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« La pollution nous coûte 350.000 emplois »
Publié dans L'observateur du Maroc le 28 - 05 - 2014


L'Observateur du Maroc.
Comment votre département procède-t-il pour traiter la problématique des déchets domestiques et industriels?
HAKIMA EL HAITE.
Pour ne prendre que le cas de Casablanca, nous travaillons en étroite collaboration avec la wilaya, le ministère de l'Intérieur, la mairie et les différents départements concernés sur un grand projet de valorisation et de recyclage des déchets domestiques du Grand Casablanca. Un projet national ambitieux qui sera lancé dans un premier temps à partir de la capitale économique et généralisé par la suite. Du côté des industriels, nous avons déjà bouclé un partenariat avec les cimentiers et nous essayons sans relâche de mobiliser les entreprises marocaines pour prendre part à cette opération de dépollution. A l'instar de la convention de recyclage des batteries de voitures scellée avec trois entreprises nationales, nous allons entreprendre la même démarche concernant le plastique. Ainsi la bouteille d'1 litre sera récupérée au prix de 0,05 centimes par les producteurs. Cette opération de recyclage va générer 150 millions de dirhams qui serviront à subvenir aux besoins de 25.000 familles vivant actuellement de la fouille des poubelles et des décharges publiques et de la collecte de déchets récupérables. Ces travailleurs verront ainsi leurs conditions de vie et de travail améliorées. Ils seront intégrés dans le secteur formel à travers des coopératives professionnelles.
Quelle sera leur mission ?
Leur mission sera de collecter le plastique «aux sources » et non pas dans les décharges afin de pouvoir le recycler plus facilement une fois remonté aux usines. Cette économie circulaire basée sur la récupération et le recyclage nous permet de créer de l'emploi, de préserver l'environnement, de garder la ville propre et de protéger la santé des citoyens. Il faut savoir que le plastique contaminé ou mal recyclé est très nocif pour les êtres humains et pour leur santé. Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.
Le recyclage n'est pas l'affaire des industriels seulement mais c'est également celle des citoyens. Comment comptez-vous impliquer ces derniers ? C'est pour quand les poubelles séparées ?
On n'est pas prêt actuellement pour les poubelles séparées. Et ce n'est pas à cause du manque d'engagement ou de conscience des citoyens marocains. Contrairement à ce que l'on peut croire, ces derniers, s'adaptent rapidement aux nouvelles réglementations. Le problème principal bloquant ce genre d'initiatives se présente au niveau de nos collectivités locales. Ces dernières n'ont pas, pour le moment, les moyens d'instaurer le système du tri domestique nécessitant quatre poubelles distinctes. Toutefois, nous comptons démarrer cette expérience à Casablanca en commençant par deux poubelles. Ceci dans des quartiers au fort potentiel de recyclage : hôtels, restaurants, résidences fermées... La première poubelle contiendra les matières organiques et la deuxième les non organiques, c'est-à-dire le carton, le plastique, le verre, l'aluminium... Pour les quartiers populaires, nous avons opté pour un autre concept : On reviendra aux bonnes vieilles habitudes à travers « Moul lwani » ou « Moul lbali ». Cette méthode de troque de « déchets » récupérables contre des objets et ustensiles domestiques, permettra aux chiffonniers de gagner leur vie et de pratiquer leur activité dans des conditions meilleures. Cela avec un statut socio-économique organisé avec tous les équipements nécessaires pour l'accomplissement de leur tâche dans la dignité.
Un projet de loi est-il prévu concernant la dépollution industrielle ?
Absolument ! Vous allez en entendre parler très prochainement. Ce sont les normes de rejets indirects que l'on va essayer de faire passer au parlement. Il faut rappeler qu'auparavant à chaque fois qu'on voulait présenter ces normes, il y avait une grande réticence de la part des industriels. Ces derniers croient à tort que l'investissement dans la dépollution augmente leur coût de production et par conséquent réduit leur compétitivité sur le marché. Mais nous sommes décidés, dans les mois à venir, nous allons présenter ce projet de loi et le défendre. L'environnement est l'affaire de tout le monde. Il constitue également un enjeu de compétitivité nationale, de développement économique et social.
A combien évaluez-vous le coût de la non dépollution dans notre pays ?
Il y a quelques années, une étude menée par le ministère et la Banque mondiale a démontré que ce coût est lourd et s'élève à 8% du PIB. Cette même étude a été mise à jour récemment et il en ressort que la pollution nous coûte 3,7% du PIB. Pour traduire ces chiffres autrement : Ce sont 350.000 emplois perdus à cause de la pollution. Et c'est justement pour récupérer ces lourdes pertes qu'une stratégie nationale a été élaborée afin de générer 500.000 emplois. La pollution a un coût cher que seule l'élaboration de politiques publiques intégrées peut réduire. Il ne faut pas oublier ce lien de cause à effet entre une maladie touchant un citoyen, une décharge publique non traitée et une vache ou un mouton venant brouter dedans pour être consommé par la suite par ce même citoyen. Le recyclage et la récupération sont notre seul moyen de limiter les pertes causées par la pollution que ça soit en termes financiers, sanitaires ou économiques ❚
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