L'Observateur du Maroc et d'Afrique : Où en est le projet du gazoduc Maroc-Nigéria aujourd'hui ? Amina Benkhadra : Le projet du gazoduc a franchi des étapes décisives. Tout d'abord, l'étude d'ingénierie détaillée a été finalisée en mars 2024. Les études d'impact environnemental (en mer et sur terre), lancées depuis plus d'un an, se poursuivent pour le tronçon nord entre le Maroc et le Sénégal, tandis qu'elles démarreront bientôt dans la partie sud, à partir du Nigeria. Ces études sont essentielles, notamment pour répondre aux exigences des institutions financières internationales et garantir les conditions de financement. Un autre progrès majeur concerne l'accord intergouvernemental. Finalisé en novembre dernier à Abuja, ce traité rassemble les pays traversés ainsi que la CEDEAO, témoignant de leur engagement collectif dans ce projet stratégique. Parallèlement, les CPAS nécessaires aux appels d'offres pour plusieurs modules du gazoduc sont en cours de finalisation. Enfin, nous préparons les études de financement avec le soutien de conseillers juridiques et financiers. Ce projet ambitieux avance avec détermination et vise à réunir toutes les conditions pour sa réalisation. Ce projet sera financé selon le modèle du project finance, avec l'ouverture à l'ensemble des partenaires financiers. Cela inclut d'abord les pays hôtes tels que le Maroc et le Nigeria, les fonds souverains, ainsi que les institutions financières bilatérales et multilatérales, et les grandes compagnies. Ainsi, ce projet est conçu pour intégrer des partenariats public-privé, afin d'améliorer les conditions de financement et garantir sa viabilité à long terme. Quel sera l'impact de ce projet sur l'intégration africaine ? Le projet de gazoduc Maroc-Nigéria représente un levier stratégique pour l'intégration africaine et le développement économique de la sous-région. Grâce à la vision, portée par Sa Majesté et le président nigérian, il servira non seulement à renforcer la production d'énergie électrique mais aussi à stimuler le développement industriel, le secteur minier et l'agriculture. Ce projet jouera ainsi un rôle crucial dans la création de richesse et d'emplois pour les populations africaines, tout en renforçant l'intégration régionale et la coopération entre les 13 pays le long de la façade atlantique et les trois pays à l'Est du Sahel. La finalisation des études environnementales et d'ingénierie et la mise en place des conditions de financement seront les prochaines étapes clés pour avancer vers la réalisation de ce projet stratégique. Quels sont les défis financiers et techniques liés à l'avancement de ce projet ? Le projet rencontre de nombreux défis financiers et techniques. Le premier défi majeur est le nombre de pays impliqués : avec 13 nations et trois pays enclavés, il a été essentiel de réunir toutes les parties autour de la table et d'obtenir leur adhésion, ce qui a été soutenu par l'appui de la CEDEAO. Depuis le début, la CEDEAO a été intégrée dans toutes les étapes d'étude, facilitant ainsi la collaboration et l'engagement des autres pays. Les relations bilatérales et le travail en synergie avec la CEDEAO ont permis de finaliser des documents clés tels que l'accord intergouvernemental (IGA) et l'accord de pays hôtes. En termes de défis techniques, la taille du projet est considérable, couvrant plus de 6 500 kilomètres. Le tracé a été conçu en tronçons pour faciliter la mise en œuvre et le raccordement entre différentes phases. Cela a nécessité une analyse multi-critères approfondie pour choisir un tracé qui passe par la mer, du Nigeria au Maroc, en longeant la côte marocaine jusqu'à Dakhla, où il se connectera au gazoduc Maghreb Europe. Quant aux défis financiers, le projet bénéficie déjà d'un large intérêt de la part d'institutions et de partenaires potentiels. Les prochaines étapes incluront des discussions plus poussées pour finaliser les conditions de financement et les décisions d'investissement.