorisme international parce que la formation est nécessaire étant donné les caractéristiques du phénomène criminel auquel nous sommes confrontés. Il est important que les juges sachent comment obtenir les preuves, les moyens nécessaires pour être plus efficaces dans les investigations. Vous devez connaître les profils des terroristes, comment ils agissent, comment ils se rapprochent les uns des autres, dans quel contexte ils vivent, comment interpréter leurs conversations. Il y a beaucoup d'actions qui sont menées contre le terrorisme dans l'Union, il doit y a avoir une meilleure collaboration et coordination et on doit également tout transmettre aux juges pour qu'ils se spécialisent dans les enquêtes sur ce phénomène. Il est également important que les juges sachent utiliser les nouvelles technologies. À l'heure actuelle, 90% de l'activité terroriste a lieu via Internet et les réseaux sociaux. Le recrutement, l'endoctrinement, la logistique, le financement, la publicité, la formation et même des actions terroristes se préparent principalement via Internet. C'est un nouveau monde complètement différent de celui des organisations terroristes traditionnelles à travers le monde. La police s'est bien évidemment spécialisée. Tout le monde devrait le faire, la justice serait également plus efficace pour aborder les enquêtes et les poursuites de ce phénomène. Mais il doit y avoir, certainement, une organisation spéciale pour faire face de manière efficace au phénomène ? En Espagne, nous avons l'avantage que tous les cas de terrorisme soient concentrés dans un seul corps, qui est l'«Audience Nationale» où il y a quelques juges et procureurs qui, au fil des ans, se sont spécialisés dans l'enquête et la poursuite du terrorisme. Il est important de tout concentrer sur quelques institutions et quelques fonctionnaires, cela donne une plus grande assurance et une efficacité dans la résolution de ces problèmes. En ce qui concerne les récentes attaques contre la France, un ancien ministre de l'Intérieur français, Charles Pasqua, a déclaré que ces attaques n'auraient pas été possibles s'il y avait une coopération sécuritaire entre le Maroc et la France. Qu'est ce que vous en pensez ? Je ne peux pas faire de commentaire politique sur un sujet aussi délicat que celui de la relation entre le Maroc et la France. Je sais qu'il y a actuellement une certaine distance entre ces deux pays dans la collaboration policière et juridique, pour des raisons que je ne vais pas débattre. Les personnes qui ont commis cette attaque sont nées en France et elles sont issues de la deuxième ou troisième génération. Je ne sais pas si le Maroc était ou n'était pas en mesure de donner des informations sur la possibilité d'un tel attentat terroriste. Dans tous les cas, ces déclarations attestent de l'importance de la coopération internationale pour combattre le terrorisme. Je suis très clair sur la coopération internationale qui est absolument essentielle. Si nous sommes confrontés à un terrorisme mondial, la réponse doit être globale. Un des piliers de la riposte mondiale est la coopération judiciaire et policière entre les différents Etats impliqués dans la lutte contre le terrorisme. La France, l'Espagne et le Maroc sont des pays qui sont fortement impliqués dans cette question parce qu'ils ont une base démographique au sein de leur population d'origine musulmane, qui peuvent être, du jour au lendemain, des candidats potentiels au jihadisme, pour de nombreuses raisons. Entre autre, les profils de certaines personnes, qui les rend facilement influençables, pour intégrer des cellules, attaquer des individus ou pour accéder à des camps d'entraînement en Syrie ou au Sahel formant de potentiels terroristes. Je crois que la coopération internationale est essentielle et la coopération marocaine encore plus. La coopération entre le Maroc, la France et l'Espagne doit fonctionner parfaitement parce que sinon, on laisse le terrain libre aux différentes bases actives pour perpétrer leurs attaques terroristes et ces attaques resteront impunies. Comment voyez-vous la relation entre de l'Espagne et le Maroc ? La relation entre l'Espagne et le Maroc est exceptionnelle. Je pense que toutes les opérations de lutte contre le terrorisme qui ont été réalisées ces derniers mois en Espagne et au Maroc étaient conjointes entre les polices marocaines et espagnoles. Le rapport des autorités judiciaires entre le Maroc et l'Espagne est très bon. J'ai eu récemment des entretiens avec Hassan Daki (Procureur général à la Cour d'Appel de Rabat. NDR) au Maroc. De même, il y a deux ou trois mois, se sont réunis à Cordoue les procureurs responsables de la lutte contre le terrorisme, groupe quadripartite composé de la Belgique, la France, le Maroc et l'Espagne. Nous avons partagé nos expériences, notre vision du problème et les mesures juridiques qui devraient être mises en oeuvre pour être efficaces contre le terrorisme jihadiste. L'Espagne et le Maroc sont un exemple de la façon dont les relations devraient être. Il y a un degré de collaboration nécessaire et l'absence de cette dernière pourrait laisser la porte ouverte à de nombreuses autres attaques terroristes dans l'un ou l'autre de ces pays. Pour ce qui est de la relation du Maroc avec la France, l'Espagne tente de jeter un petit pont entre ces deux afin qu'ils puissent reconstruire cette coopération au moins pour faire face à ce phénomène terroriste. Comment la législation espagnole qualifie-t-elle un acte terroriste ? En Espagne, les actes de terrorisme sont classés selon deux éléments. Premièrement, l'objectif final. L'acte doit être accompli à une fin particulière : celle de renverser l'ordre constitutionnel ou troubler gravement l'ordre public. Autrement dit, toute activité visant à attaquer les fondements de la société dans laquelle nous vivons. Deuxièmement, l'organisation. C'est quand l'infraction est commise par une structure dotée d'une organisation, une entité créée pour commettre des actes à cet effet. Toutefois, il y a aussi des terroristes isolés qui sont inclus dans la catégorie des terroristes commettant des actes criminels. Le terrorisme en Espagne s'identifie avec les objectifs poursuivis et les crimes commis (des meurtres, placeurs de bombes dans les voitures, les menaces, les enlèvements, les dommages, le vol …). Tout ce qui est fait dans le cadre d'une organisation ou groupe terroriste ou d'une personne pouvant attaquer les bases de la société est considéré comme terrorisme. Il semble néanmoins que le Justice soit quand même plus ou moins serrée dans ses actions. La doctrine Parot, par exemple a été mise en veille. Comment un juriste anti-terroriste perçoit-il cette situation ? La doctrine Parot permet depuis 2006 à la justice espagnole de prolonger jusqu'à la durée maximale la détention de plusieurs dizaines de prisonniers, principalement des militants du groupe basque armé ETA. Ceci a affecté environ 70 ou 80 prisonniers de cette organisation terroriste. Peut-être qu'elle a eu une incidence sur les terroristes liés au 11 mars, mais cela est beaucoup plus discutable parce que la doctrine Parot est appliquée, en particulier, à ceux qui ont été condamnés en vertu de l'ancien code criminel (anté- rieur à 1995). Cela a abouti à la libération de nombreux prisonniers de l'ETA. La Cour des droits de l'Homme de l'Union européenne a rendu, en 2013, une décision dans le cas d'Inés del Río contre l'Espagne qui a dit que la doctrine Parot avait violé le principe de sécurité juridique et la non-rétroactivité des interprétations judiciaires. Dans ce cas, c'est une décision de justice qui vient de la Cour européenne des droits de l'Homme et nous n'avions pas d'autre choix que de la respecter et de nous y conformer. En outre, cela a abouti à une réaction d'opposition de la part des victimes. Je crois que lorsque nous vivons dans un monde où il faut respecter les principes fondamentaux d'un Etat démocratique, intégré à l'espace européen, il est clair qu'au même titre du respect des décisions de juridictions nationales, il faut respecter ceux des tribunaux internationaux. Par conséquent, la justice espagnole n'avait pas d'autre choix que de se conformer à cette décision et de mettre fin à la doctrine Parot. En outre, la doctrine Parot avait atteint ses objectifs parce que tous ceux qui allaient être libérés ont accompli le rallongement de leur peine et l'ETA avait cessé ses activités terroristes. La libération a eu lieu dans un moment beaucoup moins dangereux. Mais, il est vrai cependant que certains pays de l'UE ont décidé de ne pas appliquer la decision de la Cour européenne. C'est la responsabilité de chacun des gouvernements de se conformer à l'Union européenne. En effet, dans certains pays et dans certains cas, ils ont décidé de ne pas se conformer aux décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme. Dans le cas espagnol, le gouvernement n'a pas soulevé cette possibilité, les tribunaux espagnols n'ont pas ce pouvoir et ont dû se conformer à cette décision. Malgré la décision de l'Union européenne, comment l'Espagne gére-t-elle la question des droits de l'Homme des terroristes? La police espagnole et la Justice respectent les droits de l'Homme des détenus, des suspects … Les décisions policières et judiciaires tiennent compte de l'esprit de la loi, en respectant les droits des citoyens, y compris les détenus. L'essence de la démocratie n'est pas incompatible avec l'efficacité de la lutte contre le terrorisme. Nous devons respecter les droits des citoyens et être efficaces dans la répression du crime parce que c'est le garant de notre liberté et de notre sécurité. Il y a quatre principes de base à respecter: le principe de l'égalité, la protection judiciaire (le juge contrôle l'intervention des détenus), la présomption d'innocence (on n'est pas coupable jusqu'à preuve du contraire dans un procès criminel) et le droit de la défense. Si nous pouvons respecter ces quatre principes, les droits de l'Homme sont garantis. S'il y avait des plaintes de mauvais traitements ou de torture, elles seront également étudiées. Un tribunal étudiera le cas pour voir si c'est vrai ou non, car il y a des allégations qui tentent de décrédibiliser les recherches et les preuves qui ont été intégrées dans le processus. Les juges sont là pour garantir le respect des droits de l'Homme. Les enquêtes policières de terrorisme commencent toujours sous la tutelle d'un juge. L'intervention des juges et des procureurs depuis le début garantit le principe de l'égalité des citoyens devant la loi. La démocratie doit appliquer les lois dans le strict respect des droits de l'Homme en appliquant des sanctions exemplaires contre ceux qui n'obéissent pas aux lois. L'Espagne devrait-elle appliquer la peine de mort à l'encontre des terroristes ? La peine de mort est interdite par la Constitution espagnole. Elle est appliquée, à titre exceptionnel en période de guerre. Je crois que la peine de mort ne permet pas de diminuer le problème du terrorisme auquel nous sommes confrontés. Je ne pense pas que les choses vont s'améliorer. La chose importante est de purger la totalité de la peine dans les prisons. À l'heure actuelle, la période maximale prévue dans le droit pénal espagnol pour des infractions terroristes est de 40 ans. 40 années, c'est comme une condamnation à perpétuité. Une personne arrive à l'âge de 20 ans en prison et sort à 60 ans. Il y a aussi un aspect dangereux, les terroristes peuvent utiliser les prisons pour former d'autres terroristes ? Bien qu'actuellement, la plupart des processus de radicalisation se produisent à travers les réseaux sociaux, il est vrai qu'il y a eu d'autres endroits où a été cultivé l'endoctrinement des individus jihadistes, notamment les mosquées et les prisons. Les prisonniers jihadistes ont tenté d'étendre cet endoctrinement à d'autres personnes d'origine musulmane qui étaient avec eux en prison. En règle générale, ce sont des criminels de droit commun qui ont subi un processus de transformation idéologique en prison parce qu'une interprétation extrémiste du Coran leur a été faite par quelqu'un. Pour ce faire, dans le système pénitentiaire espagnol, un mécanisme de dispersion des prisonniers est mis en oeuvre. Ainsi, ceux qui peuvent être considérés comme des leaders spirituels susceptibles de former les jihadistes sont dispersés dans différentes prisons espagnoles. La même chose a été faite avec les prisonniers de l'ETA afin de rompre la discipline et la cohésion interne. En outre, il y a des contrôles spéciaux pour eux au sein de ces prisons. Qu'est ce qui peut motiver un terroriste sachant qu'il fait face à une peine de 40 ans de prison ? Je pense qu'il ne réfléchit pas aux conséquences pénales qui peuvent lui être imposées s'il est arrêté, jugé et condamné. Il a un raisonnement différent, fanatique, extrémiste et radical, dans lequel il se sent important. Il est certainement n'importe qui dans le cercle où il vit, mais en faisant partie d'un groupe terroriste, il se sent important. Ces personnes sont très influençables, leur niveau intellectuel est faible et leurs conditions économiques sont mauvaises … En fait, ils voient tout cela comme une échappatoire. Quel est selon vous l'élément clé de la lutte contre le terrorisme ? Je tiens à souligner que l'élément clé du terrorisme est la coopération internationale. Le Maroc et l'Espagne sont une référence dans ce domaine. Vous ne pouvez pas donner une réponse locale à un phénomène international, elle doit être globale ✱