Le texte de la constitution, plébiscité par les Marocains, est une véritable avancée démocratique. Cependant, nous savons tous, que c'est la pratique qui donnera au texte tout son sens. Cela commence d'abord par le respect des institutions, de leur spécificité, de leur rôle. Ce n'est pas toujours le cas. Ainsi, un député, nommé El Idrissi, a été secoué par les forces de l'ordre, parce qu'il s'est mêlé à une manifestation non autorisée, que les dites forces devaient disperser. Le parlement et le gouvernement doivent lui présenter des excuses, entend-on dire. La représentation de la Nation ne peut, en aucun cas, se plier à cette mascarade, le peuple n'étant en rien responsable des agissements de la police. Le ministre de l'Intérieur a, lui, pour devoir de soutenir ses fonctionnaires, tant qu'ils sont respectueux de la loi et c'est le cas. Disperser une manifestation non autorisée, sur ordre de sa hiérarchie, fait partie du quotidien des forces de l'ordre dans toutes les démocraties. En voulant faire plaisir à un député qui a encouragé un acte illégal, on a égratigné parlement et exécutif. On peut classer le discours du chef du gouvernement à Davos dans le même état d'esprit. Aucun observateur objectif ne peut mettre en doute l'attachement de Benkirane aux institutions, à la stabilité, aux intérêts supérieurs de la Nation, comme l'écrasante majorité des Marocains. C'est un patriote. Mais sa spontanéité lui joue de mauvais tours. A Davos, il était censé rassurer les investisseurs. Il l'a fait, avant de sortir des clous. Quel intérêt avait-il, dans ce cénacle, de parler de ceux qui veulent éreinter le gouvernement ? Aucun ! Il s'est laissé aller à des confidences, très politiciennes, qui ont eu l'effet contraire à ses objectifs. Abdelilah Benkirane, doit mieux maîtriser sa communication en tant que chef du gouvernement et la différencier de celle qu'il entreprend en sa qualité de dirigeant du PJD. Ce sont ces couacs de la communication qui font l'actualité, alors que le pays attend autre chose. La nouvelle majorité s'est engagée sur des réformes précises et a même avancé un agenda. Ainsi, des Assises de la fiscalité et du tourisme devaient se tenir cet hiver. Elles ont été reportées sine die. La décompensation est passée du statut de réforme urgente à celui du monstre du Loch Ness ! La première année législative n'a donné lieu qu'à l'adoption d'une seule loi organique, alors qu'il en faut vingt pour appliquer la constitution. L'exigence de réformes, pressante, concerne aussi l'Administration, l'Education, la Santé et la Justice. Conforter la démocratie passe par ces chantiers de réformes. L'adhésion populaire, la crédibilisation des institutions est à ce prix. Autrement, cela finira par lasser l'opinion publique et renforcer le rejet des politiques. Nous avons tous, les élus en premier lieu, le devoir de respecter les institutions et de plaider pour leur fonctionnement normal. Cela signifie qu'il faut élever le niveau du débat public et le concentrer sur les choix stratégiques.