Ahmed Charaï Ce qui s'est passé à Tanger est écœurant et nous interpelle tous. Vingt-huit personnes sont mortes parce qu'elles travaillent dans des conditions insalubres, dans un atelier «secret». Mot bizarrement utilisé dans le communiqué des autorités !
Les responsabilités sont multiples. Le patron doit bien sûr être poursuivi. Mais le Mokaddem de la région, les autorités locales, élues ou appartenant à l'administration territoriale, ne peuvent pas se soustraire à la responsabilité. Ce drame ne peut pas être traité comme un fait divers. Ce que l'on appelle « l'informel » ne respecte pas la dignité humaine des travailleurs, qui acceptent leur sort, parce qu'ils n'ont pas d'alternative. Ces activités fragilisent le secteur formel et empêchent l'économie d'entrer dans un cercle vertueux où les droits des salariés sont préservés. Maintenant, ce drame réel ne servirait à rien si l'on en fait un fait divers, un drame humain supportable, et si l'on s'arrête là. Evidemment, qu'il faut que la justice passe, qu'elle étaye toutes les responsabilités et que les sanctions tombent. Mais il nous faut poser la question d'amener les activités de l'informel vers le formel. Depuis trente ans nous en parlons, sans effet réel. C'est un échec national. Le prisme ne doit pas être uniquement fiscal. Il doit être global. C'est-à-dire que nous devons proposer une série de mesures qui incitent à sortir de l'informel en y gagnant, c'est le seul moyen d'imposer les règles de droit, qui ont besoin de l'adhésion pour s'imposer. Croire qu'une campagne répressive, comme celle que Driss Basri avait initiée avec ce qu'il avait appelé « campagne d'assainissement » répondra au drame de Tanger est une voie sans issue. Nous avons besoin d'une vision globale. Nous avons surtout besoin de pédagogie, pour inciter les patrons de l'informel à passer au formel en y gagnant. Tant que ce travail ne sera pas fait, des drames auront lieu.