« Comment se fait-il qu'une frange de notre jeunesse n'arrive pas à réaliser ses aspirations légitimes aux niveaux professionnel, matériel et social ? ». La question posée par le Souverain dans son discours à l'occasion de la révolution du roi et du Peuple devait être posée à ce niveau pour lui donner l'importance qu'elle mérite. Le diagnostic effectué par le Roi est sans complaisance : « Le secteur de l'éducation est en butte à de multiples difficultés et problèmes, dues en particulier à l'adoption de programmes et de cursus qui ne sont pas en adéquation avec les exigences du marché du travail », voilà l'une des premières grandes tares de l'enseignement pratiqué jusqu'ici. On le savait depuis bien longtemps et pourtant peu de choses ont été faites pour améliorer les capacités des jeunes. Il y a encore pire. L'enseignement marocain a été handicapé dès le départ par cette énorme incongruité qui consiste à mélanger les langues : Le Souverain a relevé cet aspect des dysfonctionnements du système : « Ces écueils sont imputables également aux dysfonctionnements consécutifs au changement de la langue d'enseignement dans les matières scientifiques. Ainsi, l'on passe de l'arabe, aux niveaux primaire et secondaire, à certaines langues étrangères dans les branches techniques et l'Enseignement supérieur. Ce changement implique, à l'évidence, l'impératif d'une mise à niveau linguistique de l'élève ou de l'étudiant pour qu'il puisse suivre utilement la formation qui lui est dispensée ». Des générations de Marocains souffrent encore de cette ingénierie ratée de l'enseignement. Elles ne maîtrisent aucune langue en particulier et l'accès aux sciences dans leurs langues d'origine reste improbable. En plus, il faudrait un jour calculer le coût financier de ce système puisqu'il a fallu alourdir l'enseignement par des cours de mise à niveau linguistique. Le système éducatif a donné naissance à des jeunes diplômés chômeurs et plus ou moins incultes. Leur seule perspective reste l'administration et leur seul arme, les sit in devant le parlement. On ne leur a pas enseigné l'esprit d'entreprise, ni l'innovation, ni les bienfaits de la recherche sur le développement aussi bien sur le plan personnel que sur le plan national. Ce diagnostic technique de l'Education nationale ne doit pas faire l'impasse sur l'aspect politique. Nous savons qui est à l'origine du cafouillage linguistique qui a créé la catastrophe vécue aujourd'hui. Le discours royal du 20 août a remis les choses à leur place. La Charte de l'enseignement est une excellente stratégie qui mérite d'être menée à son terme. Le gouvernement actuel n'a pas été bien inspiré de la tuer dans ses premières années. « Les gouvernements successifs se sont attachés à mettre en œuvre les préconisations de cette charte, surtout le gouvernement précédent qui a déployé les moyens et les potentialités nécessaires pour mener à bonne fin le Plan d'urgence, dont il n'a, d'ailleurs, entamé la réalisation qu'au cours des trois dernières années de son mandat » a dit Mohammed VI qui a déploré le fait que « les efforts nécessaires n'ont pas été entrepris pour consolider les acquis engrangés dans le cadre de la mise en œuvre de ce Plan ». « Pire encore, sans avoir impliqué ou consulté les acteurs concernés, on a remis en cause des composantes essentielles de ce plan, portant notamment sur la rénovation des cursus pédagogiques, le programme du préscolaire et les lycées d'excellence ». On ne va pas y aller par quatre chemin, le gouvernement actuel qui a, depuis ses débuts, remué beaucoup de vent autour de questions accessoires a négligé l'essentiel. Le Roi est revenu sur son discours de l'année dernière, à l'occasion de l'anniversaire du 20 août, dans lequel « Nous avons défini les grandes lignes de la réforme du système éducatif, tout en appelant à la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles relatives au Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique ». Une année déjà et rien n'a été fait. La politisation de l'Education et de l'Enseignement y est pour beaucoup. Mohammed VI a clairement invité le gouvernement « à procéder avec célérité à l'adoption des textes juridiques relatifs au nouveau Conseil ». Au gouvernement d'interpréter cette invitation. Hakim Arif