Avec son franc parler, le sélectionneur national, Eric Gerets, a fait le point sur les prochaines échéances de l'équipe nationale. Le Lion de Rekem a également évoqué ses rapports avec Pim Verbeek et le transfert d'Adil Hermach et Youssef El Arabi au club Al Hilal de l'Arabie Saoudite. Le Matin : Que vous inspire le résultat du tirage au sort du 2e tour des éliminatoires de la Coupe du monde 2014 qui a placé le Maroc aux côtés de la Côte d'Ivoire au groupe 3 ? Eric Gerets : On savait qu'on allait tomber forcément sur une grosse équipe puisqu'on n'est pas tête de série. La Côte d'Ivoire est effectivement une grosse équipe. Mais d'un autre côté, je crois qu'on avait vu le vrai visage de l'équipe nationale contre l'Algérie. Maintenant, il faut qu'on montre que cette victoire n'était pas un accident de parcours. Il faudrait qu'on ait une régularité dans nos prestations. Je pense aussi qu'on a une grosse marge de progression puisque la majorité des joueurs qui forment l'ossature de l'équipe nationale sont de jeunes joueurs qui ont une grosse marge de progression, tandis que la Côte d'Ivoire a plusieurs joueurs qui sont au top actuellement et d'autres qui sont, espérons-le, sur le déclin. La Côte d'Ivoire est un très gros calibre. Ça sera compliqué. C'est à nous de prouver qu'on est digne d'être favori dans ce groupe avec la Côte d'Ivoire. Selon vous, quelles répercussions l'ordre des matchs aura-t-il sur le scénario final du groupe ? Pour moi, l'ordre des rencontres n'a pas d'importance. Il y a toujours des gens qui préfèrent jouer d'abord à l'extérieur et recevoir en dernier lieu. Mais moi même quand j'ai été entraîneur du club, je n'ai jamais accordé d'importance à l'ordre des matchs. Il faut juste bien se préparer. Est-ce que le fait d'être outsiders pourrait servir l'équipe nationale ? Oui ça se peut. Mais vu le match qu'on a fait contre l'Algérie, je crois que les autres équipes nous voient différemment. Auparavant ce n'était pas peut-être le cas. Si on parvient à garder le niveau qui était le nôtre contre l'Algérie, je crois que les autres équipes feront un peu plus attention pour le Maroc. Qu'est-ce que vous attendez de la rencontre amicale contre le Sénégal, le 10 août prochain à Dakar ? D'abord d'inviter les jeunes joueurs (Adil Chihi, Ismaël Aissati et Lecomte-Addani Amine) qui n'ont pas été jusqu'à maintenant dans l'équipe A ; Adil Chihi a joué avec l'équipe des jeunes, mais jamais avec l'équipe A. C'est un jeune qui a beaucoup de talent, mais qui a eu quelques mauvais souvenirs quand il était rappelé en équipe nationale. C'est justement l'une des raisons pour laquelle je l'ai convoqué parce qu'il y a beaucoup de choses qui ont changé positivement dans l'entourage de l'équipe nationale. En plus, il a des qualités. On va lui faire découvrir la nouvelle atmosphère au sein de l'équipe nationale. En prévision du match capital contre la Centrafrique le 4 septembre prochain à Bangui, est-ce que vous avez fixé le lieu de concentration de l'équipe nationale ? Nous avons deux possibilités. Karim El Alem a eu la gentillesse d'aller en Guinée pour voir si on pouvait faire la préparation là-bas, mais après une réunion qu'on a eue ensemble avec le président, on s'est dit que c'était bien la Guinée parce que ce n'est pas loin de la Centrafrique, mais cela suppose aussi de voyager à deux reprises et perdre du temps. On a donc pris la décision de se préparer au Maroc. Où précisément ? On retourne à Marrakech parce qu'on a de bons souvenirs là bas. Il n'y a pas de raison de changer quoi que ce soit. Est-ce que vous partez à Bangui pour chercher juste un match nul où vous visez la victoire ? Moi je suis un coach qui va toujours pour gagner. C'est dans ma tête et c'est dans ma philosophie. Parfois on se rend compte pendant le match que l'adversaire est dans un grand jour et tu dois te contenter d'un match nul. Mais l'idée de départ est d'aller gagner le match parce que si on parvient à ramener les trois points de là bas, on sera déjà qualifié. On va attaquer, mais pas bêtement. Beaucoup d'internationaux marocains ne savent pas encore quelle sera leur destination la saison prochaine (Houcine Kharja, Mounir El Hamdaoui, Youssef Hadji et Michaël Basser), est-ce que cette situation ne vous inquiète pas ? J'espère que les choses vont s'arranger au plus vite pour ces joueurs. La situation la plus pénible c'est celle d'El Hamdaoui parce qu'il ne peut pas s'entraîner avec l'équipe première de l'Ajax. Il est apparemment en discussion avec mon ex club le PSV Eindouven, j'espère pour lui que ça va se concrétiser. C'est un joueur très adroit devant les buts, mais il a besoin de compétition. J'espère qu'il va vite trouver une solution. Kharja c'est moins grave parce que, lui, il trouvera l'emploi quelque part sinon il retourne à Gênes ou peut-être en Russie. Là où je ne suis pas du tout inquiet, c'est pour le « vieux » (Youssef Hadji) même s'il ne trouve pas un nouveau club, il donnera toujours le meilleur à l'équipe nationale. Je l'adore Hadji c'est vraiment quelqu'un de très spécial et de très important parce que c'est l'exemple type pour les jeunes et les anciens avec son comportement en dehors et à l'intérieur du terrain. Je l'appelle le « vieux » mais c'est un grand complément que je lui adresse. Je l'ai appelé aussi le « vieux » exprès pendant la discussion tactique d'avant le match d'Algérie pour montrer à tout le monde que c'est un vieux, mais que c'est un exemple. Est-ce que l'absence de Marouane Chamakh face à la Centrafrique ne vous inquiète pas ? Marouna Chamakh a prouvé lors des deux matchs face à l'Algérie que c'est un grand joueur. Il s'est battu comme un Lion. Perdre Chamack c'est toujours dommage parce qu'il avait sorti un grand match contre l'Algérie ici, mais d'un autre côté, il y a des joueurs qui frappent assez fort à la porte et c'est à eux de prouver que j'ai un problème supplémentaire pour le match prochain. Quand vous dites qu'il y a des jeunes qui frappent à la porte de la sélection, vous faites allusion à qui ? Il y a El Arabi et El Hamdaoui qui sont prêts à donner le maximum pour l'équipe nationale quand ils vont avoir leur chance. Beaucoup d'internationaux marocains et non des moindres ont choisi de s'exiler dans des pays du Golfe (Jamal Alioui, Mohamed Chihani, Youssef El Arabi et Adil Hermach et probablement Youssef Hadji). Est-ce que cet exil ne risque pas de se répercuter négativement sur l'équipe nationale à moyen et long terme ? Certainement ça m'inquiète. Il paraît qu'on dit que c'est moi qui avais arrangé le transfert de Hermach et El Arabi à Al Hillal, alors que c'est le contraire. Comment s'est passée cette histoire? Mon ancien président m'a appelé deux fois par semaine pendant deux mois pour avoir des renseignements sur des entraîneurs, alors il m'a demandé des renseignements sur Hermach et El Arabi. Je lui ai dit que ce sont des joueurs de qualité, mais qu'ils ne vont pas venir en Arabie Saoudite parce qu'ils sont encore jeunes et que le championnat en Arabie Saoudite n'est pas très relevé. Ensuite, je n'ai plus entendu parler de cette affaire jusqu'au moment où Hermach m'appelle pour me demander des renseignements sur la vie à Riad. Je lui ai expliqué que ce n'est pas le moment pour lui d'aller las bas. Il m'a répondu : «vous savez coach, je ne peux pas laisser passer cette opportunité pour assurer mon avenir et celui de ma famille après le football parce que l'offre est très intéressante financièrement. Je lui ai dit que cette décision est la sienne et qu'il ne peut pas venir me dire demain que je ne l'avais pas averti parce que comme je lui ai expliqué la vie en Arabie Saoudite n'est pas pareille qu'au Maroc ni en France et le championnat n'est pas très relevé. Quelques jours plus tard, El Arabi m'appelle également pour avoir des renseignements sur Al Hillal en m'expliquant que les offres qu'il a reçues de clubs européens ne sont pas intéressantes parce que lesdits clubs ne voulaient pas lui verser des indemnités de transfert. La seule possibilité qui restait pour lui m'a-t-il précisé c'était mon ex club. Je lui ai dit que je ne suis pas d'accord qu'il aille là-bas, mais si c'est son choix je ne peux pas m'opposer. J'ai essayé d'expliquer à mon ex-président que ce sont des joueurs très jeunes qui ne vont pas venir jouer en Arabie, mais il m'a dit : Eric tais-toi s'ils veulent venir tu ne peux pas les en empêcher. Les responsables du club Al Hillal sont mes amis et resteront mes amis et s'ils me demandent des informations sur des joueurs, je ne peux pas leur mentir en disant qu'Hermach et El Arabi sont de mauvais joueurs. Ça sera un mensonge. Pour le reste, je n'ai rien à voir avec leur transfert. Au contraire, je leur avais demandé de bien réfléchir avant de partir en Arabie Saoudite. Vous pouvez leur téléphoner pour savoir que je dis la vérité. Est-ce que leur transfert ne va pas tout simplement les éloigner à moyen et long terme de la sélection ? Je crois qu'on devrait regarder le championnat en Arabie saoudite pour voir que son niveau est élevé par rapport à celui du Qatar ou des Emirats Arabes Unis. C'est la question qu'El Arabi m'a posée concernant son avenir en équipe nationale. Je lui ai répondu que tout dépend de lui. S'il continue à progresser, marquer des buts, et mouiller le maillot je le sélectionnerai. Il n'y a aucun entraîneur au monde qui ne prend pas ses meilleurs joueurs. Mais il doit prouver chaque semaine qu'il est au top dans un climat toujours chaud. Si ça marche, il sera le premier appelé. Mais, il doit prouver qu'il mérite toujours la sélection. Mais je lui ai dit qu'il ne doit pas venir pleurer demain si ça ne marche pas pour lui. A la lecture de la liste des 23 retenus pour le Sénégal, on a remarqué à chaque fois l'arrivée de nouveaux joueurs est-ce que c'est une façon de mettre de la pression sur les cadres de cette équipe ou vous avez continué le processus du rajeunissement de l'équipe ? Si le match du Sénégal prévu le 10 août prochain est celui de la Centrafrique il y aura très peu de changements dans la liste des joueurs convoqués par rapport au dernier match. Ça serait bête de changer cinq ou six joueurs lors un match officiel. Comme c'est un match amical, ça me donne la possibilité de voir quelques jeunes joueurs. Il y a quelques jeunes joueurs dont je veux voir le comportement et l'attitude en sélection. Ce n'est pas pour mettre la pression sur quiconque, mais le fait que je suis sélectionneur du Maroc pour longtemps, il est de mon devoir de voir des joueurs qui ont des qualités. Il faut rester correct en leur donnant la possibilité de s'exprimer. Est-ce que Taarabt a toujours un avenir en sélection sachant qu'il est à son deuxième coup d'essai ? Je crois que ce ne serait pas bien de discuter le cas Taarabt dans la presse. Si on parle de ce cas, il faut le faire en privé. Je peux seulement dire que j'étais choqué et surpris quand j'ai appris dans le bus avec les joueurs qu'il a pris l'avion pour rentrer en France. Ce qui me tracasse un petit peu c'est que j'ai vu ses excuses à la télévision, ce qui est déjà un premier pas, mais trois jours plus tard j'ai lu son interview dans l'Equipe. Il vaut mieux que je ne donne pas mon opinion sur la qualité de cet entretien. Je crois que ce n'est pas uniquement à moi de décider de son avenir en sélection. S'il revient en équipe nationale, il y a forcément quelqu'un qui va bouger pour lui. Je veux savoir aussi si ses coéquipiers veulent lui pardonner, si les supporters veulent lui pardonner. Moi je suis quelqu'un d'assez ouvert qui privilégie toujours la communication. Je ne dis pas que la porte est définitivement fermée pour Taarabt parce qu'il est encore trop jeune. J'espère seulement qu'il va se rendre compte qu'on ne peut pas toujours dire et faire n'importe quoi. Est-ce que vous êtes pour l'instauration d'une charte d'éthique au sein de la sélection pour parer à ce genre d'agissements ? Je ne sais pas si l'instauration d'une telle charte pourrait mettre fin à ce genre d'agissements. A mon avis même si cette charte existait avant le match de l'Algérie, elle ne changerait pas grand-chose dans le cas Taarabt. Je crois plutôt qu'il faut mettre en place une grande équipe. Je pense que tout le monde sent qu'il y a une grande équipe qui est en train de se former. Quand je dis tout le monde, ce sont les joueurs, le staff technique, médical, le public et la fédération. Le plus important c'est de continuer à intéresser le public. J'ai vécu quelque chose d'extraordinaire la semaine dernière en revenant de Tanger où j'ai assisté au trophée des champions entre Lille et Marseille. On s'est arrêté à Asilah pour manger dans un restaurant. J'ai rarement mangé aussi bien dans ma vie que là bas. Et puis un fan qui m'avait vu est venu prendre une photo avec moi et ensuite c'est une file de gens qui sont venus prendre des photos avec moi. Le fait d'être sollicité prouve que les gens se rendent compte que nous sommes en train de faire du bon travail. Je ne vous cache pas que j'ai été submergé par des émotions par cette preuve d'amour des gens à mon égard. Certaines rumeurs parlent de relations assez tendues entre vous et Pim Veerbek, qu'en est-il réellement ? Elles ne sont pas au top, non ? Je crois que le reste c'est la même chose que le cas Taarabt, on va discuter ça en privé et non pas dans la presse. Existe-t-il une collaboration entre vous ou chacun travaille dans son coin ? Je crois qu'il a une philosophie qui est un peu différente de la mienne. Il faut qu'on règle certaines choses. Après le match contre le Sénégal, on aura une réunion avec le président de la fédération pour éclaircir certains points. J'ai demandé (hier) NDLR lundi à Karim El Alem de convoquer une réunion en urgence avec le président. Quel est votre bilan à la tête de l'équipe nationale ? Il y a eu beaucoup de changements au sein de l'équipe nationale depuis mon arrivée en octobre dernier. Il ya surtout cette fierté de porter le maillot de l'équipe du Maroc. Je vois aussi que beaucoup de gens endossent les maillots de cette équipe. Maintenant, il faut se qualifier le plus vite possible à la CAN et continuer de progresser. Il faut montrer que le match contre l'Algérie n'était pas un accident. Est-ce que vous êtes satisfait sur le plan du jeu ? Lors des deux matchs amicaux oui. Le match contre l'Algérie à Annaba n'était pas fameux parce qu'il y avait plusieurs paramètres qui ont fait qu'on n'a pas pu développer notre jeu. Mais contre l'Algérie à Marrakech, on a produit du beau jeu. Je suis un entraîneur qui prône la circulation rapide du ballon. Et face à l'Algérie, on a joué par moment à une touche de balle.et ça j'aime bien Est-ce que vous vous êtes fixé un objectif à atteindre en cas de qualification à la CAN-2012 ? Si tu vas à la Coupe d'Afrique, tu dois aller pour la gagner et non pas pour uniquement y participer. Je ne dis pas qu'on va la gagner, mais on y va avec l'intention de la gagner. Il faut déjà assurer notre qualification au plus vite possible. Ça sera une première pour moi, mais pas pour les joueurs.