De nombreuses écoles dans les zones rurales ont été ravagées dernièrement par les pluies diluviennes, en privant les écoliers de leur droit à la scolarisation... Par Hayat Kamal Idrissi
L'injustice territoriale continue et les zones rurales et montagneuses souffrent toujours plus lorsqu'il s'agit d'intempéries. Cette fois, ce sont les écoles et les routes y menant qui ont été partiellement ou complètement ravagées à cause des pluies diluviennes. « Une situation catastrophique ! De nombreux douars et bourgades se sont retrouvés sans écoles, ces dernières étant détruites ou endommagées par les inondations. D'autres écoles, sont carrément coupées du monde et privées d'électricité », décrivent des parlementaires en critiquant l'apathie du ministère de l'Education face à cette crise. Injustice et écarts Reprochant au département de Saïd Amzazi, son manque de réactivité par rapport à cette situation critique, ses détracteurs déplorent l'absence de plan de réhabilitation des écoles détruites. « Aucune annonce concernant un éventuel plan de restauration ou de réhabilitation des institutions touchées alors que les élèves locaux sont privés depuis des semaines de suivre leurs cours », s'insurge Khalid Nayet, acteur associatif à Tounfite au Moyen Atlas. Des critiques virulentes qui mettent l'accent sur l'injustice territoriale mais surtout sur l'inadaptation de la politique ministérielle au milieu rural.
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« Si l'Etat d'urgence sanitaire et la crise liée à la pandémie ont creusé davantage les écarts entre les zones citadines et les régions rurales et montagneuses dans notre pays, ces dernières pluies ont fini d'enfoncer le clou », regrette Dr Mohamed Dich, coordinateur national de la Coalition civile pour la montagne. Pauvreté, isolement et marginalisation socio-économique... Les intempéries n'arrangent nullement les choses en isolant davantage ces zones. « Nous déplorons le grand taux de déperdition scolaire dans les villages reculés où les élèves sont privés de leur droit à la scolarisation », s'insurge Dich. Une situation qui remet à jour la grande problématique de la justice territoriale et sape l'égalité des chances pour les élèves des différentes régions. Pauvreté et abandon D'après les études menées par la Coalition pour la montagne, les premières causes de déperdition scolaire dans ces zones restent la pauvreté des familles et le manque de moyens pour financer le parcours scolaire des enfants. « Le déficit dans l'apprentissage à cause des absences régulières des élèves et des professeurs et du manque de rigueur à cause des conditions inadéquates et inadaptées. Un déficit qui s'agrandit d'année en année pour aboutir à l'échec répétitif », analyse Mohamed Dich. Ce dernier évoque le travail des enfants dans le domaine agricole comme étant l'une des premières causes de cette déperdition, « sans oublier le mariage précoce des filles », ajoute-t-il. Selon les données de la coalition, la question des mentalités joue un grand rôle dans la rupture du parcours scolaire des filles dans le monde rural. « Au-delà du manque des moyens, pour beaucoup de parents, il n'est pas question que la fille quitte le foyer familial pour aller en ville poursuivre ses études », note l'acteur associatif. Différents facteurs qui, selon ce dernier, minent l'éducation et la scolarisation dans le milieu rural en général. Ceci tout en soulevant encore la grande question de l'adaptation de la politique et la stratégie éducative à la particularité locale.
Ciblage géographique En guise de réponse à ces critiques, le ministère de tutelle se targe des résultats probants de son programme d'accompagnement « Tayssir ». Intervenant lors de la séance d'ouverture de la quinzième session du Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique, Amzazi, a souligné que des efforts considérables ont été déployés pour faire baisser le taux d'abandon scolaire pour le réduire à 3% à l'horizon 2025. « Le programme Tayssir qui a bénéficié à plus de 1,2 million de familles, a permis, selon une première étude d'évaluation, de réduire de 57% le taux de décrochage scolaire et d'augmenter le taux de réinscription des élèves qui ont abandonné l'école d'environ 37%», affirme alors le ministre. Créée en 2008, le programme «Tayssir» a vu le développement d'un mode de ciblage géographique pour englober les familles de tous les élèves du cycle primaire dans le milieu rural et les élèves du cycle secondaire-collégial dans les milieux rural et urbain. Les vrais chiffres ? D'après les chiffres officiels annoncés par Saïd Amzazi, lors d'une récente séance de questions-réponses consacrée à l'enseignement au parlement, le décrochage scolaire a enregistré ainsi une légère baisse dans notre pays. Toujours d'après le ministre, le taux d'élèves ayant quitté les bancs de l'école est passé de 12% en 2018 à 10,4% en 2020, 304.545 élèves avaient été victimes du décrochage scolaire durant la période 2019/2020, sans connaissance précise des causes du problème. Dans le milieu rural, ce taux est passé de 3,5% à 2,62% dans le primaire, de 13,9% à 12,22% dans le secondaire collégial et de 8,35% à 7,02% au secondaire qualifiant.
Des estimations qui restent selon, Abdelghani Raki, secrétaire général du Syndicat national de l'éducation de la Confédération démocratique du travail (CDT), au dessous des chiffres réels. Ce dernier estime d'ailleurs que les chiffres enregistrés chaque année sont beaucoup plus élevés que ceux officiellement annoncés. Avec regret, il en appelle à faire de l'éducation une priorité. « Le budget de l'éducation a été réduit, c'est significatif. C'est triste lorsqu'on apprend qu'en cette période de pandémie, tous les pays du monde, ont donné la priorité aux secteurs sociaux et notamment celui de l'éducation », conclut le syndicaliste.