La hausse importante des prix des produits de base, notamment les denrées alimentaires a eu raison de la patience des Marocains. Croulant depuis des mois sous la pression d'une flambée sans précédent des prix, les ménages sont profondément éprouvés surtout pendant Ramadan, un mois à forte consommation. Selon les dernières statistiques du haut-commissariat au Plan, l'indice des prix à la consommation (IPC) moyen a progressé de 6,6% sur l'ensemble de l'année 2022, en comparaison avec l'année 2021. Niveaux jamais atteints Une situation due essentiellement à la hausse de l'indice des produits alimentaires de 11,0% et de celui des produits non alimentaires de 3,9%. Les prix des produits de première nécessité ont ainsi atteint des niveaux jamais enregistrés auparavant. Viandes rouges et blanches, légumes, fruits, farine, huile... La hausse des prix n'a épargné aucune denrée au grand désarroi de consommateurs souffrant toujours des séquelles de la crise liée au Covid-19. Avec des dépenses qui ont doublé voire triplé, le pouvoir d'achat a considérablement baissé. Une baisse de l'ordre de 2,2% a été enregistrée entre octobre 2019 et décembre 2021. La dépense de consommation, quant à elle, est passée de 20.400 à 20.040 dirhams. Le citoyen marocain aurait réduit son budget de 360 dirhams toutes catégories de dépenses confondues. L'impact de la guerre en Ukraine s'est fait sentir au Maroc à cause notamment de la hausse des prix des matières premières. Résultat pour le citoyen ? La dépense moyenne par habitant est passée à 18.940 dirhams avec une baisse de 1.100 dirhams en une année. Protestations Pour s'approvisionner en denrées alimentaires (le tiers du budget d'un ménage), les citoyens sont obligés de réduire sur les autres dépenses (santé, équipements, meubles, habillement, loisirs...). Impuissance et profonde frustration détectables à travers la multitude de posts et de réactions mécontentes sur les différents réseaux sociaux. « Tout le monde souffre ! Alors que le gouvernement a annoncé une baisse graduelle des prix avant Ramadan, on n'a rien vu ! Les prix flambent toujours, les légumes et la viande sont toujours aussi chers ! Que des promesses en l'air ! Si vous n'êtes pas capables d'assumer la responsabilité, rendez votre tablier ! », S'insurgent les administrateurs de la page Boss Clips. Des artistes se sont également livrés à l'exercice de la satire et la critique. Dans un clip joignant l'humour à la musique, ils mettent en scène des petites gens écrasées par les prix et criant leur désespoir. L'acteur Mohamed Choubi, connu pour ses sorties médiatiques, lui va épingler le gouvernement. « Il faut arrêter d'imputer cette flambée des prix à la guerre en Ukraine. C'est un faux prétexte. Le vrai problème c'est la gestion du gouvernement de cette crise et toute sa politique. Il faut absolument qu'ils agissent et en urgence avant que le peuple n'explose sous tant de pression », fustige-t-il. De son côté Bouazza Kherrati, président de la Fédération marocaine des droits du consommateur, s'inquiète par rapport aux frustrations générées par un pouvoir d'achat « castré » par des prix tellement chers et des produits disponibles et pourtant inaccessibles. Réponses du gouvernement Dans le collimateur, le gouvernement justifiait au début cette flambée par la hausse du prix du fret, indiquée d'ailleurs comme la cause majeure de cette situation. Des explications mises en doute par les défenseurs des droits des consommateurs. Ces derniers pointent du doigt la multiplication des intermédiaires dans le processus de distribution des marchandises notamment les produits agricoles. Une situation qui perdure malgré l'adoption de la loi n°37.21 relative à la commercialisation directe des fruits et légumes dans le cadre de l'agrégation agricole. Le 9 février, Nadia Fettah, la ministre de l'Economie et des Finances, a annoncé une baisse imminente des prix de la viande et des légumes au cours des jours qui suivent. D'après la ministre, le gouvernement aurait mené des « mesures importantes » pour réduire la hausse des prix et assurer l'approvisionnement des marchés en viande, en particulier. Ceci à travers la suppression de la taxe sur la valeur ajoutée et l'exonération des droits de douane sur les importations des bovins destinés à l'abattage. Sécheresse, vague de froid et spéculations Expliquant la hausse des prix par la sécheresse et la vague de froid, la ministre a reconnu toutefois les manipulations et autres spéculations déréglant les marchés nationaux. Pour y remédier, la responsable a souligné la nécessité « d'intensifier et de poursuivre le contrôle sur le terrain et de mobiliser tous les départements et services concernés ». Même son de cloche du côté du Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch « qui a appelé à renforcer le contrôle de l'état d'approvisionnement des marchés du Royaume en denrées alimentaires, à renforcer le suivi en matière de distribution et de qualité, à traquer et à sanctionner les auteurs de toute infraction ou tout comportement opportuniste », rapporte la MAP. Des promesses qui peinent à apaiser les esprits et des mesures qui sont loin de satisfaire les consommateurs marocains ; à en croire les réactions qui se multiplient sur les réseaux sociaux et plus récemment dans la rue. Se joignant au mouvement de protestation contre la cherté des prix, la Jeunesse socialiste passe à la vitesse supérieure et lance un appel à manifestation samedi prochain dans les différentes régions du Royaume. « Nous en appelons tous nos militants, toutes nos sections régionales, provinciales et locales et l'ensemble des citoyens et des travailleurs à manifester en masse contre la cherté de la vie et le recul des libertés », annonce, le 2 avril, un communiqué du bureau national de la jeunesse socialiste. Doléances S'insurgeant contre les politiques libérales du gouvernement, la Jeunesse socialiste fustige ses mauvais choix qui « n'ont fait qu'aggraver la dépendance alimentaire du Maroc » à cause du modèle agricole axé sur l'exportation. « La cherté des prix qui en découle a carrément détruit le pouvoir d'achat des pauvres et des couches sociales vulnérables », matraque-t-on dans ce communiqué. La Jeunesse socialiste dénonce le silence « coupable et incompréhensible » de l'exécutif. «Alors que la situation devient de plus en plus critique et que les citoyens sont écrasés par le poids des prix, le gouvernement reste passif. Il n'entreprend aucune initiative pour venir au secours des citoyens et pour honorer ses engagements sociaux vis-à-vis des Marocains », ajoute la même source. Salaires gelés, fonction publique contractuelle, libertés de plus en plus réduites... La jeunesse socialiste profite des manifestations prévues pour samedi 8 avril pour plaider pour plusieurs causes, mais également pour réclamer des mesures urgentes. Réclamations « Nous réclamons une intervention immédiate et efficace du gouvernement pour contrôler les prix et lutter contre les spéculations. Nous exigeons un contrôle pointu et permanent du marché pour venir à bout des monopoles et de la concurrence déloyale. Le Conseil de la concurrence doit accomplir sa mission et honorer ses engagements », réclame la Jeunesse socialiste. Les militants socialistes appellent également le gouvernement à imposer une augmentation générale des salaires pour soutenir le pouvoir d'achat. « Ceci tout en encourageant les investisseurs solvables à créer des entreprises susceptibles de réduire les taux de chômage parmi les jeunes », suggère le bureau national de la jeunesse socialiste. Ce dernier réclame également un bilan objectif et transparent du plan Maroc vert. « De telle manière à évaluer son impact réel sur le niveau de vie des citoyens marocains et si cet impact est bien proportionnel aux milliards de dirhams dépensés pour sa mise en application ». Cet audit devrait, selon la jeunesse socialiste, concerner également le système de subvention des transporteurs et Awrache « que nous estimons des solutions provisoires et à effet limité », fustige la Jeunesse socialiste.