Crise économique ou pas, l'accroissement des dépenses alimentaires des ménages pendant le Ramadan est une tendance lourde, analyse Abbas Bendali. Le directeur du cabinet de marketing spécialisé Solis évalue à 30% la hausse du poids du caddie moyen durant la période du mois sacré. À observer tout ce monde qui se bouscule entre les rayons des supermarchés et devant les caisses des grandes surfaces, on se laisse persuader qu'un véritable boom de la consommation se produit le long d'un mois censé être de l'abstinence. Une vérité confirmée par le HCP. Cette institution avance que les dépenses alimentaires sont au cours du mois du Ramadan les plus élevées de l'année. Dans une étude effectuée en 2011, le Haut-Commissariat montre que les dépenses alimentaires au niveau national enregistrent au cours du mois sacré une hausse qui dépasse 18%. Autre indicateur révélateur : plus de 70% des dépenses sont enregistrées pendant les 10 premiers jours du mois sacré. La grande bouffe Une tournée dans les marchés permet de relever que les dépenses les plus élevées concernent les fruits, les produits laitiers, les jus, les légumes frais, les viandes et la volaille. Le recoupement de différentes statistiques recueillies auprès de professionnels montre que les Marocains consomment par exemple 2 millions de litres de lait frais pasteurisé par jour. La consommation augmente de 60% par rapport à un mois normal et celle d'UHT, de 50%. Pour les aliments à base de farine, on parle même d'une évolution de 150% de la consommation. La tendance est encore plus significative pour ce qui est des poissons frais et d'autres genres de conserves : thon, sardines… Ces produits montent en flèche dans la liste des achats du marocain avec une évolution de plus de 250%. Malgré cette boulimie momentanée, le Maroc ne risque pas de connaître une quelconque pénurie. Il y a moins de deux semaines, le ministre en charge des Affaires générales, Mohamed El Ouafa, avait tenu des propos rassurants en notant que l'offre prévue dépasserait de loin la demande en dépit d'une hausse de la consommation durant ce mois qui coïncide avec le mois de juillet. Selon les prévisions officielles, la demande en sucre devrait atteindre, au cours du mois de Ramadan, 98.400 tonnes, pour une offre estimée à 419.782 t. Pour ce qui est des dattes, l'offre est estimée à 34.000 t, tandis que la demande se situerait à 18.000 t. Concernant les tomates en conserve, 15.000 t seraient disponibles pour une demande de 4.000. Le gouvernement a même annoncé avoir pris une batterie de mesures douanières qui favoriseraient l'importation de produits de grande consommation en vue de couvrir les besoins du marché. Et dire qu'on manque de devises ! Pour sa part, la Direction de l'Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) a renforcé le contrôle des produits alimentaires. L'objectif est de s'assurer de la qualité sanitaire des produits alimentaires et de retirer du circuit de commercialisation les produits impropres à la consommation humaine ou douteux pour une meilleure sécurité des consommateurs. Et c'est reparti pour la fièvre des prix Le pic de la consommation enregistré durant le mois sacré engendre systématiquement la hausse des prix de nombreux produits. Si les prix de la farine, de l'huile et du sucre sont contenus car compensés, ceux des fruits, des légumes et des viandes flambent. Epices, féculents, dattes et beurre sont proposés à des prix jusqu'à 3 fois plus élevés que d'habitude. Le surcoût dépasse parfois 20% sur certains produits. En faisant un tour dans le marché, on s'aperçoit que le prix du pot de miel, des épices et des amandes est en hausse. Celui des dattes se retrouve à 30 DH/kg, contre 20 DH seulement quelques jours auparavant. L'oeuf est vendu à 1 DH, contre 0,90 DH il y a quelques semaines. Le poisson n'est pas en reste. La sardine est vendue à 30 dirhams le kilo tandis que le merlan se vend entre 85 et 95 DH/kg, au marché Badr de Casablanca, soit presque le double du prix habituel. Certains n'hésitent pas à expliquer cette fièvre des prix, devenue habituelle pendant le Ramadan, en se focalisant sur la loi de l'offre et de la demande. De leur côté, les petits commerçants pointent du doigt les grossistes et leurs tarifs agressifs alors que ces derniers se défaussent en dénonçant la spéculation qui fait rage sur les marchés des denrées alimentaires. Chaque année, on dénonce, en vain, ces spéculateurs qui recourent à des stockages illégaux, pour pouvoir, par la suite, contrôler les prix. Pourtant, cette année encore, le gouvernement a tenu à rassurer les citoyens en annonçant que les prix « ne subiront aucun changement et pourront même baisser », notamment pour les tomates, l'oignon, les agrumes et les viandes. Sauf que la réalité sur le terrain est tout autre ❚