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Des vieux et des chaises
Publié dans L'observateur du Maroc le 22 - 02 - 2010


C’est l’un des grands évènements culturels de ce début d’année au Maroc. La présence de la Comédie-Française, initiée par le très dynamique Institut français de Méknès, fera plus d’un heureux, près de dix ans après sa dernière venue. La prestigieuse institution mettra en scène «Les Chaises», pièce écrite en 1951 par Eugène Ionesco, «toléré» par la Comédie en février 1966. Une écriture nouvelle, celle du théâtre dit d’avant-garde, longtemps décrié par les puristes. La pièce puise son essence dans le rêve. Le couple de vieillards qui reçoit des invités invisibles, des voix qui justifient leur présence, des chaises, encore des chaises. L’orateur, lui, finit par devenir muet. Point de message sensé émaner de ces drôles d’invités. C’est toute la complexité de l’œuvre. Quant au vieux, condamné pendant toute son existence à la solitude, il patauge dans le néant. C’est aussi l’ossature de la pièce, moulé dans le fantastique de l’époque, loin de toute logique. L’absurde comme fil conducteur, cette manière de narrer, chère à Ionesco. Et ce sont les mêmes thèmes qui se répètent. Autour du drame bourgeois, dans le sens tragique. Une dramaturgie «torturée» et combien critique. La pièce débouche sur un vide intégral, le silence de la mort. Même cette fin est teintée de solitude, celle de la mort bien entendu, et de l’individualité. Les vieux gagnent chacun une fenêtre pour le saut fatal. Résultat d’une angoisse réelle longtemps contenue, d’un rêve qui tourne continuellement au cauchemar. Ionesco a un langage unique. Et il met beaucoup de temps à l’imposer. Vilipendé par la critique, il n’est, à ses débuts, soutenu que par un maigre public qui le suit dans de petites salles. Jusqu’à son inscription à la Comédie-Française grâce à «La Soif et la faim».

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