Par le général du corps des marines JAMES L. JONES & AHMED CHARAI Le président Obama devrait se réunir, au cours de la semaine du 22 Novembre à Washington avec le Roi Mohammed VI du Maroc, descendant d'une monarchie de 300 ans, dont l'amitié avec les Etats-Unis remonte à 1777. Nous estimons que cette rencontre sera l'occasion pour les deux dirigeants de renforcer l'alliance historique à l'heure où le paysage économique mondial connait un malaise et le monde arabe se débat dans une situation dramatique ; des troubles sans précédent et une transition difficile : Leurs nations partagent des intérêts nouveaux. Et l'évolution de la vision de la politique étrangère dans les deux pays porte un fort potentiel de complémentarité . Du point de vue américain, il est clair depuis un certain temps que les Etats-Unis ne peuvent pas et ne devraient donc pas chercher à imposer des solutions aux conflits internes de la région. Dans le même temps, il est également clair que Washington doit continuer à encourager les résolutions pacifiques des conflits et les tendances réformistes modérées tout en défendant sans relâche la sécurité et l'intégrité territoriale de ses alliés. À l'heure actuelle, ces objectifs impliquent de tester judicieusement la portée de l'Iran dans la communauté internationale, de soutenir le progrès dans les négociations israélopalestiniennes en cours, de promouvoir et encourager les valeurs de pluralisme et de tolérance dans les républiques post-révolutionnaires de la région, et déployer la puissance douce et le pouvoir de coercition en Syrie en vue d'accélérer une solution juste au conflit sanglant. Cela peut parfois nécessiter une approche de «triage», au cours de laquelle la coopération avec les alliés de longue date de l'Amérique dans la région est essentielle. Le Maroc est entièrement investi dans l'aboutissement de l'Amérique sur tous ces fronts. Et possède des capacités particulières qui peuvent aider à rendre ces réussites plus prévisibles. Tout d'abord, la famille royale jouit de la confiance des Palestiniens ainsi que celle des Israéliens : D'autre part, le Royaume préside le Comité permanent d'Al Qods des pays musulmans, à travers lequel il défend farouchement les droits légitimes des Palestiniens. D'autre part, il a toujours été un ami du peuple juif depuis le règne du grand-père du Roi actuel qui a contribué à sauver 265.000 juifs marocains des Nazis pendant la seconde guerre mondiale. En ce qui concerne le conflit Syrien, le Roi Mohammed VI a été un ardent défenseur de l'unité et de la solidarité panarabe au nom de la majorité assiégée de ce pays, notamment en Arabie saoudite et dans les pays du Golfe. Ces pays divergent quant aux groupes rebelles qu'il faut soutenir et la manière de le faire. Quel rôle devraient jouer les outsiders tels que les Etats-Unis, la Russie et l'Iran pour tenter de parvenir à un règlement politique avec Damas. Et d'ailleurs, comment concilier l'espoir d'une fin sans effusion de sang à l'impasse nucléaire iranienne vu le scepticisme sur les motivations des négociateurs iraniens. Le Roi se distingue par une position particulière en tant qu'ami de confiance auprès de tous les dirigeants des pays du Golfe, capable de favoriser un consensus en faveur d'une politique concertée avec ses amis américains. Enfin, la promotion réussie du Royaume en matière de tolérance et de réforme politique progressive à l'intérieur de ses frontières offre des leçons et un modèle à suivre par d'autres Etats arabes, non seulement les républiques révolutionnaires de l'Egypte, la Libye et la Tunisie, mais aussi de nombreuses monarchies de la région. L'Amérique espère voir tous les pays arabes avancer vers une plus grande participation politique et une paix civile tirées par des projets de la société civile supportées par les USA, profitant des leçons et de l'expertise marocaine dans ce sens. Le président Obama et le Roi Mohammed VI partagent également un ensemble d'idées qui transcendent la région arabe comme elle a été traditionnellement définie. À une époque de malaise économique mondial, les deux dirigeants considèrent l'hémisphère sud en termes de développement humain et économique – et non seulement en termes de politique, d'ethnicité et d'égalité des sexes. Ils reconnaissent, par ailleurs, que les communications et les moyens de transports modernes ont rendu les frontières du monde arabe plus poreuses. En particulier, les zones désertiques du Sahara qui divisent l'Afrique du Nord arabe du reste du continent sont désormais devenues un important canal de trafic ; des idées progressistes aux idéologies extrémistes, des commerçants prospères aux terroristes et marchands d'armes. Les contributions marocaines à la stabilité et la sécurité de l'Afrique du Nord et du Sahel sont considérables. Les deux dirigeants ont exprimé le même avis que la lutte contre l'extrémisme croissant et le militantisme en dessous du Sahara exige non seulement une coopération sécuritaire impitoyable et une lutte contre la radicalisation, mais aussi la création d'opportunités économiques. Ils considèrent également que l'Afrique est un marché en plein essor, porteur d'opportunités d'affaires fructueuses pour les secteurs privés américains et marocains. Le Royaume, pour sa part, s'est engagé de façon croissante en Afrique. Ses banques sont déjà omniprésentes au sud du Sahara, le commerce et l'investissement sont déjà profondément ancrés dans les secteurs de développement des infrastructures, de la manufacture et de la finance. Ainsi, la visite du Roi à Washington offrira aux deux dirigeants une chance de faire avancer leurs aspirations partagées pour le continent. Les possibilités de coopération dans le commerce et le développement économique comprennent des « programmes triangulaires » permettant aux Etats-Unis de tirer parti des réseaux marocains et leur expertise pour offrir des programmes de formation ou établir une présence commerciale dans un pays tiers, sub-saharien. Le territoire marocain est aussi devenu un hub en matière de formation pour les forces armées d'Afrique subsaharienne et d'éducation et d'enseignement d'un islam modéré et tolérant en faveur des imams des mosquées en Afrique subsaharienne. Les occasions abondent pour les Etats- Unis pour tirer parti de ces pratiques – à travers des partenariats de formation militaires et des programmes de coopération en matière de puissance douce visant la lutte contre le radicalisme dans les pays où Al- Qaïda est en plein essor. Les effets stabilisateurs des réformes politiques et sociales marocaines, associés à un leadership régional dans la lutte contre le terrorisme devraient être mis à profit pour permettre aux Etats-Unis et l'Europe de faire avancer leurs objectifs de développement en Afrique subsaharienne, dont les bénéfices se feront sentir dans la région et au-delà de la région. Ces nombreux points communs d'intersection entre les deux pays pourraient faire de cette rencontre un tournant qui bénéficiera non seulement aux Américains et aux Marocains, mais aura également des répercussions bénéfiques sur l'Afrique du Nord, le Sahel et toute la région du Moyen-Orient.