L'Observateur du Maroc et d'Afrique : Dans quel contexte s'inscrit l'organisation de ce 7ème congrès international de cancérologie génito-urinaire à Fès ? Quel est l'intérêt d'un tel événement ? Pr Nawfel Mellas : L'organisation de la 7ème édition du Congrès international de cancérologie génito-urinaire de Fès s'inscrit dans le contexte de continuité et de leadership de l'association Chifae pour la prévention et la recherche sur le cancer. Cette septième édition confirme la place qu'occupe ce congrès à l'échelle internationale dans le domaine d'oncologie génito-urinaire. L'événement va réunir les meilleurs experts internationaux dans ce domaine. Des experts de renommée qui vont venir à Fès pour partager leur expertise et leur savoir-faire avec les praticiens, les oncologues, les urologues, les radiothérapeutes, les pathologistes et les autres spécialistes. Une opportunité pour une formation médicale continue de qualité, pour nouer des partenariats et sceller des collaborations mais aussi pour lancer des projets de recherche. Une belle occasion qui va permettre d'ouvrir plusieurs perspectives d'évolution à la cancérologie génito-urinaire marocaine. Comment se développe l'incidence du cancer en général au Maroc ? Les chiffres seront-ils réellement en train d'exploser ? On peut dire que l'incidence du cancer au Maroc est, malheureusement, en perpétuelle augmentation. Les dernières données épidémiologiques de l'OMS parlent de plus de 60.000 nouveaux cas de cancer enregistrés chaque année au Maroc. Ceci est confirmé par le Registre des cancers de la région du Grand Casablanca. Selon ces données, on peut dire que l'incidence des cancers augmente aussi bien que la prévalence qui enregistrera une augmentation plus importante dans les cinq années à venir. On peut ainsi dire que malheureusement, l'incidence des cancers explose au Maroc. Comment le cancer se distribue-t-il géographiquement au Maroc? Des zones seraient-elles plus touchées ou plus prédisposées ? Malheureusement, on n'a pas de registres régionaux et nationaux pour pouvoir répondre à cette question de façon précise et établir une carte de la répartition géographique des cancers au Maroc. Ceci dit d'après les registres hospitaliers, à partir des publications nationales, on peut toutefois dire que pratiquement toutes les régions du Maroc connaissent une augmentation des cas incidents. Il faut noter également que la prévalence dans les cinq années à venir reste alarmante. De façon globale, ça concerne toutes les régions du Maroc. Pour certains types de cancers le facteur héréditaire reste prédominant comme c'est le cas du cancer du sein ou le cancer de l'ovaire ou certains cancers digestifs. Quels sont les cancers les plus prédominants chez les femmes et chez les hommes? Quels sont les cancers les plus mortels ? Pour les hommes, le cancer du poumon est le cancer le plus fréquent avec près de 25% de l'ensemble des cancers chez l'homme, suivi du cancer de la prostate qui représente 14% de l'ensemble des cancers. Le cancer de la prostate reste le premier cancer génito-urinaire chez l'homme, avec à peu près 5.000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année au Maroc. Si on procède par tranches d'âge, le cancer de la prostate touche essentiellement les sujets âgés, au-delà de 65 ans. Pour la femme, c'est de loin le cancer du sein qui est le plus fréquent, avec actuellement 12.000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année. Ce qui le place à la tête des cancers chez la femme au Maroc avec près de 40% des cancers de la femme. Un véritable problème de santé publique par ailleurs. Le cancer le plus mortel reste de loin le celui du poumon. C'est la première cause du décès par cancer au Maroc avec près de 6.500 décès annuellement. Le cancer reste toujours perçu comme une maladie incurable... A quel point cette croyance est-elle fausse ? Le cancer est toujours perçu comme une maladie incurable. Malheureusement cette perception persiste toujours dans notre société. Mais il faut savoir que le développement des armes et des moyens thérapeutiques, le développement de nouvelles molécules, de nouvelles approches thérapeutiques, l'innovation thérapeutique en termes de chirurgie, de radiothérapie et du traitement médical tout ça a permis de transformer plusieurs types de cancers, qui étaient mortels, en de véritables maladies chroniques. L'exemple des cancers génito-urinaires est éloquent. Si l'on considère le cancer de la prostate qui est le plus fréquent chez l'homme âgé au Maroc et le deuxième cancer chez l'homme de façon générale, cette maladie a largement bénéficié de ces avancées thérapeutiques majeures. Si le cancer est dépisté à un stade précoce, les traitements permettent carrément de « guérir ». Le patient peut vivre de façon strictement normale. Mais ce qui est encore plus intéressant, c'est même si le cancer de la prostate survient à des stades tardifs ou ce qu'on appelle des stades métastatiques, grâce à ces nouvelles thérapies et aux traitements médicaux ciblés, on peut transformer ce cancer d'une maladie mortelle en une véritable maladie chronique. Actuellement, les patients touchés par un cancer de la prostate métastatique et qui sont sous traitement médical, peuvent survivre une dizaine d'années avec une vie strictement normale. Les avancées thérapeutiques sont majeures, on ne peut donc pas généraliser cette perception. Le dépistage du cancer de la prostate est également fondamental. Il est d'une importance capitale pour justement prévenir les complications et prévenir l'arrivée à des stades tardifs. Comment la prévention et le diagnostic précoce peuvent-ils sauver des vies ? Pour prévenir les cancers de façon générale, il faut avoir une hygiène de vie saine, avec une alimentation équilibrée, boire beaucoup d'eau, garder un poids idéal, pratiquer du sport, éviter le stress... Adopter un « bon » mode de vie est très important pour la prévention générale. Maintenant, si on parle du cancer de la prostate, on a ce qu'on appelle un test de dépistage qui est un test clé par le PSA, c'est l'antigène spécifique de la prostate, qui est un simple test sanguin qui va nous permettre de détecter un marqueur dans le sang. Ce dépistage doit se faire à partir de l'âge de 55 ans de façon annuelle. Donc ce test nous permet de diagnostiquer les cancers à des stades très précoces, de les traiter à temps, de guérir le patient de façon définitive et d'épargner des vies. * Cet entretien a été réalisé à la veille de la tenue du Congrès international de cancérologie génito-urinaire tient dont la 7ème édition est prévue à Fès les 31 janvier et 1er février 2025. Le premier réseau africain d'onco-urologie verra le jour lots de cette évènement qui mettre en lumière les avancées majeures et les nouvelles techniques thérapeutiques du cancer. LIRE AUSSI Médicaments. Les grandes lignes du plan anti-pénurie Lors de son intervention ce lundi à la chambre des représentants, le ministre de la santé, Amine Tahraoui, a mis l'accent sur l'importance cruciale du renforcement du stock stratégique de médicaments pour assurer la souveraineté...