Cela s'appelle joindre l'utile à l'agréable. Combiner une abdominoplastie à un séjour au soleil aurait pu paraître burlesque si ce n'était l'intérêt sans cesse grandissant des citoyens étrangers pour la pratique. Un intérêt largement lié aux prix proposés par ces nouveaux dragons de la chirurgie esthétique (service le plus demandé). Palmiers et liposuccions Pourquoi payer plus quand on peut payer moins (dépaysement en prime)? C'est sur ce genre d'équations que tablent tous ces temples de la beauté «made in PVD». Initié en Amérique latine, le bal a progressivement gagné des pays comme la Hongrie, l'Inde, la Tunisie et de plus en plus le Maroc. Même si, largement surpassé par son voisin, le royaume compte aujourd'hui un bon nombre de cliniques qui ont fini par se spécialiser dans ce business extrêmement lucratif. Médecin chirurgien à la polyclinique du Sud à Marrakech, Aboufirass Abdellatif y voit pourtant autre chose qu'un simple avantage pécuniaire pour ses clients étrangers. «Certes, l'intervention cumulée au séjour revient au total beaucoup moins cher qu'en Europe, mais il existe d'autres raisons qui motivent toutes ces personnes à faire le déplacement : un cadre attrayant, beaucoup de discrétion, un changement d'environnement qui coïncide avec une envie de se faire du bien etc. L'aspect matériel est bel et bien présent mais il ne constitue pas tout». Si l'établissement n'est pas à la portée de toutes les poches nationales, il présente néanmoins des marges de différence non négligeables par rapport à ce qui est avancé en Europe ou encore aux Etats-Unis. «En France, les prix à payer pour des implants mammaires ou une liposuccion (par zone) tournent respectivement autour de 5.000 et 2.400 euros contre 2.200 et 1.200 euros au Maroc», explique Magali Guyomard, chargée de clientèle dans la même clinique. «La demande étrangère constitue 85 % de notre CA», affirme t-elle. «On reçoit des Français, des Belges, des Luxembourgeois et depuis peu des ressortissants d'Afrique noire. Tous y trouvent leur bonheur, repartent satisfaits et contribuent indirectement à faire notre promotion». Curieusement, l'établissement n'a pas investi dans des campagnes de publicité et encore moins dans la mise en place d'un forfait voyage/intervention comme on en fait ailleurs. «Dans notre cas c'est pratiquement inutile. C'est le bouche à oreille qui prévaut, nos futurs clients entendent parler de nous par l'intermédiaire d'anciens, mais préfèrent, pour la plupart, organiser eux-mêmes les modalités de leur voyage. Nous n'interférons pas dans cela», enchaîne-t-elle. Plus au nord, la clinique de la Silhouette fait partie à Rabat de celles qui se sont spécialisées dans l'activité. «Une affaire de famille», précise son propriétaire, le Dr Tarek Hassan Fahmy, où chaque client est traité comme un hôte. «Les clients en provenance d'autres pays (40 à 50% de l'ensemble) se voient proposer une totale prise en charge dès leur arrivée à l'aéroport». A l'opposé de la précédente, la clinique de la silhouette offre ces fameux packages dont raffolent les touristes. Certains préfèrent en effet avancer une somme globale et ne plus avoir à se soucier du reste. «Ce genre de formule inclut le transport de l'aéroport ainsi que l'intégralité du séjour. On parlera par exemple d'un forfait de 1.800 à 2.000 euros pour une rhinoplastie, quelques jours passés au Golden tulip ou à l'hôtel Mercure de Rabat, puis enfin à la clinique». Celui que ses patients ont nommé le «Kenzo du bistouri», justifie de tels prix par des frais réduits de moitié dès le départ. Si au niveau des praticiens tout semble on ne peut plus clair, du côté des particuliers, les choses ne sont pas aussi tranchées. Il n'y a qu'à voir le nombre de forums regorgeant d'avis contradictoires sur la question. Au contentement de ceux ayant déjà tenté l'expérience se mêlent les doutes voire les critiques acerbes des autres. Certains ont du mal à croire qu'avec de pareils tarifs les prestations et conditions d'hygiène soient équivalentes de part et d'autre de la Méditerranée. L'ironie du sort, c'est que presque tous ces chirurgiens ont suivi leurs cursus universitaires dans des facultés européennes et américaines et en sont ressortis avec les mêmes diplômes et aptitudes que «des spécialistes bon-teint»... Une compétition serrée Avec plusieurs années d'expérience derrière elle, la Tunisie s'est imposée comme une référence de taille en matière de tourisme médical. Des agences de voyages vont jusqu'à réaliser des partenariats avec ces cliniques et se proposer via Internet comme des intermédiaires de choix entre les parties. Estétika tour est l'une d'entre elles. Etablie à Tunis, l'agence dispose d'un vaste réseau de collaborateurs lui permettant d'afficher sur son site des combinaisons encore moins chères qu'ici tout en incluant le billet d'avion. Très répandues sur place, ces offres sont favorisées par les subventions étatiques et les réductions d'impôts dont bénéficient les médecins investis dans ce secteur. Il est aussi fait allusion à des options VIP, garantissant des traitements spéciaux, des séances de spa et autres mignardises pour le corps. Des techniques marketings. auxquelles le Maroc n'a pas complètement adhéré et qui ont pour l'instant le mérite de faire pencher la balance de l'autre côté. A côté des convaincus, des déçus Des ratages peuvent se produire. Réactions de l'organisme, effets secondaires, travail approximatif, mauvais encadrement sont des paramètres à ne pas exclure surtout lorsque le montant requis est dérisoire. Pour l'assistante du docteur Aboufirass, il existe un minimum en deçà duquel l'offre devient douteuse. «Une clinique qui propose un trop grand low cost finit forcément par sacrifier une certaine qualité au niveau des soins ou du matériel utilisé. Jouer sa santé sous prétexte d'une bonne affaire n'a plus rien à voir avec l'idée du bien-être». Et surement pas d'avantage avec l'éthique médicale.