Par : Noura Mounib 20 janvier 2013. Khadija M. se dirigeait à bord de sa voiture, une Peugeot 206 grise, au quartier Bourgogne à Casablanca. Il était 22 heures. Arrivée au niveau de la Chambre d'Artisanat, sise boulevard Bordeaux et à quelques ruelles de son domicile, un jeune homme à bord d'un motocycle (Peugeot 103) la heurte par l'arrière alors qu'elle s'engageait à tourner à droite. Sous le choc, elle freine et ouvre sa portière pour constater les dégâts, sans avoir eu le réflexe d'éteindre le moteur de sa voiture et de récupérer ses clés. « A partir de ce moment-là, tout s'est déroulé dans un temps éclair », témoigne cette victime, professeur de langue française de son Etat. Elle n'arrive toujours pas à croire ce qui lui est arrivé. Le temps de constater que son feu arrière droit a été légèrement touché, trois hommes surgissent de nulle part. Sans lui parler, ils montent rapidement dans la voiture et disparaissent à toute vitesse. « Lorsque je commence à crier, le jeune qui m'a heurté n'a pas eu peur. Il a même pris son temps de démarrer son motocycle et de suivre ses amis. Je ne me rappelle même pas des traits de leurs visages », se désole Khadija qui a également perdu son sac et tous ses papiers laissés dans la voiture. Quand la foule s'est rassemblée, c'était trop tard. Tout le monde est resté bouche bée en voyant la pauvre dame dépossédée de sa voiture en plein centre de Bourgonne. Quartier où elle réside pourtant. « Ce qui m'étonne, c'est que ces voleurs n'avaient pas la moindre peur de tomber dans les mains des flics. Ils ont géré leur plan comme des pros », ajoute Khadija. Le lendemain matin, elle s'est rendu directement à la Direction générale de la sûreté nationale pour déposer plainte. Le même soir, le même scénario s'est produit au Boulevard Zerktouni à Casablanca. Sauf que les malfrats n'ont pas réussi à prendre la voiture cette fois-ci. A 20 heures, deux jeunes filles à bord d'une voiture s'apprêtaient à s'engager dans le trafic lorsqu'un motocycle les heurte par l'arrière. Cette fois-ci, la conductrice a heureusement eu le réflexe de récupérer ses clés avant de descendre, mais a laissé les portières ouvertes. Lorsqu'elle s'approche du motocycle, deux autres jeunes à bord d'une autre moto surgissent et volent les sacs des filles laissés sur la banquette de la voiture. Les voleurs disparaissent suivis par leur complice qui a provoqué « l'accident ». Un taxi essaie de les suivre, en vain. Des chiffres très inquiétants 2012 était l'année des vols de voitures par excellence à Casablanca. Il n'y a qu'à lire les chiffres pour comprendre que ce type d'agression est désormais de plus en plus pratiqué dans la métropole. Selon les autorités de la ville, presque 2.000 voitures ont été volées à Casablanca au cours de l'année écoulée. D'ailleurs, selon nos sources, la Direction générale de la sûreté nationale reçoit entre deux et dix déclarations de vols de voitures par jour. Des données qui devraient aujourd'hui pousser les Casablancais, et les habitants des autres grandes villes qui ne sont pas non plus épargnés par ce phénomène, à se méfier davantage. Casablanca détient le record puisque son parc automobile est riche quantitativement et diversifié qualitativement. La capitale économique est désormais la cible privilégiée des professionnels des vols de voitures. Ce fléau s'est particulièrement accru avec l'apparition des bandes organisées et des réseaux à ramifications multiples. C'est ce qui explique les manières multiformes avec lesquelles les malfaiteurs agissent pour dérober les voitures. La plus grave et la plus dangereuse est celle qui consiste à attaquer les femmes au volant. D'ailleurs, les données officielles montrant que les femmes sont les premières victimes des vols de voitures. « Attaquée par surprise, les femmes sont plus vulnérables et peuvent tout lâcher par peur. Contrairement aux hommes qui peuvent parfois mal réagir », explique un officier de police en service à Casablanca. Il ajoute qu'aujourd'hui la tendance chez les voleurs de voiture est les petites citadines (Kia Picanto, Hyundai i10, Toyota Yaris, Peugeot 206...). Ces voitures sont démontées par la suite et revendues en pièces détachées. A noter qu'il y a quelques années, la Fiat Uno était considérée comme la voiture la plus volée au Maroc, vu que ses clés étaient faciles à confectionner. Les voitures de luxe ne sont pas non plus épargnées. Selon les autorités, une voiture haut de gamme disparaît chaque jour dans la métropole. Ces véhicules sont parfois redirigés vers l'Algérie et la Mauritanie où des intermédiaires se chargent de les faire passer au Sénégal et dans d'autres pays africains peu regardants sur l'origine des voitures. En Mauritanie, une voiture de luxe est cédée cinq fois moins cher que son prix réel. De quoi attiser l'appétit des réseaux mafieux. Pièges et combines Les réseaux et bandes de vols de voitures ne manquent pas de créativité pour réussir leurs coups. Les malfrats effectuent notamment leurs vols à n'importe quelle heure de la journée. Ce qui prouve que même si les autorités réussissent à en arrêter quelques uns, d'autres courent toujours. Grâce à des combines qui rivalisent en originalité, les voleurs ratent rarement leur cible. Parmi les méthodes les plus utilisées, on trouve l'agression directe, particulièrement dans les feux rouge. A peine la voiture arrêtée, les malfrats se précipitent sur le conducteur, ouvre la portière et le menace avec une arme blanche. Soit ils le font descendre de la voiture, soit ils l'emmènent de force avant de l'abandonner plus loin en s'emparant de son véhicule. En plus des accidents provoqués avec des motocycles ou carrément de piétons, les voleurs ont également inventé le coup des œufs qu'on lance sur le pare-brise. Lorsque le conducteur utilise les essuie-glaces pour nettoyer, le pare-brise devient tout blanc rendant la visibilité pour le conducteur quasi nulle. C'est là que la victime décide de s'arrêter et de descendre du véhicule, souvent en gardant le moteur à chaud, facilitant la tâche aux voleurs. Autre technique prônée, celle qui consiste à couvrir le pare-brise arrière du véhicule par un bout de carton ou autres, de manière à le rendre totalement opaque. Là encore, en voulant faire marche arrière, le conducteur ne pouvant rien voir en voulant faire marche arrière, son premier réflexe sera d'ôter ce qui lui masque la vue. En descendant, les voleurs sautent dans la voiture et démarrent. S'y ajoute le coup du dépannage : un véhicule de dépannage qui appartient aux malfrats transporte au vu de tout le monde la voiture comme si c'était un réparateur qui le faisant le plus normalement du monde. L'auto-stop est aussi une technique en vogue. Quand un malchanceux conducteur ou une conductrice s'arrête pour emmener avec lui ou elle un inconnu, il ou elle pourrait se retrouver en face d'un dangereux voleur. Mais la plus célèbre des tactiques, reste la technique qui consiste à jeter une souris, un rat, un caméléon ou un serpent sur la conductrice par l'une des fenêtres restées ouvertes. On peut facilement deviner la suite de l'histoire. Cependant, certains conducteurs se font voler leur véhicule pendant le laps du temps qui leur est nécessaire pour refermer la porte de leur garage. Une « chemta » qui arrive à beaucoup de malheureuses victimes. Donc, la méfiance s'impose !