Après avoir déjà enregistré quatre échecs, le Maroc a subi un nouveau revers le 13 juin dernier en ne parvenant pas à devancer la candidature nord-américaine concernant l'organisation de la Coupe du Monde 2026. Une nouvelle défaite qui ne décourage pourtant pas le royaume chérifien : ce dernier a déjà manifesté son intention de postuler pour organiser le Mondial 2030. Dans une candidature commune qui pourrait réunir les trois puissances du Maghreb. Pour mieux comprendre la stratégie menée par le Maroc dans l'univers sportif, Ecofoot.fr a interrogé Mourad El Bouanani, Géographe spécialisé dans les relations internationales et contributeur pour le Huffington Post, Orient XXI et Jeune Afrique. Le Maroc a perdu assez nettement l'organisation de la Coupe du Monde 2026 face au trio nord-américain lors du scrutin du 13 juin dernier. Après les échecs de 1994, 1998, 2006 et 2010, qu'a-t-il manqué à la candidature marocaine pour remporter cette élection ? Si, en effet, l'issue du vote était assez prévisible, l'écart entre les deux candidatures a, je crois, surpris plus d'un. Les raisons de la défaite sont, à mon sens, multiples. Le dossier technique marocain était d'après le groupe d'évaluation de la FIFA un dossier convaincant. Mais il présentait, du point de vue des infrastructures (stades, installations, transports, hébergement…) plusieurs faiblesses. Le volet stade par exemple constituait pour 35% de la note finale. Or, la FIFA a relevé que sur les 14 stades proposés par le Maroc, 9 étaient encore à construire. Des inquiétudes étaient également mises en avant sur la capacité d'hébergement puisque seuls deux des sites proposés – Agadir et Marrakech- répondaient aux standards de la FIFA. Les retombées économiques engendrées par l'organisation de la Coupe du Monde au Maroc sont également bien plus faibles que celles de la candidature nord-américaine – 5 milliards de dollars de recettes contre plus de 11 Mds$ pour United2026. Or, le mondial est la principale source de revenus de la FIFA … Enfin, le rapport de force géopolitique a globalement joué en faveur de la candidature nord-américaine. Battu en 2010, face au Qatar, les Etats-Unis ne pouvaient pas échouer une nouvelle fois. Les propos provocateurs de Donald Trump n'ont pas eu le rôle de repoussoir escompté. Pire, 11 fédérations du continent africain ont manqué à l'appel côté marocain. On pense à l'Afrique du Sud, au Zimbabwe, ou plus surprenant à la Guinée dont le président de la fédération était pourtant l'un des ambassadeurs de la candidature marocaine. Enfin, les « Iftar Party » organisées par l'impétueux président de la fédération saoudienne, Turki Al Cheikh a permis de reconquérir – à la marge -quelques voix de pays arabes. Pour s'assurer des votes de l'ensemble du continent africain, la Fédération Marocaine (FRMF) avait conclu au cours des derniers mois de nombreux accords de partenariat avec des fédérations d'Afrique Australe. La FRMF va-t-elle poursuivre une telle politique malgré la perte du dernier scrutin ? De tels accords étaient-ils liés à l'organisation du Mondial 2026 ou à des enjeux géopolitiques / géostratégiques ? Le Maroc entend devenir un partenaire incontournable sur le plan économique et politique en Afrique. Afin d'asseoir ce positionnement stratégique, il est question de valoriser depuis 10 ans certains investissements, notamment dans le secteur des télécoms, de la banque, de l'industrie, de l'agriculture ou même de l'immobilier. Les liens tissés avec ces pays partenaires conjugués au retour du Maroc dans l'Union Africaine et à la demande officielle d'adhésion à la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) contribuent à élargir durablement le périmètre d'influence du Maroc. A ce titre, il est fort probable que la FRMF poursuive cette initiative de coopération, en lui apportant un changement d'échelle, et avec elle d'ambition. Celle-ci pourrait intégrer un cadre de coopération plus large qu'un simple échange de compétences (formation, arbitrages) ou de bonnes pratiques dans le développement du football. Malgré différents échecs, le Maroc a déjà laissé entendre que le pays serait candidat à l'organisation du Mondial en 2030. Pourquoi le royaume chérifien s'obstine-t-il à organiser cette compétition sportive ? L'implication de plus en plus grande du Maroc dans le paysage sportif mondial à travers l'organisation de nombreux évènements sportifs interroge. Tout comme le Qatar ou les E.A.U, je pense que l'origine de cette partition sportive ne peut être limitée qu'à de simples orientations volontaristes. Elle procède plutôt d'une stratégie complexe et multiforme qui puise dans des outils aussi divers que complémentaires – culture, éducation, information développement durable et sport – pour rehausser une image sur la scène internationale et tenter d'accompagner une véritable dynamique d'émergence. Je dis souvent que cette logique s'inscrit dans le cadre du soft power. Un pouvoir multidimensionnel qui réinvestit la capacité à développer une influence « positive » sur une multitude d'acteurs très divers, tels que les Etats, les gouvernements, les médias, les ONG ou encore les fédérations. Par la multiplication des dossiers de candidature autour du sport, le Maroc entend vanter sa société dynamique, moderne et ouverte, parfaire sa notoriété internationale et renforcer son influence régionale. Cela lui permet enfin de renforcer sa visibilité au sein des instances sportives internationales car, si les défis apparaissent comme colossaux, les opportunités sont véritablement à la mesure de l'ambition régionale du royaume.